Souvenirs de frontignanais - Histoire vécue mais c’était avant !

Les températures négatives dans la nuit du 7 avril 2021, resteront dans les annales, plus de 75 % du territoire héraultais ont été touchés par ces températures froides. Les dégâts sont considérables, sur certaines parcelles, les pertes vont jusqu’à 100% les viticulteurs et arboriculteurs sont fortement impactés, l’état déclenche le régime des calamités agricoles, mais qui se souvient des épisodes extrêmes de 1954, 1956, 1963 et 1985.

C’était avant, dans les années 60…, le Sud de la France est traversé par un épisode neigeux accompagné d’une vague de froid.

« L’hiver 1961-62 est froid et neigeux. La neige a fait de très nombreuses apparitions. Le gel a été bien présent et largement excédentaire. » titrait alors MétéoLaFléche

Michel Campestre se souvient !

C’était un après-midi de saison hivernale à Frontignan. La jeunesse est impressionnée par l’épaisseur exceptionnelle de neige, 24 cm tombée dans la nuit en ville et sur le massif de la Gardiole, ce manteau de poudreuse attise l’envie de skier.

Les ados sont excités, une aubaine pour les animateurs experts en ski, qui décident de pratiquer leur passion sur les hauts de Frontignan. Le lieu choisi se situe aux abords du chemin de la Carrièrasse, c’est un terrain vague pentu choisi comme piste de ski (Aujourd’hui halle des sports Nikola Karabatic).

Les filles et garçons sont enthousiasmés par cette idée de sortie ludique, et la plupart d’entre eux sont novices dans l’art de la glisse. Un rendez-vous est décidé pour 13h30 devant le local de ski de la Maison des Jeunes rue Lucien SALETTE. Une distribution de matériel de ski a lieu dans la grande salle sombre de la Bourse de Travail où répète la fanfare « le Réveil Frontignanais » sous la direction du Chef Jean Marie JONQUET (tenue de rigueur, casquette bleu marine, chemise bleu ciel et pantalon blanc).

Pourvus du matériel adéquate, en colonne, la jeunesse s’achemine joyeusement vers la Gardiole en passant par l’avenue des Carrières. Un après-midi rigolade ou les chutes sont nombreuses, les débutants s’entremêlent, culbutent, les plus aguerris s’éclatent et se moquent. Un souvenir inoubliable.

Une Neige en abondance sur le massif de l’AIGOUAL

Samedi 17 mars 1962:

Vu l’abondance de neige tombée dans la semaine sur le Mont AIGOUAL une sortie de ski est organisée pour le lendemain.

Rendez-vous est fixé à 7h devant la bascule municipale où se situe l’office de tourisme (actuellement emplacement de l’arbre de la Liberté) et station d’arrêt des bus assurant des trajets journaliers entre Sète et Montpellier par deux sociétés les Cars Bleus et Cars Verts « Les Courriers du Midi ».

Dimanche 18 mars 1962:

La matinée est glaciale, les ados s’attroupent au lieu de rendez-vous, la plupart encore en demi sommeil avec des vêtements non appropriés pour la neige. Le matériel ainsi que les chaussures de ski en cuir qui ont été graissées la veille sont prêtées par la Maison des jeunes. Skis et bâtons hissés et amarrés sur l’impériale de l’autocar, les ados s’engouffrent précipitamment dans le car chauffé puis s’installent par copinage. La radio diffuse une chanson Espéranza interprétée par (José Marie Muñoz) alias Niño de Murcia chanteur international de flamenco avec sa guitare néo-frontignanais, il passe ses vacances dans sa famille frontignanaise et se baigne chaque année à la plage de l’Entrée. L’autocariste Géniés père ou fils de Sète assure le voyage.

Aux environs de 7h 30, l’embarquement s’achève dans le car. C’est le départ de la capitale du muscat, un groupe fredonne des chansons paillardes. Après avoir délaissé Montpellier, la circulation est fluide ce dimanche, le col de la Cardonille à 330 m d’altitude est franchi, lieu accidentogène en descente ; afin d’économiser le gasoil le chauffeur coupe le moteur jusqu’à la fin de la déclivité. « Une pratique courante à l’époque ».

Un arrêt détente vers 9h à Ganges, devant les halles du marché, dans un bar nous prendrons un café réglé en *‘’nouveaux Francs’’ en vigueur depuis le 1èr janvier 1960. Après un quart d’heure d’arrêt à la porte des Cévennes, au pays des filatures « confection de bas en soie de luxe » toute l’équipe embarque dans le vétuste autobus aux relents de gasoil. Saint-Julien-de-la-Nef sur la gauche nous contemplons la cascade d’Aigues Folles, nous quittons le département de l’Hérault pour celui du Gard. Nous attaquons une route montagneuse, la chaussée devient étroite et tortueuse le chauffeur n’est pas à la fête pour conduire.

* 100 anciens Franc = 1 Franc nouveau où lourd

Nous traversons Valleraugue non enneigée puis l’Espérou couverte de neige, enfin nous arrivons à la station de ski de Prat Peyrot sur le mont Aigoual. Dans la pagaille on se dirige vers la sortir du car, à l’extérieur, un blizzard de neige givrante sous un ciel gris platine nous accueille. Le matériel est rapidement déchargé, chacun s’équipe de brodequins* de montage et d’une paire de ski des années 50 où 60 avec fixation aux chaussures par ressort à bille et cordelette. Le manteau neigeux est gelé impossible de savourer pleinement le ski alpin* alors la luge de bois est très appréciée. Les initiés aux schuss et slaloms fanfaronnent, entre ados, les défis sont lancés de qui ira le plus loin.

* années 60 Les chaussures se métamorphosent avec doublure pour assurer le confort et l’isolation thermique. Le mythique Ski alpin en semelle bois devient métallique

13h pause repas tiré du sac. L’après-midi le groupe de skieurs alpin dévale les pistes accessibles, il n’existe alors qu’une seule remontée mécanique par une corde reliée à une poulie qui permet de franchir 100 à 150 m de dénivelé. Un tirage en se cramponnant à la corde.

Le retour vers Frontignan, c’est une cohorte épuisée, trempée qui monte dans le car, les ados s’affalent sur leur siège en skaï brun, certains grignotent un biscuit, croquent une barre de chocolat noir ou somnolent. Les animateurs chargent le matériel sur la galerie à bagages de l’autobus. C’est le départ le conducteur pilote avec précaution sur cette route partiellement enneigée. En roulant derrière des camions, certains sont équipés de 2 feux supplémentaires l’un vert et l’autre orange.

« A partir de 1954, les camions sont équipés d’un feu vert à l'arrière. Le chauffeur pouvait l’allumer lorsque qu'il apercevait un véhicule suiveur qui souhaitait doubler , il indiquait alors que la voie est libre. Le feu orange signale que la voie n'est pas libre pour dépasser. Mais c' était purement à l' appréciation du chauffeur du camion , et cela a entrainé des nombreux accidents ...Cette disposition a donc été supprimée en 1966. »

Un transistor diffuse des chansons Danser le Twist de Johnny Hallyday, J’entends sifflet le train de Richard Anthony brusquement par un flash info important: ce dimanche 18 mars 1962 signature des accords d’Èvian avec le gouvernement provisoire de la république d’Algérie et mise en application le 19 mars. C’est la fin de la Guerre d’Algérie (1954-1962).

Dans l’autobus aux couleurs crème et bleu outremer la jeunesse et les accompagnateurs sont hilares, radieux et se congratulent suite à cette heureuse bonne nouvelle et chacun cancane jusqu’à l’arrivée.

A.S / M.C - Contribution sur un vécu de la vie locale de Frontignan.