De Frontignan, un clin d’œil à la Roumanie, en ce 1er décembre

S’il nous faut justifier cet article, nous dirons d’abord qu’aujourd’hui, ce 1er décembre, c’est la fête nationale en Roumanie, d’où l’occasion de parler culture et poésie, des domaines qui dans ce pays ont une importance que peu de Français connaissent>.
Ensuite, ce texte est une chronique littéraire sur le dernier livre d’Angela, « Le rideau de fer », écrite par une poétesse Roumaine, Andreea Maftei, enseignante à Iasi, ville universitaire de Roumanie. Par son texte écrit en Français, cette écrivaine montre par-là combien son pays est francophile et francophone, mais ça, on le savait déjà un peu à Frontignan, où réside Angela depuis 15 ans alors qu’elle est en France depuis 34 ans.
On peut alors voir à quoi ressemble cette « chronique », exemple-type des centaines qu’Angela a écrites elle-même sur ses collègues écrivains depuis ses débuts comme auteure, qu’on peut qualifier de respectée dans son pays.
Ce livre, « Le Rideau de Fer », symbolisé par cette photo annonciatrice prise en 1985, paru aux éditions Vinea que dirige le poète Nicolae Tzone, devait être lancé au Livre de Paris, exposition annulée pour cause de Covid.
Merci et félicitations donc à Andreea pour nous aider ici à Frontignan à mieux nous faire connaître cet engouement des Roumains pour la poésie, lequel, disons –le simplement, n’est pas le même en France !
En conclusion pour ce 1er décembre donc :Trăiască România -Vive la Roumanie et tout ce qui la lie à la France!
 
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                        Andreea, la blonde!                               Angela, la brune!
 
Les armes de la poésie pour changer le monde
Angela Nache-Mamier, notre fidèle et savante lectrice, née à Brasov, Roumanie, maintenant citoyenne française à Frontignan - France, est une poètesse, critique litteraire et professeur de français connue dans espace litteraire européen par ses volumes „Escalier b appartement 3”, „Madame Bovary, votre fidele et savante lectrice” qui réunissent les volumes publiés en 1982 et en 1985 „Miraculum” et „Femina”. Dès ses débuts en 1985, elle a cultivé le langage du symbole comme un hymne bovarique s’integrant aux espaces fluides de la conscience et de l’interiorité fragile, dans une période difficile du régime communiste en Roumanie et après cette époque-là, dans un lieu neutre (no man’s land).
„hors de mon lit la chevelure emporte le souvenir. / jeux des sens / petites salamandres fugaces / au milieu / d’un feu d’herbes sauvages (...) la mémoire m’embellit / le long d’un jardin suspendu / aux heures du soleil…” (Sémiramide)
Pourquoi les souvenirs restent-ils gravés dans la mémoire affective? La communication de la vie quotidienne, urbaine (la nouvelle Renaissence), présente dans les poèmes du désordre, de la condition néo-moderne et révèle la voie féministe de l’artiste. Au-delà de passages métaphoriques et les épithètes insolites qui donnent de la gravité au fait domestique, même par la simplicité féminine, remplit la sphère métaphasique, sensorielle, avec la satisfaction personnelle et le sensationnel de la vie familière. La forme de la privation diverse dans un double cadre typique de la vision humaine et sociale - „le rideau de fer” – provoque la sensibilité sous les témoignages et les souvenirs, après les normes et les résistances morales, plus vives qu’hier („La vieille armoire en chêne se souvient-elle du temps où elle avait des feuilles ?” – P. Valéry). Et donc l’infini c’est l’âme nouvelle – qui ouvre des horizons / cascades de pensées / les mouvements d’étoiles en déséquilibre (la colline de chlorophylle).
Fait d’innombrables difficultés pendant longtemps - le rideau du passé contient les illusions perdues dans le pays natal et retrouvées dans un autre pays adoptif, avec une histoire différente, mais magnifique. Le vol lentement est celui d’une femme libre, moderne, avec des ailes blanches, mais le bec bleu, a changé, là ainsi que sa vie sentimentale et sociale (le figuier). Ainsi, le premier poème je me suis construite sur une colonne infinie, adressé à Pierre (Mamier) et à la tribu franco - roumaine c’est une déclaration de liberté inscrite sur une colonne de plus un plus absente, mais de pierre (lisons Pierre). La poétesse d’aujourd’hui – la Cendrillon de la littérature, bovarique, fait un texte auto-satyrique (le dernier poème) pour son propre auto-connaissance, pour conserver certaines traces dans la mémoire. Elle, l’artiste, est capable de surprendre l’art modeste (l’art et la créativité devraient faire partie prenante de la vie quotidienne) et les objets de toutes sortes devraient être collectionnés comme des cailloux (quelle que soit leur origine – roumaine ou française) même si le monde la regarde toujours comme une tête d’affiche (ridicule, enivrée d’être applaudie pour les prix (…) / (loin de tout, de la presse des journaux qui ne me dévoren) pas le syndrome / de facebook addict et l’amour fou) pour pratiquement effacer la ligne de la frontière, inexistante dans son âme. On voit ainsi la circularité de son volume - une sorte d’appel à l’inconscience par lyrisme – epur si muove : „d’un bout à l’autre / la terre s’amasse toute en rondeurs / pour durer je n’ai rien découvert / que le mouvement révolutionnaire dans le sang”.
La vie de la femme mariée la rajeunit sous son voile blanc. Elle revoit les plus beaux souvenirs jusqu'à présent, une multitude d’expériences partagées comme dans la nuit la plus longue / sous le simple arc d’une porte avec des sapins. La mémoire affective donne au langage poétique une nouvelle force polysémique entre un je du passé et un je du présent. A l’échelle de la conscience, les pensées mêle la diversité des oublis avec l’éventuelle fragmentation de la mémoire.
Sur la construction d’identité, l’instant imaginé, métaphorique, la poétesse tire, en l’espace public (Facebook), le rideau de fer, parce que, en lignes générales, la vie parle la langue du cœur par les mots-cœurs: „sur le mur la poésie dégouline / la marée de mots perpétuelle / noie le corps fin / confère le mot-clé-offrande / qui dans le mur muet / ouvrira / la bouche bleue de l’imagination / les mots-cœurs qui bombarderont les âmes-mortes / cet univers absurde / sans avenir / appellera le ciel urbain / inhumain / aux pieds de la jeunesse blessée / poetry poetry”.
La famille est un univers propre, qui humanise la douleur et les échecs quotidiens -humanitas: les frères sont les mots / des éclairs des secrets du monde (…) devant l’infini. Cette „infinité” c’est la poésie même du destin, les ailes qui battent toujours sans craintes quand : „je perds ma patience, la confiance / et le bouclier de l’équilibre” (idiote). Regardant au-dedans, se reflètent comme dans un miroir, les illusions perdues ou cachées comme certains vers dans les tiroirs: „parmi mes rêves sans calculer / je bouge des tapis, des meubles, la poussière, les lessives, les étoiles / la lune et la terre de leur place / mes espoirs immortels / viennent de loin, continuent plus loin / dans la fumée / l’ennui m’oppresse et je suis jeune (…) j’aime la vie, les mioches les lettres / les appels / les voisins / le rituel divin des menus / la poésie et le certificat de maturité. (spleen féminin général). Le discours lyrique d’Angela Nache-Mamier pour la lucidité est une constante, disait l’éditeur Nicolae Tzone, parce qu’elle lève les regards / les bras tendus dans le néant de l’attente. L’âme volée c’est donc la jeunesse perdue, un temps passé qui emporte la nostalgie comme le sentiment primaire. L’artiste (reine de cuisine) est sensible au monde qui l’entoure - bovarique again („mélancolique en lavant des miroirs pétrifiés où s’écroule visiblement / la neige de la rêverie”) et de passer le temps stérile, le désordre, l’insomnie, les barrières mélancoliques du temps toujours par son art, par son statut de scribe. Le rythme de l’écriture est fluide comme la pluie, comme ses états de frustration, d’ennui et de sensibilité profonde, aiguë. Le lyrisme prend des formes diverses, lumineuses, étoilées, qui surprend l’ineffable suspendu sous les cils (vers l’aube). Le langage est diaphane, courageux, sans pudeur dans l’éclat de la métaphore: „je travaille pour gagner mon existence / l’image vive du quotidien / n’a rien de monotone / elle déclenche les moteurs de la poésie / à 200 à l’heure / sans freins ni règles fixes / je ne me refuse pas à la réalité des alentours / j’essaie la soudure entre le réel et le sensible / les mots deviennent télégrammes rouges” (lyricales). Le concret est donc le thème principal tel que nous le connaissons depuis les volumes précédents. La réalité est révélatrice, principale muse de la poésie d’Angela Nache-Mamier. Le bagage émotionnel et culturel du présent, dans sa forme adoptive - la nouvelle ère moderne, transcende au-delà du rideau de fer : „parmi les flaques gluantes / je suis pensive inutilement / des camions arrivent, des cris tombent des tuyaux / le chaudron de l’enfer / si je tire la langue a tout/ je me prépare à m’agenouiller devant la mémoire de la montagne” - l’auteur se réfère à Brasov – lieu natal (vis-à-vis). Ainsi, „les échos de la vie coupent la respiration de la curiosité avec laquelle encore vive tu restes liée / à ce qui t’entoure” (à l’écoute). Céleste, la poétesse (silhouette d’air) reconstruit et comprime le temps et l’espace sous la pirogue des jours pour regagner, au présent, saga perdue, le sang paternel et maternel, le frère dans la dentelle de la mémoire, restent sacrés pour toujours comme la lumière d’une divinité abscons, mais retrouvée entre les vers de ses poèmes.
Angela Nache-Mamier reste une vraie adepte du quotidien révélateur et inspirant, une véritable ambassadrice de la poésie néo-moderne, qui anime encore, par sa sincérité et sa modestie, bien que d’une immense culture, la nouvelle génération de poètes.