Je me souviens à Mèze

Mèze rugit…

C'était dans la tête de bien des Mézois et même de Thau Infos (ICI et ICI)…

Le lion esseulé de La Marianne rugit depuis quelques déménagements afin de retrouver son compagnon disparu après avoir quitté le château d'eau…

Or voici que depuis peu des copies imposantes ont pris place sur les piliers signalant l'accès au précieux réservoir.

Certaines "mauvaises langues" prétendent que la conjoncture actuelle a permis le retour des deux félins… il se murmure même que l'original retrouverait son "double"….

En attendant notre photographe a vérifié et confirme la présence des animaux… à la sortie de Mèze, sur la route de Pézenas.

Pas plus tôt posé le lion "veille au grain" et a bien l'intention de ne pas s'en laisser compter ou conter…

Février 1914 : Mèze, cité active.

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 Héritage du passé ?

Avant la Grande Guerre, Mèze comptait 6 000 habitants. Agglomération typique de la plaine languedocienne vivifiée par l'activité viticole et, grâce à son port sur l'étang de Thau, elle participait à la vie économique régionale. L'animation de ses rues, de ses places et de ses quais donnait à l'agglomération comme un air de ville.

À la Belle Epoque à Mèze, on se distrait comme en ville. Rue Sadi Carnot, en bordure de l'esplanade, s'alignent estaminets et cafés : café de la Paix, Grand café du Luxembourg, Café de France, café du Commerce (plusieurs fois utilisé depuis son ouverture en…1820) et un café pour femmes tenu par Higoumène Claire. C'est d'ailleurs là une spécificité de Mèze qui totalisait 12 établissements où les mézoises pouvaient venir déguster un petit noir à un sou en apportant leur sucre. Les hôtels, comme l'hôtel du Parc, le Grand Galion où Larbaud fit halte, accueillent les voyageurs. Et comme le genre de vie urbain induit à cette époque des idées "avancées", il y a à Mèze une rue Emile Zola. A la sortie du bourg, route de Pézenas (l'actuelle N113), une Marianne de bronze brandit le flambeau de la liberté. D'ailleurs, "la vie économique est dynamique, rayonnante". Cela tient en partie à l'étang où l'on pêche, d'où l'on tire des coquillages. Au pied des remparts, le port aux nacelles abrite la flottille de pêche. Des expéditeurs de coquillages alimentent le marché de "Cette". Marins et pêcheurs ont leur syndicat.

commMais, comme le note Valéry Larbaud, le quartier au voisinage de la chapelle des Pénitents est semblable aux agglomérations de pêcheurs en Occident.

L'écrivain-touriste venu de Cette décrit la fine poudre qui rougit le pavé, les charrois de bauxite et jusqu'au fouet des rouliers. Et les briques de bauxite s'entassent sur les quais attendant d'autres destinations.

Et les salins (le lagunage actuel) génèrent des produits chimiques.

Mais à Mèze comme le notera Larbaud, "on vit par le vin, pour le vin". Dans le canton, on exploite 120 000 ha de vigne (Guide de l'Hérault 1909). Privat Félix, dont l'aïeul s'est illustré au début du XIXème, possède 4 500 ha. Mme Vve AzaÏs, 1 650 ha. Le raisin est pressé. Le vin est mis en tonneaux. Pour les fabriquer, on fait venir des bois d'Amérique, de Russie, de la région de Rome. En 1902, Mèze comptait 30 maisons de tonnellerie. Depuis le XVIIIème opérait la famille Bézard qui restera présente jusqu'aux années trente. Et le vin en tonneau est exporté vers Cette, comme au XVIIIème. Transitaires et négociants s'y emploient tels les Etablissements Paulin Arnaud. Près de 20 péniches par jour traversent l'étang. Larbaud parlera dans son Journal de "grands voiliers chargés de futailles".

Sans doute, ainsi que le montrent les photos d'époque, de grosses barques à voile latine où les tonneaux envahissent le pont.

Et par l'étang transitaient des marchandises diverses comme celles arrivant de Marseille transportées "à petite vitesse" vers Pézenas ou Servian. Sur le port, siégeait même, pour les passagers, une "Compagnie maritime". Mais c'est une autre histoire.commP1040545

 Port aux nacelles

Hervé Le Blanche

Daniel Carnet : itinéraire d’un passionné (1ère partie).

S’il existait un symbole du zodiaque approprié, Daniel (1) serait du signe : « Automobile, ascendant Porsche »

« Tout est parti d’un cadeau de Noël certainement. Mon père, en cachette, avait fabriqué un joli garage à étages (2). Très sophistiqué pour l’époque, ce jouet m’a comblé. »

Il a vu passer les premières Dinky Toys, les Solidos et Norev. Il trône dans le garage-musée du « gentleman–driver ». C’est le témoin d’un rêve devenu réalité et toujours d’actualité. Quelle fidélité !

Ensuite, l’histoire, le hasard, certainement la chance se sont associés pour conduire (le verbe tombe à point) Daniel sur la route du bonheur. Le parcours est passionnant.

Issu d’un milieu ouvrier ses études le dirigent vers l’enseignement technique. Il sera fraiseur, comme son père.

Il n’a pas trop le temps de s’investir dans son métier car le service militaire l’appelle en Allemagne chez les F.F.A. du côté de Stuttgart. Le voici mécanicien détaché à l’entretien des chars d’assaut : rien d’attrayant au départ. Sauf que, pas très loin, dans les quartiers Nord de la ville, à Zuffenhaussen, Ferdinand Porsche, constructeur d’armement allemand (tourelles des chars Tiger) et de la fameuse Coccinelle «Volkswagen» s’est tourné vers le sport automobile avec la fabrication de la 911, mythe de la firme. Les échanges entre les ateliers français et allemands sont fréquents : le soldat Carnet a le coup de foudre ! La domination de la marque Porsche dans les courses d’endurance (24h du Mans) est un solide argument mais aussi un joli rêve difficile d’accès.

20 ans et le karting.

 

 

Dès son retour des obligations militaires, comme bien de futurs champions, Daniel  Carnet se tourne vers la compétition karting bien moins onéreuse. Directeur commercial d’une grande maison spécialisée dans la photo, il passe ses loisirs dans les petits bolides. Il fera partie de la cession d’Alain Prost. Commence alors la fréquentation assidue des circuits.

Membre du Club Jean-Pierre Jarier (6000 adhérents), il occupe le poste d’organisateur-voyagiste des pilotes ainsi que de quelques clients passionnés avec séjour de détente et visite après les Grands Prix. Très proche des champions, il est au cœur de l’action.

 

 
Le Club Jarier : au centre, debout, Daniel Carnet.    

 

 Le Club Jarier sur le circuit.

 L’occupation est prenante : la saison de ces compétitions internationales débutait en Janvier par l'Afrique du Sud ; Février, c’était Argentine, Brésil, Californie, puis retour en Europe avec France, Belgique, Allemagne, Hongrie, Autriche, Italie. En Octobre, départ au Canada puis aux États-Unis. Joignant l’utile à l’agréable, il parcourt le monde entier. À ce jour, il totalise quelques 82 pays visités : un vrai globe-trotter !

Grand Prix du Brésil F 1 1979 – 3 Français aux 4 premières places :

J. Laffite (1er), P. Depailler (2ème) sur Ligier-Ford,  D. Pironi (4ème) sur Tyrell-Ford.

Au centre, chemise ouverte : Gérard Ducarouge, ingénieur LIGIER.

« À l'intersaison, la principale occupation consiste à la préparation du Salon de la voiture de Course où nous avions un stand. Nous y présentions la Formule 1 de Jean-Pierre Jarier ramenée en pièces détachées à chaque voyage ! La famille et mon job français ont eu raison de cette activité pratiquée de 1975 à 1981. »

1985 : il s’inscrit au « Volant Ford ».

Le voici dans une monoplace. Il est reçu mais sans suite puisque dans sa 38ème année. 

 


1986 : enfin la 911 !

Le rêve devient réalité : le voici heureux possesseur d’une Porsche 911. Le Versaillais entre dans le cercle fermé de la firme. Un nouvel univers s’ouvre à lui.

C’est ce que nous apprendrons dans la deuxième partie du reportage… (à suivre donc !)


Documents : Daniel Carnet - Photos 1 & 2 : Thau info.

Daniel Carnet : itinéraire d’un passionné (2ème partie)

« Baptisé » sur les circuits de Formule I avec le Club Jarier, Daniel va se diriger essentiellement vers ces derniers (Magny-Cours, Lédenon, Valéo-Mortefontaine, Lurcy-Levis…) son travail lui laissant peu de disponibilités. La prestation est courte, sans grande préparation et se déroule en fin de semaine. Le club « 911 Île de France » propose des sorties régulières : c’est l’idéal pour ce « pistard » dans l’âme !

 
Le voici, ici, à Bois-Guyon DREUX, au volant de son « bijou ».

Vous avez compris : pas de compétitions, simplement des confrontations amicales entre propriétaires de la marque allemande. Cette dernière ne les oublie pas et les invite régulièrement à tester les nouveaux modèles de la maison.

Vers l’automobile historique !

Avec un peu plus de liberté dans le temps, Daniel va alors s'essayer aux versions historiques des plus beaux rallyes français soit avec sa 911, soit en faisant quelques infidélités à la marque de Stuttgart :

Dans ces compétitions, il n’était pas rare de côtoyer des vedettes automobiles… et du showbizz.

Ci-dessous, surligné en jaune on trouve à la 65ème place le couple MOSS sur Alfa Roméo. Pour la petite histoire, Daniel (54ème) a obtenu la signature du grand champion anglais de Formule 1 (1951 à 1962) battu dans cette spéciale.


 


 

« Pierre Routelous (à gauche) était mon mécanicien, formé chez Porsche, rencontré lors de mon service militaire, à Stuttgart, en 1966. »

 

 

Sur l’étape du Circuit de l’Alpe d’Huez, il se classera 34ème sur 115… avec son copilote Vigneu.

Rallye de Paris   Coupe des Alpes
Tour de Corse Historique et puis l’incomparable Monte-Carlo Historique où il est invité à deux reprises. Il y croisera Henri Leconte, David Hallyday, le spectaculaire Jean Ragnotti…

Il rêvait du baquet : Stage de pilotage Formule I.

C’est au Castellet qu’il concrétise l’envie.

 Ce vendredi 14 août, il tourne le matin sur le circuit au volant d’une formule III où il retrouve des sensations similaires à sa 911. L’après-midi, seul sur la piste, il est très impressionné par la F I :

« Je fais partie de la machine qui se fond à la piste, j’ai de la peine à interpréter ce que je vois tellement ça va vite… »

2010 : le voici Mézois.

La passion automobile sera du déménagement. Ce sera le 3ème volet de notre reportage. À bientôt !

Daniel Carnet : itinéraire d’un passionné (3ème et dernière partie)

À la retraite, il s’installe à Mèze. Touriste habitué de la Cité du Bœuf, il a décidé d’y résider, avec dans ses « bagages », sa passion. Son garage devient un véritable musée. Y trône, vous vous en doutez, la mythique 911 3.2, très bichonnée, mais pas que…

Une VW–Porsche 914, petit roadster des années 1970, fabriquée par les firmes allemandes Porsche et Volkswagen l’y rejoint. Cette dernière avec un coffre avant, un coffre arrière et un moteur central fait partie des seuls 1 600 modèles fabriqués. Sa maniabilité convient idéalement aux petites routes de l’arrière pays vouées de plus en plus aux compétitions historiques. Daniel, avec son copilote Mickaël Tribuiani, « très branché zones de régularité » s’inscrivent régulièrement aux épreuves régionales.

À côté des deux "monstres" allemands, coup de cœur et de fierté, toute petite, une Mini Cooper avec laquelle il disputera le « Défi de l’Aigoual ».

 

Un mur de son grand garage sert d’historique.

   Les participations sont nombreuses : en voici quelques-unes !

 
La Ronde de l’Hérault avec la 914 et Mickaël Tribuiani.   7ème Boucle du Vallespir avec la 911 et son copilote Mézois.

Cette année, en mai, nous l’avions rencontré au Critérium des Cévennes Historique. Daniel n’est pas rassasié. Il court pour le plaisir. Parfois une récompense est à l’ordre du jour comme ci–dessous à La Gignacoise. C’est également l’occasion de croiser des personnalités de ce vaste monde automobile.

 

De belles retrouvailles !

 

Un moment fabuleux :

« Le monde est petit. » ou « L’histoire se répète ».

Le voici en compagnie de Jürgen Barth (à gauche), sur le circuit Paul Ricard, le 1er octobre 2016 à l’occasion de l’épreuve « Les 10 000 tours du Castellet ».

Oui, d’accord… mais qui est ce monsieur ? 

Il s’agit de l’ingénieur-chef de la maison Porsche, directeur du service course, vainqueur entre autres des 24h du Mans (1977 avec Jacky Ickx) … mais encore ?

Ce monsieur avait préparé la SC.RS (49 modèles) pour Spa–Francorchamps (Belgique 1996).

Au volant du modèle d'exception, Daniel casqué et ganté ! Quel honneur !

Les deux hommes se sont connus à Zuffenhausen à l’usine de marque allemande, se sont revus lors d’un Monte–Carlo Historique… histoire de famille, dirons–nous !

 

Toujours au plus près de l'actualité, Daniel Carnet profite aussi du merveilleux Pôle Mécanique d’Alès (quelle aubaine !) et de son circuit, où il joint l’utile à l’agréable. En effet l’association « Passion et Partage » retient ces concentrations pour collecter des fonds (230 000 euros en 10 ans) reversés en quasi-totalité aux enfants handicapés.

Bernhard Van Rijn, qui assure la présidence de ces « week-ends de roulage », est très fier du travail bénévole de son équipe, valorisé par la présence en augmentation de partenaires. Quelles belles initiatives !

Que d’activité ! Ce n’est pas tout… L’homme est insatiable ; c’est un aventurier ! Sa notoriété lui a permis de « toucher » à tout… Remontons le temps au gré de ses souvenirs…

   
 Traversée des USA en Harley-Davidson par la mythique Route 66.    Raid HD en Algérie (2007)
     
 Le « Tour de l’Inde du Sud » en Royal-Enfield « Bullet » (1999).    Le voici en reconnaissance du Dakar effectuant la traversée du Ténéré (1983).

Il profite même d’un séminaire professionnel « Kodak » à Hawaï pour louer une limousine !!!

 Et la famille, dans tout ça ? Engloutie par une passion inaltérée et inaltérable. Voici le détail « qui tue » au-dessus du petit établi !

 Même les panneaux routiers sont convaincus : en haut le nom de jeune fille de Madame !

 

La descendance est également concernée. Thibault, 10 ans, en présence de son papy-manager, s’essaie sur un kart de 400m3.

Baptiste, lui, s’est tourné vers le football, plus particulièrement au poste de gardien de but !

Entorse ? Thau Info en est moins sûr !

Fabien Barthez, international français aux 87 sélections, participe en 2008 et 2009 à la Porsche Carrera Cup France (tiens donc !), remporte en 2013 le Championnat de France FFSA GT, se retrouve au départ des 24h du Mans (2014). Sa voiture du Panis-Barthez Compétition est une Ligier JS P2.

Nous nous sommes compris… Carnet rime avec auto ! Prenez note ! Et puis, la combinaison est prête !

 

J'étais gueule rouge à Mèze - 1er volet

Gueules noires, ça vous dit quelque chose : le Nord, les corons, le charbon, la mine… un travail pénible, dangereux… effectué aussi par des femmes et des enfants… Germinal… des luttes ouvrières implacables, des grèves… pas que du bonheur ! Si maintenant, au jour où je vous parle, cher visiteur, je vous dis qu'à Mèze des mineurs ont vécu, travaillé, vous allez ouvrir de grands yeux et même vous demander si j'ai quelques problèmes de santé. En cherchant un peu, du côté des cheveux gris ou des crânes dégarnis vous aurez une confirmation cinglante :

- Et qu'un peu qu'il y a eu des mineurs à Mèze ! Au plus fort de l'activité, 160 salariés et leur famille étaient concernés. Ce n'était pas du charbon mais de la bauxite, le minerai principal de l'aluminium.

Pour ce premier volet sur une activité qui débuta, en France, à la fin du XIXeme siècle voici quelques précisions :

  • La bauxite contient de 40 à 60 % d’oxyde d’aluminium hydraté mélangé à de la silice et à de l’oxyde de fer. C’est ce dernier qui donne sa couleur rouge caractéristique à la bauxite.
  • Le nom de « bauxite » vient du village des Baux-de-Provence des Bouches-du-Rhône (France). Le minéralogiste Pierre Berthier analysa le minerai en 1821.
  • La bauxite de la région de Mèze était exploitée par deux compagnies : Alusuisse et Péchiney. Cette dernière entreprise était implantée dans le secteur à LA ROUQUETTE (1969-1978), plus grand gisement d'Europe et à MONTPLAISIR à partir de 1977.

Thau Info a rencontré Rémy MARTIN, mineur retraité, "puits" de renseignements et de documents. Pour lui, ce fut une époque formidable ! Avec cette gueule rouge qui a occupé tous les postes de la profession, nous vous proposons de revenir sur un passé très proche malgré tout puisque les dernières extractions datent de 1988.

Rémy, qui rêve, avec d'autres compagnons, d'installer "à ciel ouvert" le Musée de la Mine, va nous guider tout au long de notre enquête. Tout d'abord, un peu d'histoire. Le canton de Mèze eut ses premières mines de bauxite dès 1874 et furent exploitées pendant plus d'un siècle. Ci-dessous, la tour de chargement située au bord de la Nationale 113, près de Bouzigues. Le minerai partait pour Salindres (Gard) où il était traité chimiquement afin d'obtenir l'alumine.

Photo : Rémy Martin. Minerai à l'état brut.

 


Prochain volet : J'étais gueule rouge à Mèze (2) : géographie des lieux du secteur.

J'étais gueule rouge à Mèze - 2ème volet

Si au départ la bauxite était exploitée à ciel ouvert, les sociétés implantées dans la région comprirent vite l'intérêt d'aller fouiller un peu plus profond. Les mineurs chargés de forer en reconnaissance mirent le doigt sur plusieurs gisements appelés lentilles. Avant de pénétrer plus avant dans les galeries, il nous a paru utile de situer les lieux d'extraction ou du moins ce qu'il en reste. Rémy Martin s'est fait un plaisir de nous diriger avec quand même un petit pincement au cœur. Voici ce que notre recherche a donné.

La zone MÈZE-LOUPIAN.

C'est au carreau de La Rouquette-Montplaisir et son puits de 130 mètres que les mineurs descendaient dans les galeries. Là, ils travaillaient dans des conditions pénibles (eau, tirs de mines, éboulements…) et approvisionnaient le tapis roulant (descenderie d'extraction) en minerai. Ce dernier arrivait à Comberouge où, par le biais d'une trémie, il était chargé sur des camions via une autre trémie de chargement ferroviaire à Bouzigues (voir 1er volet). La piste utilisée passait également à Cambelliès (Loupian), autre gisement, célèbre aujourd'hui par l'eau de son lac légèrement chaude. Quand La Rouquette marqua des signes d'épuisement, l'entreprise Péchiney aurait pu se tourner vers Rigaudens et Jolimont les forages effectués étant très positifs. La direction avança qu'il fallait aller "trop profond" et décréta "la fin de l'aventure" et le licenciement (1990).

 
Le plan du carreau de La Rouquette   Rémy Martin le doigt tendu vers le chevalement disparu
 
Comberouge, là où sortait le minerai   Cambelliès, ce qu'il en reste…

La zone VILLEVEYRAC.

Trois gisements se trouvaient sur ce site : Roquemale, L'Olivet et St Farriol. Le premier était exploité essentiellement à ciel ouvert.  La Société des Bauxites de France et la Société Alais Froges et Camargue firent d'importants travaux de reconnaissance. Au fond du puits une albraque (lieu de rassemblement des eaux) contenait 1 000 m3 d'eau évacués par des pompes d'exhaure d'un débit de 90 m3/heure. 120 mineurs y travaillaient : 85 au fond, 25 au jour. St Farriol a vu passer la Société Union des Bauxites puis Alusuisse de 1973 à 1989, date de fermeture d'un gisement à galeries souterraines. Reste en activité Les Usclades repris par la SODICAPEI (Société de Développement Industriel et de Commercialisation de l'Association de Parents d’Enfants Inadaptés) en 1987 exploitée par Pechiney de 1960 à 1965. C'est la dernière exploitation minière de bauxite en France. Sa production est orientée vers les cimenteries, la sidérurgie et les fabricants de produits isolants.

 
Le lac de l'Olivet partiellement remis en état   Le lac St Farriol devenu gisement… d'eau
 

Témoignages et documents : Rémy Martin - Prochainement : J'étais gueule rouge à Mèze - 3ème volet (le travail du mineur)

J'étais gueule rouge à Mèze - 3ème volet

À gauche le casque du "chef", à droite celui de l'ouvrier.

Nous abordons cette fois, toujours grâce à Rémy Martin, le travail proprement dit du mineur de bauxite sur le secteur de La Rouquette-Montplaisir. La mine fonctionne 24h/24 grâce aux trois-huit, système d'organisation d'horaires de travail au poste permettant une exploitation continue jusqu'au samedi 4h. Sauf imprévu ou maintenance particulière, samedi et dimanche : repos !

Le poste "mineur" :

  • 4h - 12h
  • 12h - 20h
  • 20h - 4h (travail de nuit).

Pour le poste "entretien", une équipe opère de 7h à 15h.

À son arrivée sur le carreau, le mineur se dirige vers "la salle des pendus" où, en l'air justement, se trouve sa tenue. À l'aide d'une corde, il récupère ses vêtements de travail secs du fait de leur position car la salle est chauffée. Conjointement, la salle des douches attend la sortie de l'équipe qui va être remplacée et faire le chemin inverse. À chaque prise de poste, avant la descente, il passe à la lampisterie et reçoit une lampe en ordre de marche en échange de son jeton personnel. Lampe et jeton portent le même numéro. Ce dernier reste accroché au râtelier de la lampisterie, indiquant par là que l'usager de la lampe se trouve au travail dans le fond. Ensuite, sous le contrôle du "porion" (chef d'équipe) le mineur prend place dans la cage (ascenseur) avec sa quinzaine de collègues. Deux signaux

(lumineux et sonores) annoncent la descente (130 mètres pour le puits de La Rouquette). Pas de porte pour cette cage, simplement une chaîne ! À l'arrivée, une grande salle très éclairée avec d'un côté l'atelier et de l'autre le réfectoire (pour le poste 7h-15h uniquement). Les autres réfectoires suivent la progression de l'exploitation : là, chacun pose son panier-repas pour la coupure. Le porion donne alors les directives et ventile les ouvriers :

  • les conducteurs d'engins (gaz-oil désulfurisé ou électricité)
  • le préposé au convoyeur à bande du minerai, à la retaille éventuelle des blocs, au compte des godets…
  • les chargés du soutènement dans les galeries
  • les artificiers

Chaque mineur a sa spécialité mais son action est intimement liée à celle du mineur suivant. La solidarité est le maître mot au fond du "trou".

Nous nous sommes attardés à deux tâches qui nous ont paru essentielles : le soutènement et le minage.

 

 

Le soutènement

Il s'agit de sécuriser surtout le toit de la galerie afin d'éviter ou de prévenir un éboulement. Pour cela le travail s'effectue essentiellement à l'aide d'engins motorisés ou électriques. Tous les 80cm environ, la roche ou le minerai est percé sur une profondeur de 1m80 à l'aide d'une perceuse hydraulique  (tous les forages sont effectués "sous eau"). Par un système de sarbacane une cartouche de résine-durcisseur est envoyée au fond du trou. Un boulon est enfilé (poussée et rotation). Il servira de fixation à des bandes grillagées de protection (photo ci-dessous).

 

 

Le minage du front de taille

C'est une opération délicate effectuée par des spécialistes artificiers. On travaille toujours ou le plus souvent possible dans le minerai et on laisse une hauteur au toit d'environ 80cm afin d'assurer une meilleure protection. Profondeur de forage à l'eau de 3m. Hauteur de la galerie env. 5m. Largeur 4 à 5m. Le front de taille est donc troué de manière méthodique. Les cavités reçoivent des cartouches de dynamite de 200g avec amorce et reliées entre elles par des fils électriques jusqu'à "la marmotte" (génératrice d'enclenchement). Pour la "volée" qui nous intéresse, 29 amorces électriques à micro retard du N° 0 (bouchon) au N° 4 le plus souvent (couronne et pied), sont nécessaires ; cela peut aller jusqu'au N° 10 et + selon l'importance du tir de mine. Ainsi les déflagrations se succèdent (voir schéma ci-dessous). On a pris grand soin d'arrêter la ventilation et de mettre en ALERTE la portion de mine concernée. Le "ATTENTION, ÇA BRÛLE !" crié et colporté annonce les explosions imminentes.

 

Après la dissipation des fumées de tir, l'inspection "au pied de biche" avec des pinces à purger et "au son" de la nouvelle cavité, les chargeurs ST5 (godet de 5 tonnes) effectuent le déblaiement. Ci-dessous un ST10 (godet de 10 tonnes) radio-commandé, utilisé une seule fois sur La Rouquette-Montplaisir.

Nous venons de voir le travail en majorité mécanisé du mineur des "grandes" galeries. Pour les plus étroites le labeur était alors assuré manuellement. Très pénible il concernait des duos de mineurs. Le perforateur "Meudon" et sa mèche d'1m50, très bruyant (coquilles de protection sur les oreilles), nécessitait un guidage à deux. Le manque de place obligeait des actions individuelles. Le godet du chargeur qui évacuait, ne dépassait pas une contenance de 1,5 tonne.

Toute la synergie énumérée nécessitait une maintenance et une stratégie de travail pointues. C'est là que le poste "entretien" prend toute son importance. Il est composé de 3 équipes :

  • les mécaniciens et électriciens
  • l'équipement
  • le transport du minerai au jour (similitude à la structure carrière).

Les deux premières structures opèrent au fond de la mine de 7h à 15h. Leur base est à l'atelier. Leurs interventions sont liées à la bonne marche des machines et des véhicules. L'acheminement de l'électricité (380 Volts), la gouvernance de postes 5 000 Volts et de transformateurs à pyralène (interdits en 1987) méritent une surveillance de tous les instants. Côté équipement, même chose : il faut gérer le captage des eaux, les exhaures, le système de ventilation… Tout ceci est en perpétuelle mutation du fait de la progression de l'exploitation. Montage, démontage et remontage sont des préoccupations permanentes. Se rajoutent le plein des engins, le filtrage des gaz d'échappements… Un ouvrier spécialisé est préposé aux explosifs "tenus à l'écart" dans un fond de galerie et répertoriés avec minutie.

Et tout ce personnel ? Comment est-il "géré" ? Par qui et comment ? Ce sera notre prochain volet, le 4ème. Sachez, pour votre gouverne, que l'exploitation des mines est régie par le code minier plus particulièrement l'article L 111-1 intégrant la bauxite… Notre article se termine par la poésie :  Aux gueules rouges.

Gueule noire en ré mineur

Gueule rouge, mort en sursis,

Tu colores au sang tes soucis,

Dans les bas-fonds de la douleur.

 

Ta lanterne n'est pas magique,

Ali-Baba est en enfer,

Dans ta prison bleue, mise aux fers,

Avec des claques, sans tes cliques.

 

Ton fard, le pourpre de la terre,

Ton ciel, la nuit, l'éternité,

Creusant le tombeau d'Astarté,

Et le puits pour la mise en bière.

 

Robin des Bois des oubliettes,

Le Cupidon des sans-papiers,

L'art mineur, ce n'est pas le pied,

Tom Pouce n'est point de la fête.

 

Masqué du rouge de la honte,

Dans les abysses d'un volcan,

Ne dansant plus le french-cancan,

Tu meurs au bing d'une bombe.

 

Dans ta main un flambeau éteint,

Côté face, ta conscience,

Côté pile, la souffrance,

Ton beau miroir, l'œil de Caïn.

 

Illusionniste ta magie,

Ne se fait pas dans la dentelle,

Ta gueule rouge se craquèle,

Dans le quartier des sans-logis.

 

 

 

Germaine COUCHET,

poétesse Mézoise,

Membre du Club Brassens

et du Repérage Poétique.


Les photos identifiées  http://museedesgueulesrouges.fr/ sont la propriété du Musée des Gueules Rouges, avenue de la Libération - 83170 Tourves. Plus de renseignements ici

J'étais gueule rouge à Mèze - 4ème volet

Ce 4ème volet va nous donner une idée du rôle et de la place de la gueule rouge dans la société.

Le logement de la direction de Péchiney, Bd Foch à Mèze Le siège du C.E. et du syndicat, 11 avenue de Pèzenas à Mèze

- Photos Thau Info (2016) -

1)    Le mineur dans la mine.

L’organisation du travail est régie par le Code Minier définissant les conditions de travail, de santé et de sécurité. Si jusqu’en 1968, le délégué du personnel a peu d’impact et une représentativité « à l’émotion », les habitudes vont changer radicalement, conséquence des évènements (entre autres) du mois de mai de la même année. L’employeur doit appliquer ce code créé le 16 août 1956, réformé une première fois en 1970. Il comporte, en outre, la formation du délégué. C’est une révolution dans le bon sens du terme en ce qui concerne la législation du travail. Rémy Martin, vous l’avez deviné, a occupé cette fonction dans le groupe Péchiney puis Alusuisse par la suite. À l’école de la C.G.T., l’homme a appris au CERCHAR (Centre d’Études et de Recherches de Charbonnages de France), à Courcelles-sur-Yvette, à l’École des Mines d’Alès, à Sète, toute la réglementation de son métier et de l’action syndicale. Élu dans la tradition, sur le carreau de la mine, par ses camarades et en présence d’un officier de l’état-civil (Maire-adjoint de la Ville de Mèze), Rémy partage sa semaine de travail entre :

  • des visites réglementaires (avancement des travaux, sécurité, hygiène…)
  • des visites de postes (le duo lampe-jeton renseigne sur la durée de présence au fond : pas plus de 7h45).
  • des rapports divers d’accidents dont 5 décès
  • pendant les heures restantes, il rejoint les autres mineurs.

Ses comptes-rendus archivés, datés et signés attestent d’une situation transmise à l’autorité du Préfet. L’ingénieur de la mine fait de même pour sa direction uniquement. Le complément de temps est passé au fond de la mine. Permanent du syndicat CGT sur l’entreprise Péchiney, il veille sur les éventuelles anomalies côté salaires ou promotions. Lorsque le puits de La Rouquette ferme, en 1988-89, c’est le drame. Les contrats nationaux qui allaient jusqu’en 1993 (durée de 20 ans) ne pouvant être couverts par la société exploitante, c’est le licenciement. La lutte pour sauvegarder les droits des mineurs s’engage. Lettres, émission à Radio Thau Séte avec Louis Jeanjean, exposé au Conseil Général, entrevues favorisées par Y. Piétrasanta, M. Barbera, J. Lacombe avec Michel Rocard, Pierre Mauroy ou Roger Fauroux, ministre de l’industrie et de la Recherche se succèdent sans résultats probants.

   
 
 


 

 

 Pétanque sur le carreau pendant la grêve    Manifestation en ville    Manifestation devant la mairie

Des manifestations, des grèves sur le carreau suivent. La belle solidarité du fond de la mine éclate. Les conséquences sociales sont dévastatrices. Les propositions individuelles de primes de départ volontaire, de démission « d’arrangement », le chantage de la direction sèment la zizanie. Certains s’en vont loin. La plupart se retrouveront à St Farriol (Villeveyrac), d’autres aux Baux de Provence ou à Brignoles. Le bouclage des 30 ans nécessaires à une retraite décente ne se fera pas à quelques exceptions près.

Rémy est aussi secrétaire du Comité d’Établissement sis 11, avenue de Pézenas, ancien Hôtel du Parc (2 jours de permanence par semaine). Le CE dispose alors, côté finances, des 3,606 % de la masse salariale de l’entreprise. Cette manne est ventilée pour les œuvres sociales : gestion du fonds de solidarité, colonies de vacances des enfants, vacances studieuses des ados (USA, Angleterre, Espagne, Allemagne), bibliothèques (enfants, adultes), voyages en France et à l’étranger, gestion des jardins ouvriers, arbre de Noël des enfants des mineurs, organisation de la fête de la Ste Barbe… Une aide administrative importante se met en place. Mme Rouquette assure le secrétariat 3 jours par semaine. Les dépenses d’entretien, les frais de fonctionnement, sont à la charge de Péchiney.

À la fermeture définitive des mines sur Mèze, le Comité d’Établissement, qui n’a plus lieu d’exister et après bien des tractations, prend le régime associatif. Il devient l’APAP (Association du Personnel Aluminium Péchiney), récupère du matériel et, pour une somme modique, les terrains des jardins ouvriers à la disposition des mineurs situés à Villeveyrac et Bédarieux. En contre partie, l’APAP s’engage à exister jusqu’en 1993. 2015 : cette dernière, toujours en vie vient de fêter la Ste Barbe comme il se doit !

  1. Le mineur dans la cité.

Nous avons vu dans les volets précédents que le mineur travaille sous le système des 3x8. La pénibilité et les risques du métier sont compensés par des avantages sociaux (salaires conséquents, accès à la propriété facilité par le 1% patronal : cité des Horts, résidence Antarès, lotissement la Fringadelle…) quelque peu jalousés. Le mineur sort en ville bien habillé, pratique ses loisirs « quand les autres travaillent ». Sa profession est « bien protégée ». Rien à voir avec le régime conchylicole ou agricole. À Mèze, à la fin des années 70, des évènements épisodiques à grande échelle tels que des épidémies, des mortalités massives, des efflorescences d’algues toxiques se produisent dans l’environnement marin. Afin de compenser le manque à gagner une partie de la population mézoise sinistrée travaille à la mine (creusement d’accès au gisement). Elle n’y restera pas une fois l’étang redevenu « à la normale ». Quant aux 160 mineurs et leur famille, ils s’intègrent dans la vie de la cité. Ils pratiquent la pétanque sur le terrain où s’érige actuellement La Poste, le jeu Lyonnais avec la Boule d’Azur, le cyclisme, le football, relancent le judo à Mèze grâce à Euzèbe Péréa (*) et les tatamis du C.E. de Péchiney… (*) Un challenge de judo porte son nom pour honorer sa mémoire et son action bénévole. Ils feront partie aussi du conseil municipal. En juin 2007, dans le cadre de l’exposition « Lumières de la mine », au Château de Girard, les deux camps se sont dit leurs ressentiments de l’époque tout naturellement. La confrontation pacifique a permis à chacun de mieux connaître l’autre. Le passé local s’est réunifié et reste bien vivant autour d’une page d’histoire « à ne pas oublier ». Et si ce « Musée de la Mine » voyait enfin le jour à Mèze !

Gueules rouges cyclistes (photo R. Martin) Gueules rouges footballeurs (photo R. Martin)

Prochain et dernier volet (vidéo) : Rémy Martin nous parle de "sa" mine.

J'étais gueule rouge à Mèze - 5ème et dernier volet

La saga "J'étais gueule rouge à Mèze" se termine par la vidéo qui suit, témoignage vivant d'un pan d'histoire de la ville. Thau Info remercie vivement Rémy Martin à la fois acteur et spectateur de cette période :

Patrimoine Mézois

La Ville de Mèze avant…

C'est au Château de Girard (salle 2) que cette exposition est proposée à tous les curieux d'histoire locale. Si les "vieux" Mézois connaissent parfaitement la Cité du Bœuf  -bien que parfois la routine du quotidien obstrue les beautés cachées du site qui nous environne- le travail effectué conjointement par la Ville de Mèze et l’association du Rando Club Mézois est en tous points remarquable et mérite que l'on s'y attarde. Thau Info s'est déplacé et a découvert une mine de renseignements dont voici quelques extraits photographiques. Si les Journées Européennes du Patrimoine sont l'occasion rêvée de cette présentation, souhaitons que ce travail très "pointu" reste en permanence à la disposition du public. Après la plaquette récente "Un parcours dans la ville" réalisée dernièrement, cette rétrospective complète savamment des données oubliées ou laissées de côté…

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