Février 1914 : Mèze, cité active.
Héritage du passé ?
Avant la Grande Guerre, Mèze comptait 6 000 habitants. Agglomération typique de la plaine languedocienne vivifiée par l'activité viticole et, grâce à son port sur l'étang de Thau, elle participait à la vie économique régionale. L'animation de ses rues, de ses places et de ses quais donnait à l'agglomération comme un air de ville.
À la Belle Epoque à Mèze, on se distrait comme en ville. Rue Sadi Carnot, en bordure de l'esplanade, s'alignent estaminets et cafés : café de la Paix, Grand café du Luxembourg, Café de France, café du Commerce (plusieurs fois utilisé depuis son ouverture en…1820) et un café pour femmes tenu par Higoumène Claire. C'est d'ailleurs là une spécificité de Mèze qui totalisait 12 établissements où les mézoises pouvaient venir déguster un petit noir à un sou en apportant leur sucre. Les hôtels, comme l'hôtel du Parc, le Grand Galion où Larbaud fit halte, accueillent les voyageurs. Et comme le genre de vie urbain induit à cette époque des idées "avancées", il y a à Mèze une rue Emile Zola. A la sortie du bourg, route de Pézenas (l'actuelle N113), une Marianne de bronze brandit le flambeau de la liberté. D'ailleurs, "la vie économique est dynamique, rayonnante". Cela tient en partie à l'étang où l'on pêche, d'où l'on tire des coquillages. Au pied des remparts, le port aux nacelles abrite la flottille de pêche. Des expéditeurs de coquillages alimentent le marché de "Cette". Marins et pêcheurs ont leur syndicat.
Mais, comme le note Valéry Larbaud, le quartier au voisinage de la chapelle des Pénitents est semblable aux agglomérations de pêcheurs en Occident.
L'écrivain-touriste venu de Cette décrit la fine poudre qui rougit le pavé, les charrois de bauxite et jusqu'au fouet des rouliers. Et les briques de bauxite s'entassent sur les quais attendant d'autres destinations.
Et les salins (le lagunage actuel) génèrent des produits chimiques.
Mais à Mèze comme le notera Larbaud, "on vit par le vin, pour le vin". Dans le canton, on exploite 120 000 ha de vigne (Guide de l'Hérault 1909). Privat Félix, dont l'aïeul s'est illustré au début du XIXème, possède 4 500 ha. Mme Vve AzaÏs, 1 650 ha. Le raisin est pressé. Le vin est mis en tonneaux. Pour les fabriquer, on fait venir des bois d'Amérique, de Russie, de la région de Rome. En 1902, Mèze comptait 30 maisons de tonnellerie. Depuis le XVIIIème opérait la famille Bézard qui restera présente jusqu'aux années trente. Et le vin en tonneau est exporté vers Cette, comme au XVIIIème. Transitaires et négociants s'y emploient tels les Etablissements Paulin Arnaud. Près de 20 péniches par jour traversent l'étang. Larbaud parlera dans son Journal de "grands voiliers chargés de futailles".
Sans doute, ainsi que le montrent les photos d'époque, de grosses barques à voile latine où les tonneaux envahissent le pont.
Et par l'étang transitaient des marchandises diverses comme celles arrivant de Marseille transportées "à petite vitesse" vers Pézenas ou Servian. Sur le port, siégeait même, pour les passagers, une "Compagnie maritime". Mais c'est une autre histoire.
Port aux nacelles
Hervé Le Blanche