Étudiant en 2020 à l’IUT Génie biologique option agronomie à Perpignan, Loann Faure a fédéré un groupe de camarades pour concevoir un projet utile pour l’environnement. Grâce à leurs talents, un toit végétalisé va être créé au sein même de l’université en combinant deux innovations : un bac de culture autonome et un système d’irrigation totalement inédit.
Parfois, un destin bascule en quelques minutes. Pour Loann, qui avait seulement 17 ans en 2020, le déclic a eu lieu sur les bancs d’un amphi de l’IUT de Perpignan, lorsque l’ancien président de l’université est venu annoncer le lancement d’un budget participatif de la Région intitulé « Ma solution climat ». « J’apprends alors que des subventions vont être accordées à des citoyens présentant des solutions pour répondre à des problèmes écologiques », se souvient le jeune homme. « À cette période-là, j’étais frustré de constater mon manque d’impact sur le monde, je cherchais des moyens d’agir. Je me suis dit : ça tombe bien, des idées, j’en ai plein ! » L’IUT met une salle à disposition des étudiants intéressés et les laisse s’organiser. Loann pense recruter deux ou trois volontaires, pas plus. « Sur une promotion de 80, on était 40 à la première réunion ! Non seulement on avait la possibilité d’obtenir des financements, mais en plus, je n’étais pas tout seul. »
« Lever la main a changé le cours de ma vie »
Deux groupes sont constitués, correspondant aux deux options à l’IUT : un sur le traitement des déchets, un autre sur l’agro-urbanisme, qu’intègre Loann. Au moment de désigner un porteur de projet, le jeune étudiant se propose. « C’était une évidence pour moi. Au final, ce geste de lever la main s’est révélé très important. À l’époque, c’était insignifiant mais, avec le recul, ça a clairement changé le cours de mon existence : aujourd’hui, toute ma vie tourne autour de ce projet. » En effet, si après l’IUT Loann a continué en licence de biologie, il est actuellement en année de césure pour se consacrer entièrement à ce projet, appelé Végét’all.
Alors, pourquoi l’agro-urbanisme et pourquoi sur un toit ?
Loann, qui connaît son sujet sur le bout des doigts, argumente avec passion. « Il faut se nourrir là où on habite et renaturaliser l’espace urbain. L’agro-urbanisme répond à un problème d’utilisation de l’espace et les toits en ville sont inexploités alors qu’ils sont exposés au soleil et à la pluie, deux éléments qui permettent de rendre une terre fertile. Nous avons donc un grand intérêt à développer la végétalisation sur les toits. »
La principale difficulté réside dans l’irrigation. « Il existe des toits végétalisés irrigués grâce à des cuves enterrées sous les bâtiments qui stockent l’eau de pluie. Ce n’est pas très écolo et il faut une pompe pour remonter l’eau : ça nécessite de l’énergie et ça coûte cher. »
Arroser sur un toit, un casse-tête
Le groupe d’étudiants réfléchit donc à d’autres sources d’eau. « Le petit éclair de génie est apparu quand certains ont cité la rosée », sourit Loann. « L’humidité de l’air est présente partout, surtout sous nos climats méditerranéens où on a, en moyenne, 40 à 60 % d’humidité toute l’année. Et c’est une ressource en eau complètement renouvelable. » Mais comment l’utiliser ? Les étudiants recherchent les travaux menés pour extraire l’humidité de l’air sans dépenser d’énergie et parviennent à concevoir un système. Nous n’en dirons pas davantage : leur innovation technologique est sous secret, ils ne peuvent pas encore communiquer. Seule information que Loann accepte de lâcher : « L’objectif est d’être totalement autonomes et de produire en moyenne un litre d’eau par mètre carré par nuit. »
Pour tester leur extracteur d’humidité, après avoir créé des démonstrateurs, ils ont fabriqué le premier prototype industriel qu’ils ont reçu début juin. « Il est en expérimentation actuellement sur le domaine universitaire. C’est une super avancée, on est trop contents », jubile le jeune homme.
Faire tomber la pluie quand il ne pleut pas
Leur projet a déjà fait l’objet d’un reportage à la télévision et le Préfet des Pyrénées-Orientales les a invités à Canet-en-Roussillon le 7 juin dernier au forum de l’eau, destiné à présenter les initiatives entrepreneuriales et les solutions les plus novatrices en matière d’eau dans le département. « Ça leur a bien plu : des étudiants qui font tomber la pluie quand il ne pleut pas, c’est un peu magique », rigole gentiment Loann, bien conscient qu’être présents à cet événement était une grande chance.
Concrètement, le toit végétalisé verra le jour en 2025 sur un nouveau bâtiment de l’université dont la construction vient de démarrer. « On a rencontré Adrienne Costa, l’architecte qui réalise cette extension ; elle a été emballée par notre projet. Elle a demandé à modifier le plan de son bâtiment pour qu’il puisse accueillir notre toit végétalisé sur une surface de 25 mètres carrés ; nous serons pleinement associés à sa conception. »
Une initiative qui fait des petits
L’association qui était vouée à porter le projet Végét’all a grandi. Une première antenne a été créée à Montpellier avec des étudiants qui avaient envie de monter le même type de projets, puis une à Lyon et à Toulon ; une autre est en cours de création à Toulouse.
Au vu du succès de leur initiative et du désir exprimé par de nombreux étudiants d’agir concrètement pour le climat et l’environnement, Loann et ses amis ont décidé de créer un réseau pluridisciplinaire d’étudiants et d’élargir l’objet de l’association à l’innovation écologique quelle qu’elle soit, en rassemblant des étudiants de toutes formations. « On s’est rendu compte que nous pouvions dépasser les difficultés en mettant en commun nos compétences : la pluridisciplinarité donne une ouverture folle ! C’est très beau à voir », s’émeut Loann. « On met à mal les préjugés sur les étudiants qui ne seraient pas sérieux, pas capables de mener des projets sur le long terme. »
La structure veut aussi encourager les étudiants qui ne se sentent pas légitimes pour mener de grands projets à fort impact. L’association s’appelle désormais Réseau Nélosis.
« Ce nom vient d’une petite araignée minuscule nommée Anelosimus eximius : ces araignées sociales peuvent tisser des toiles gigantesques, simplement parce qu’elles collaborent entre elles. »
Sites internet : en cliquant ici et ici
Lauréat du budget participatif Climat 2020 pour un montant de 45 000 €
