Sète, fin XVIII è : le tabac peut brûler.

Une manufacture de tabac fonctionne à Sète à partir de 1751. Production lointaine, le tabac était conditionné dans la ville, ce qui soulevait de nombreux problèmes, en particulier celui des incendies. La manufacture brûla en partie en 1779 et jusque dans les années 1780 se posa la question des "incendies" des rebuts de tabac.

 

Les sources disponibles aux Archives municipales ne donnent pas d'indication sur les circonstances de la création d'une manufacture de tabac à Sète.

 

Tabac, Récolte, Feuilles, PalatinatLouis Dermigny, dans Naissance et croissance d'un port, nous apprend qu'elle fonctionna à partir de 1751 en conditionnant du tabac de Virginie qui arrive par les ports anglais (Whitehaven) et surtout écossais (Ayr, Aberdeen, Glasgow). L. Dermigny n'explique pas comment s'est constituée cette filière d'approvisionnement quelque peu insolite : Sète n'utilise pas du tabac métropolitain (on pense aux plantations du sud-ouest), ni issu des colonies. Et la route du tabac connut plus d'animation dans les années 1770-1775, ainsi qu'à la fin des années 1780 (1787 et année suivante).

Or, il arrive que le tabac brûle quand on ne le désire pas. Le 21 septembre 1779, la manufacture est en partie détruite par le feu. Cinq salles d'opérations spécialisées sont réduites en cendres. On aurait pu craindre de plus lourds dégâts, mais le prompt secours de la garnison a limité le désastre. Et la manufacture n'a pas cessé de fonctionner. Et les déchets divers de tabac ont continué à être brûlés dans son enceinte ou dans les rues, les sources sont peu claires à ce sujet.

 Sont tout aussi peu claires les circonstances et les affaires diverses suscitées par "les incendies des cottes de tabac". A la lecture des pièces d'archives, on peut penser que la manufacture avait obtenu cette possibilité de par l'appui de la cour des Aides de la province, ce qui lui avait permis d'obtenir des lettres patentes (sorte de décrets royaux). Mais les "incendies" toujours renouvelés entretenaient la crainte d'un embrasement général et des inquiétudes pour la santé des habitants. Ceux-ci s'inquiétaient des feux sans cesse renouvelés et qui parfois duraient : ainsi en 1783, un "incendie" commença le 25 octobre et dura jusqu'au 5 décembre.

Un procès verbal a été dressé à la suite de "dessentes" chez des particuliers qui se plaignaient et l'on a établi officiellement la durée de l'incendie et les plaintes que cela a suscité.

 

Le conseil de la Communauté se fit l'écho de ces craintes et s'engagea dans une longue guerilla juridique afin d'obtenir la cessation des "incendies". On en fit constater les méfaits pour la santé des habitants par deux médecins experts. On fit appel aux autorités de la province, en 1778, en 1784.

 

En pure perte. La Communauté, en cette fin XVIII è, ne put obtenir la cassation de l'arrêt motivant la décision. On envisagea d'opérer les "brûlements" hors de la ville et ce fut, semble-t-il à cette époque, le seul résultat concret. Même si brûler du tabac fut reconnu nocif pour la santé...

Hervé Le Blanche