Après une inauguration réussie la suite du Festival Les Automn'Halles

Après une inauguration réussie et une lecture passionnante d'une partie de la correspondance de Flaubert par le comédien Yves Ferry, suite du Festival Les Automn'Halles (34200 Sète), ce jeudi 23 septembre : au programme Alexis Jenni (18 heures au musée-Galerie d'Art Le Réservoir), puis un hommage à Jean-Claude Carrière (21 heures au cinéma Le Comœdia, tarifs cinéma).

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Jocelyne Fonlupt nous précise : "Après l'intervention de Laurent Cachard, président des Automn'Halles, suivie du mot de Marie Testa, la directrice de la médiathèque François-Mitterrand, qui accueille en grande partie le festival samedi et dimanche, et l'inauguration officielle du festival par François Commeihnes, maire de Sète, un apéritif dans les jardins du musée a réuni les spectateurs.

Puis Laurent Cachard a présenté la correspondance de « cet auteur immense » qu’est Flaubert. Il a également évoqué le livre d’Alain Ferry "Mémoire d'un fou d'Emma" (prix Médicis essai).
Enfin, le comédien Yves Ferry a lu des extraits de la correspondance de Flaubert.
Une soixantaine de spectateurs se sont délectés tant des mots de l'écrivain que de l'interprétation d'Yves Ferry en un Flaubert tout à fait convaincant tour à tour exalté, désespéré, en colère, rêveur ou poète...
Rendez-vous demain, jeudi 23 septembre à 18 heures pour un Grand Entretien avec Alexis Jenni pour son livre "La beauté dure toujours" au musée-galerie Le Réservoir, animation Laurent Cachard et à 20 h 30, au cinéma le Comœdia pour un hommage à Jean-Claude Carrière et la projection du film "Le Charme discret de la bourgeoisie" (prix des places tarifs du cinéma)."

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 Sedef Ecer et Yasmina Khadra seront tous deux présents le samedi 25.
Yasmina Khadra, par Yves Izard
 
aaauuuu666Yasmina Khadra © Géraldine BruneelYves Izard : Yasmina Khadra, avec Le sel de tous les oublis, vous nous entraînez dans la descente en enfer d'un homme que sa femme vient de quitter brutalement. On entre comme d'habitude dans la tête d'un homme qui frôle la folie.
Mais cette fois, vous vous interrogez sur la place que les femmes occupent dans une société en pleine mutation?
 
Yasmina Khadra : Il n'y a pas que la place de la femme en Algérie qui exige une attention soutenue. Nous enregistrons un grand retard littéraire à tous les niveaux. L'Algérie n'a pas livré toute la part de ses zones d'ombre et de lumière. Son histoire, pourtant riche, n'est que parcimonieusement traitée par les écrivains. Nous accusons un énorme déficit dans ce sens. Il y a tellement de sujets en jachères, d'angles de vue occultés, d'approches béquillardes. Certes, la femme demeure le parent pauvre de notre littérature, mais la société en général souffre de l'absence d'un traitement plus large et plus ambitieux.   
 
Yves Izard : Avec ce roman, vous revenez en Algérie, dans une époque post coloniale, pourquoi? Est-ce pour mieux interroger ce qui se joue dans ce combat entre modernité et tradition?
 
Yasmina Khadra : Absolument. Comment comprendre l'échec de notre politique actuelle et la régression qui en découle sans se référer aux années 1960 qui ont vu l'Algérie accéder à son indépendance après quatre mille ans d'occupation étrangère?
Au sortir du joug colonial, notre pays semblait en mesure de relever l'ensemble des défis et de renaître aux lendemains qui chantent. Si nous déchantons, soixante ans après, c'est parce que nous avons résilié le serment fait à nos morts en optant pour le culte des personnalités plus attentives à leurs petites affaires qu'au destin de la nation. 
 
Yves Izard : Quel regard portez vous sur le Hirak et la situation  en Algérie?
 
Yasmina Khadra : Nous avions une chance inouïe de nous en sortir définitivement, mais la naïveté du Hirak s'est heurtée à la diablerie d'un système corrompu et jusqu'au boutiste. Depuis le début des marches massives, j'ai essayé d'alerter l'opinion, à travers ma page Facebook, quant aux failles du Hirak qui refusait de choisir des personnes susceptibles de l'incarner. Aucun mouvement révolutionnaire ne peut aboutir s'il n'est pas porté par des voix identifiables en mesure de fédérer l'ensemble des revendications. Cela n'a pas été le cas, et mouvement est resté anonyme, et donc inefficace. J'ose espérer que le Hirak revienne très vite, avec une vraie feuille de route et des leaders unanimement loués.
 
Yves Izard : 19 ans après Les Hirondelles de Kaboul où vous nous nous emmeniez au sein d'un couple dévasté par l'oppression du régime taliban, comment vivez-vous ce retour au pouvoir des islamistes les plus radicaux, et craignez-vous ses conséquences sur le monde?
 
Yasmina Khadra : Le retour des Talibans était prévisible. C'est ce que j'avais déclaré à la presse, il y a des mois. La présence des alliés en terre afghane a échoué à cause des choix politiques. Les alliés ont tablé sur des responsables peu fiables, corrompus et vassaux, et la fourberie a fini par fausser tous les projets engagés en Afghanistan. De leur côté, les Talibans savaient que le temps travaillait pour eux et ont fait montre d'une patience qui, malheureusement, a payé. Les alliés ont cherché à proposer leur mode de vie à un peuple dont ils ne connaissaient pas grand-chose. Dans la précipitation, ils ont perdu de vue l'essentiel : la culture et le véritable mode de vie des Afghans. On ne peut bousculer l'ordre des choses sans le renverser d'une manière ou d'une autre. Cependant, le retour des Talibans est, sans doute, la faillite de trop. J'en suis très peiné.  

 

Et trois questions à… Sedef EceraaauuuuuuuuunbSedef Ecer © Brigitte Beaudesson
 
Le Festival du livre de Sète, Les Automn’Halles, a le plaisir de recevoir Sedef Ecer pour une table ronde consacrée au premier roman en compagnie de deux autres primo-romancières, Dima Abdallah et Abigail Assor, le samedi 25 septembre, à 11 h 30, à la médiathèque Mitterrand. En attendant, nous avons voulu en savoir plus sur la genèse de Trésor national.
 
Sedef Ecer, vous êtes auteur dramatique, scénariste, metteur en scène, comédienne, et maintenant romancière avec la parution en janvier dernier de votre premier roman Trésor national. Qu’est-ce qui vous a amenée à l’écriture romanesque ?
 
Sedef Ecer : J’ai déjà écrit un roman en langue turque et des nouvelles en turc et en français donc disons que c’est un premier roman français car j’avais déjà expérimenté cette écriture romanesque, celle de « l’objet terminé », contrairement aux textes que l’on retravaille avec une équipe.
C’est la tentative de coup d’État raté en 2016 qui m’y a amenée : un peu comme la narratrice, j’ai senti que quelque chose était en train de mourir, le pays était en train de se transformer de manière irréversible et je me disais que je ne retrouverais plus jamais l’ancienne Turquie et j’ai eu besoin d’une écriture solitaire. J’ai commencé à m’intéresser au pays de mon enfance et comme j’avais grandi, exactement comme la narratrice, sur les plateaux de cinéma, j’ai commencé à regarder les vieux films de mon enfance.
 
J’y cherchais quelque chose, sans savoir que ce que j’allais retrouver serait ce roman. Toutes ces femmes aux allures des Sophia Loren orientales m’ont tellement inspirée que mon personnage d’actrice a commencé à se dessiner. Il a fallu quatre ans pour prendre des notes, regarder des kilomètres de films, trier des vieilles affiches, photos, vieux articles de presse, me documenter… Et aussi pour écrire différentes formes liées à cette histoire qui me hantait avant d’arriver au roman : une émission radiophonique (Enfant-Star diffusée sur France Culture), un film (en cours de développement), une pièce de théâtre (que j’ai mise à la poubelle) et une performance que nous avons jouée quatre fois. Pendant ce temps, j’écrivais des pages et pages de ce roman fantôme que je mettais régulièrement à la poubelle. Puis, lors du premier confinement, j’ai enfin trouvé le temps et le courage de retravailler ces pages, un peu comme à une table de montage, de les assembler, de leur donner une forme romanesque.


Votre narratrice, Hülya/Julia, trouve d’ailleurs ses jalons au rythme des coups d’État (1960, 1971, 1980 et celui raté de 2016). Cet ancrage du roman dans la vie politique turque est-il important pour vous ?
 
S.E. : Oui, puisque c’était le point de départ de tout. C’est toujours comme ça, une fois que quelque chose commence à m’habiter ; un personnage, une situation, une scène, je commence à prendre des notes. Je lis, regarde, écoute tout ce qui peut m’aider. Puis, un jour, je sais que le matériau est là, que je peux commencer à écrire. Et pour ce roman, je savais dès le début que les coups d’État allaient rythmer le récit, qu’il y aurait les différentes pistes à tisser (l’amour, l’art, l’amitié, la politique) et j’ai organisé les temporalités en fonction de ça. Lorsque mes personnages vivaient des choses, la grande Histoire n’était jamais loin. Je me disais, un peu comme dans la tragédie grecque, ce n’est pas la faute des monstres, c’est celle des « Dieux », en l’occurrence, celle du destin politique d’un pays.  
 
Trésor national est aussi un immense hommage au cinéma et à la fiction en général. Vous-même avez joué enfant dans vingt-cinq longs métrages et ce, dès l’âge de trois ans. On vous a parfois qualifiée de Shirley Temple turque… Une expérience qui vous a aidée dans l’écriture de ce roman ?
 
S.E. : C’est un aspect qui a probablement été déterminant, lorsqu’on a vécu une enfance pareille, on ne peut pas en sortir indemne, avoir un rapport normal à la réalité. À l’âge où l’on se construit, entre 3 et 11 ans, les adultes qui m’entouraient allaient sur un plateau pour raconter des histoires. Déjà que l’endroit entre la réalité et la fiction est poreux chez les enfants, comment aurais-je pu ne pas croire en ces histoires qui, pourtant, étaient fabriquées de toutes pièces et de plus, pour la plupart, étaient totalement loufoques ? Disons donc que ce n’est pas une expérience qui m’a « aidée » mais une expérience qui m’a construite totalement, qui a façonné ma manière de vivre, de croire aux récits… Et puis aussi, j’ai grandi sur les genoux des divas adulées et j’ai probablement puisé dans cette expérience pour raconter mon personnage d’actrice-trésor.
 
 
Propos recueillis par Jocelyne Fonlupt-Kilic
 
[Encadré]
Trésor National, Sedef Ecer, éd. JC Lattès, janvier 2021.