La peinture contre la dictature

des coups de pinceaux à l'encontre des fusils d'assaut

L’Art est une création, suscite l’émotion, mais peut également être un puissant moyen pour dénoncer, s’opposer, rejeter l’abomination. La subtilité et la beauté de l’œuvre tranchent alors frontalement avec l’atrocité et l’abjection de ce qu’elle réprouve. Picasso, Portinari, Al-Khani (et bien d’autres) font incontestablement partie de ces artistes engagés.


 

Guerre et Paix de Portinari : l'exposition

Chef d'œuvre du peintre brésilien Candido Portinari, le diptyque Guerre et Paix a été présenté à Paris en 2014 avant de retrouver sa place au siège des Nations Unies à New-York. Avec João Candido Portinari, fils de l'artiste et commissaire de l'exposition au Grand Palais

 

 Comment les artistes vivent-ils la guerre actuellement ? Le mot guerre prend une dimension concrète lorsque l'on s'entretient avec le Syrien Khaled al-Khani qui vit en exil à Paris depuis 2011.
source : Insititut Goethe de Paris

 
 

 Prix international de la paix décerné à Picasso

Picasso était un artiste engagé, probablement depuis Guernica. Il déclarera à ce sujet :  Non, la peinture n’est pas faite pour décorer les appartements, c’est un instrument de guerre offensif et défensif contre l’ennemi.  Cette peinture évoque l’horreur de la guerre, mais également le courroux de Picasso concernant ces événements. Il va, par la suite, poursuivre son combat contre les dictatures fascistes et nazies : J’ai toujours cru et crois encore, dit-il en mai 1937, que les artistes qui vivent et travaillent selon des valeurs spirituelles ne peuvent et ne doivent pas demeurer indifférents au conflit dans lequel les plus hautes valeurs de l’humanité et de la civilisation sont en jeu. 
Fermement opposé à la guerre, il dessine en 1949 une colombe tenant une branche d’olivier dans son bec et s’exprime ainsi : «Je n’ai jamais considéré la peinture comme un art de simple agrément de distraction. Ces années d’oppression terribles m’ont démontré que je devais combattre non seulement pour mon art, mais aussi pour ma personne . Cette symbolique de la colombe sera amplement reprise par l’organisation pacifiste  Le mouvement de la paix . Picasso recevra le prix international de la paix en 1955.


Le projet Portinari pour un retour à la démocratie

Candido Portinari (1903 - 1962) est un artiste peintre brésilien, fervent admirateur de Picasso. Son projet pittoresque n’a pas pour ambition de séduire à travers le « beau », mais de représenter la condition humaine en suscitant une véritable énergie émotionnelle. Il met ainsi en peinture les conditions de vie du peuple brésilien et ses problèmes sociaux.
Il reçoit la médaille d’or du Prix international de la paix  en 1950. Son fils lance le projet Portinari en 1979 pour faire valoir à nouveau l’engagement de son père et le retour à la démocratie après 15 ans de dictature militaire au Brésil (1964-1985).
Le monumental diptyque Guerre et Paix (2 tableaux de 14 mètres de haut sur 10 mètres de large) est l’une des plus prodigieuses œuvres de l’artiste en faveur de la paix. Portinari meurt à 58 ans des suites d’une intoxication importante à certains métaux lourds présents dans la peinture. » en savoir plus : www.portinari.org

Khaled al-Khani lutte contre la tyrannie en Syrie

De son temps, son père était déjà un opposant au régime syrien. Il a d’ailleurs été tué en 1982 durant le massacre d’Hama. Khaled al-Khani n’avait alors que 7 ans. L’artiste a hérité de ce côté protestataire. Il est ainsi profondément attaché à la défense des droits de l’homme. De ce fait, les thèmes de la liberté et de la démocratie lui sont chers. Il peint des visages dans lesquels le regard de ses personnages en dit long sur l’épouvante qu’ils ressentent. Nul doute que la tragédie familiale qu’il a vécue avec le décès de son père a forgé son caractère contestataire. D’ailleurs, il a dû fuir la Syrie lors de la révolution en 2011, car il fut reconnu comme en étant un participant actif. Il poursuit son combat depuis cette date pour faire entendre la voix du peuple syrien.

À travers ces artistes, qui ne sont pas les seuls à s’être engagés, nous voyons la portée grandiose que les œuvres et l’art peuvent revêtir. Pour Vladimir Velickovic, peintre yougoslave : Peindre est un acte de libération et d’expiation. […] Il ne reste au peintre qu’à se battre avec ses armes et témoigner, c’est aussi dérisoire qu’essentiel. Mais c’est indispensable.  Si la peinture se veut libératrice, ses thèmes de prédilection n’en demeurent pas moins portés sur la servitude et les injustices. Ainsi, l’art sous toutes ses formes a souvent mis en exergue la cruauté des hommes envers leurs semblables.  » en savoir plus : khaledalkhani.com

Tony Toilier

Texte publié avec l'aimable autorisation de Deuxième Temps, revue numérique d'histoire de l'art.