François Garoute : Portrait par Philippe Raybaud.

François Garoute nait le 5 octobre 1860 à " Cette ". ( Ce n'est qu'en 1927 que l'orthographe du nom de la cité change). Il y décède le 18 mai 1910, dans sa cinquantième année.
Issu d'un père sétois et d'une mère Mézoise, François Garoute est le quatrième d'une fratrie de cinq. La famille vit au quartier haut.
De commis négociant puis secrétaire à l'hospice Saint-Charles, François découvre sa voie et se produit en amateur au cours de divers spectacles dès 1890. Il crée le " Groupe Artistique de Cette ", une chorale qui se fait connaître à Sète puis dans le département de l' Hérault.
C'est en 1894 que débute sa carrière de ténor, à Brest où il incarne le rôle de Vincent dans " Mireille "
( Mireille est un opéra en cinq actes, composé par Charles Gounod sur un livret de Michel Carré).
Les tournées le conduisent dans différentes villes françaises et à travers le monde. Les spectateurs l'applaudissent de l' Algérie à la Tunisie, de la Belgique à la Suisse et aux États-Unis. Son répertoire est riche de 59 rôles dont 22 créations. Il se marie en 1884, son épouse lui donne 7 enfants qui portent tous un nom en rapport avec l'opéra.
Contrairement à d'autres de ses contemporains comme Léo Slezak ou Émile Scaramberg, il n'existe aucun enregistrement audio de ses performances vocales. Il aurait trouvé que le procédé d'enregistrement ne reproduisait pas assez fidèlement sa voix, et aurait demandé que ceux qui avaient été réalisés soient détruits. Pour mieux connaître ce ténor sétois, plongeons-nous dans l'extrait de son journal, il y explique la passion de sa vie.
" « Je fixe ici des notes rapides, mais plus tard, j’espère réunir, en un livre plus complet, les mille et un souvenirs de ma carrière théâtrale. Ce sont des lignes sans prétention ; prière au lecteur de me faire crédit de ce petit travail. Pressé par l’ardent désir d’arriver, je n’ai guère connu le repos ni le charme des loisirs. Presque toutes mes heures ont été absorbées par des représentations successives et des études constantes. C’est-à-dire toujours en scène, ou devant un piano à travailler un rôle. La nuit, quelquefois, l’esprit en éveil, on répétait un acte ou une scène. Pendant 14 ans, j’ai voyagé du Nord au Midi, de l’Est à l’Ouest et à cette heure, je possède cinquante-neuf rôles à mon répertoire, dont vingt-deux créations. Je n’ai jamais reculé devant toutes les offres d’engagement qui m’ont été faites. Après l’hiver, je signais ma saison de Pâques et ensuite, celle d’été, sans préjudice encore des représentations isolées de ci et de là. Non, mille fois non, le métier d’artiste n’est pas un métier de paresseux, surtout pour celui qui, soucieux de son art, de son devoir, de son idéal, désire marcher vers un brillant avenir, couronné de fleurs et de lauriers. Avec de la volonté, on arrive certainement vers le but ardemment désiré et l’artiste doit être fort pour surmonter les nombreuses difficultés qui peuvent surgir, se dresser sur son chemin. À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire ! Il faut oublier les heures sombres de la vie pour ne penser qu’aux moments glorieux et enchanteurs qui nous ont été réservés. La personnalité artistique qui grandit, la fièvre du succès, les soirées triomphales, tout cela nous transporte vers des régions éthérées, élève notre âme et nous enorgueillit, avec un sentiment de fierté au cœur. Et à la soirée prochaine, éprouver encore les douces émotions de nouveaux succès, quoi de plus beau, de plus grands ? Il ne faut donc jamais désarmer devant les divers ennuis inhérents à la carrière théâtrale et dire au contraire avec une ferme volonté : « Je veux arriver ». Le répertoire est une chose très importante pour un artiste et l’on ne doit jamais reculer devant de nouvelles études. Au théâtre, plus le bagage artistique sera varié, intéressant, riche en œuvres diverses, plus les directeurs vous rechercheront. En province, il ne faut pas oublier que l’on doit varier souvent l’affiche. Le public dans beaucoup de villes, aime le changement, veut tout connaître, alors c’est à l’artiste avec son répertoire, à répondre à tous les desiderata de la foule qui alimente les théâtres. Demain « Si j’étais Roi » ! Après-demain « Le Chemineau » ! Ensuite, « Lucie », « La Favorite » et pour suivre « Hérodiade », « Samson » ou « Sigurd ». En voilà alors pour tous les goûts. Donc au travail et toujours au travail ! Ce n’est qu’au prix du travail que l’artiste se trace un glorieux chemin. Par des efforts constants de chaque jour, il arrive, péniblement peut-être, mais il arrive à se faire un nom, à se frayer une voie dans cette route tant encombrée aujourd’hui et si battue. Deux qualités maîtresses sont absolument nécessaires : une bonne voix naturelle et de l’intelligence. Avec cela, on va de l’avant et le succès est au bout. S’il ne réunit pas ces deux conditions, le jeune néophyte ferait mieux de renoncer à son projet et de ne pas augmenter le nombre des malheureux qui viennent échouer au bord de la rampe, dès leurs premières tentatives. Se relever alors est très pénible et souvent difficile. C’est pour ce motif que nous crions « casse-cou » à celui qui oserait s’aventurer dans un maquis qui offre tant de dangers et tant d’amères déceptions, s’il ne possède pas les armes nécessaires pour se défendre. » François Garoute.
D'après la page Facebook " François Garoute ". Le Petit Cettois du 20/10/1882, Le Journal de Cette du 15/12/1883 et du 07/03/1884. Et " Le Figaro " du 5 avril 1898.
Philippe Raybaud