Changer l'école : de la compétition à la coopération

Demain dépend de la façon dont élevons nos enfants. La rentrée 2020 est donc une occasion de s'interroger sur notre façon de préparer les hommes et les femmes qui, après nous, vont prendre en charge le futur de notre planète.

En France le système éducatif vise avant tout à faire émerger une élite. Cette approche de l'enseignement par la compétition produit du stress et de la souffrance pour de nombreux élèves. Elle accentue les inégalités entre les enfants et favorise les comportements agressifs, la triche et l'absentéisme. Cette logique de compétition se retrouve du primaire jusqu'à l'enseignement supérieur. Pour entrer en faculté de médecine, par exemple, la lutte est sans merci et les candidats doivent acquérir une mentalité de tueur compte-tenu du numérus clausus. Un bien mauvais début pour des gens à qui on va demander de sauver des vies remarquait le regretté professeur Jacquard.

En Europe, les pays qui s'en sortent le mieux ont délaissé l'apprentissage compétitif pour l’apprentissage coopératif qui consiste à faire travailler les élèves, ensemble, en petits groupes pour atteindre un même but. L'objectif n'est plus de demander à l'élève d'être meilleur que l'autre, mais au contraire de tisser des liens avec lui, d'échanger des idées ou des savoirs. La coopération proposée aux enfants sur des projets menés en équipe permet d'expérimenter des situations de "vivre ensemble" et de "travailler ensemble" qui seront celles qu'ils rencontreront plus tard dans leurs vies professionnelles. Cette forme d'apprentissage permet aussi une éducation sociale. Les enfants apprennent à voir les différences entre eux comme des complémentarités utiles à tous et les similitudes comme des forces à valoriser.

L'apprentissage coopératif ne signifie pas pour autant l'absence d'évaluation et d'émulation. Se situer par rapport à un référentiel reste nécessaire mais le but visé est d'abord le dépassement de soi et non le dépassement de l'autre. Le succès d’un élève s'apprécie d'abord sur sa contribution au succès de l’ensemble du groupe. Plutôt que d'inciter au conformisme pour ressembler au modèle qu'attend l'élite en place, l'accent est mis sur la créativité, la compétence indispensable pour l'innovation et l'économie d'aujourd'hui.

Pour les défenseurs de la compétition, le système coopératif est un leurre. Insuffler l'esprit de compétition aux enfants est le meilleur moyen de leur permettre de réussir dans la vie, quitte à écraser les autres. Pourtant, toutes les études montrent que ce cliché est contredit par les faits et qu'un esprit de coopération conduit tout autant à la réussite. Selon les chercheurs, l'éducation participative permettrait même de mieux faire émerger les "leaders naturels " et de mieux développer leurs capacités à conduire une équipe.

Au plan économique, les pays nordiques qui ont opté très tôt pour une éducation coopérative, ont des niveaux de vie supérieurs au notre. On y observe une amélioration des relations entre enseignants et élèves, une plus forte motivation pour apprendre, une plus grande confiance en soi, davantage de sérénité, moins de sexisme ou de racisme et de bien meilleurs résultats aux tests PISA (Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves).

La compétition n'est pas le moteur du progrès comme veut nous le faire croire le disque rayé de la pensée dominante. Pasteur ne cherchait pas à être compétitif quand il a trouvé le vaccin contre la rage, pas plus que Nicéphore Niépce quand il a inventé la photographie.

Jacques Carles