Le transport du vin par l'étang de Thau.

L'influence de Sète se faisait sentir, surtout au XIXè siècle, sur les petits ports de l'étang (en fait, la lagune) de Thau : Bouzigues, Mèze, Marseillan. Pour amener du vin à Sète, ou en exporter (ainsi que des alcools) par le canal du Midi vers Toulouse, des types spécifiques de bateaux furent utilisés. Ils remplirent leur office jusqu'à ce que, dans le cas de Marseillan, les camions citernes les supplantent.

 

Dans l'ouvrage Le Transport du vin sur le canal du Midi (éd. Causse, 1999, collection La Journée vinicole) sont distingués trois types de bateaux de transport. Etait utilisée même la "barque de mer", petite tartane à quille horizontale de 15 mètres de long pour 5 de large, tirée par une voilure latine classique. Pour naviguer sur l'étang et en partie sur le canal du Midi, on utilisait la "barque de patron" ou "barque de canal". Cette embarcation à fond plat, aux flancs presque rectilignes et aux extrémités très pleines, pouvait emporter 120 tonnes de fret.

Longue de 28 mètres pour 5,3 de largeur, elle supportait 1,60 m d'enfoncement. Le mât central était aisément abattable. Il portait une voilure latine en navigation sur les étangs, mais une voile carrée en guise d'auxiliaire pour le trajet sur le canal. Entièrement pontée, la barque de canal emportait en cale et en pontée des demi-muids de vin (soit 800kg) ou des cargaisons de blé, d'huile, de sel. Par ailleurs, une barque n'était ni "de mer", ni "de canal", c'était la "barque sétoise". Plus allongée que la barque de mer, la proue pourvue de guibre (soutènement en bois du beaupré), d'un gréement latin, elle transportait des demi-muids de vin depuis les petits ports de l'étang de Thau vers Sète.

 

A l'ouest du bassin de Thau, le port de Marseillan, nous rappelle-t-on, était actif dès le Moyen-Age. Il profita de la proximité de l'embouchure du canal du Midi dès 1689 quand fut mis en eau le tronçon Trèbes-Les Onglous, ce qui ouvrit la voie vers Toulouse. Et dès le XVIIIè furent établis des liens avec Sète où l'on allait livrer des variétés locales de vin, appréciées parfois par des négociants parisiens.

Mais c'est à la fin du XIXè siècle que le trafic sur l'étang connut son apogée. Les 3 barques de canal de l'armateur Germain Cousin assuraient la liaison avec Toulouse. Une dizaine de barques assurent le trafic avec Sète en 1894. Elles abordent au lieu dit "Tabarka", en face des chais des établissements Bulher qui font commerce de vin en gros. Or, malgré les travaux de dragage, l'envasement envahissait le port. Et le trafic se poursuivit à la baisse. Cependant, en 1920-21, 14 bateaux "d'assez fort tonnage" (?) assuraient le trafic vers Sète des vins et alcools. Les embarcations étaient celles de 3 armateurs : Emmanuel Henri (4 bateaux), Alexis Miramond (4 barques dont laMarseillaise, le Saint Pierre), Louis Boudou (6 barques dont le Saint Etienne, le Brûle l'Air, Les trois frères).

 

En 1960, le trafic touchait à sa fin : un seul bateau alimentait les établissements Noilly-Prat et Baïsse. Les camions l'avaient emporté. La route avait vaincu la voie d'eau.


Hervé Le Blanche