1795, année noire à Sète.

 

Pain, Le Fil, Les Miettes, La Pauvreté

 

Fin 1795,début 1796 (frimaire-nivose dans le calendrier révolutionnaire), Sète connut une terrible crise de subsistances. Des causes générales (mauvaise récolte) et des causes particulières (mauvaise saison, situation de la ville) se conjuguèrent pour provoquer un manque de grains, donc de farine et de pain. Quoiqu'ils en pensaient, les magistrats du Conseil général en vinrent à utiliser des moyens illégaux.

 

Selon l'Histoire de Sète (Privat, 1988), la récolte de 1795 fut une des plus mauvaises du XVIIIè siècle. L'examen des archives des déclarations municipales de l'époque indique que, pendant toute l'année 1795, la peur de manquer de grains avait été constante et qu'un certain rationnement avait été mis en place. Et la récolte annuelle du terroir de Sète n'était que de 400 qx, quantité à peine suffisante pour une consommation hebdomadaire. Les membres de la municipalité souligneront à maintes reprises que la commune devait prévoir la subsistance de 9 000 âmes, des étrangers fréquentant journellement la commune, des marins des bâtiments dans le port et tous ceux qui œuvraient à l'acheminement des fourrages et autres denrées pour l'armée des Pyrénées orientales.

De plus, la mauvaise saison complique encore le problème. Pour moudre le grain, il faut le transporter par mer à Agde. Mais si le fleuve déborde, il est impossible d'entrer dans "la rivière Hérault". Ceci est arrivé en frimaire (novembre 1795) et mi-nivose (décembre 1795).

 

A la fin de ce troisième mois de l'année républicaine, la "Commune de Cette" attend le retour de la barque du citoyen Biron. La municipalité semble avoir épuisé "tous les moyens que la sagesse suggère". Elle a emprunté au "Munitionnaire" (sans doute une structure militaire), elle a emprunté au Bureau de la Marine, elle a tenté de se procurer, par Lunel, les grains destinés à la Lozère. Surtout, elle a mis la main sur 1 900 "qx bleds", cargaison du brick gênois La Conception,capitaine Boubon. Non sans états d'âme et moultes délibérations. Le 5 nivose, un membre du Conseil interpelle la municipalité : "Citoyens, la famine menace la commune, à peine avons-nous dans nos magasins des farines pour fournir à la distribution demain." Famine, le mot est lâché par le membre du Conseil général devant qui est agité le spectre de l'émeute. "Le peuple, effrayé par la famine cette calamité affreuse, pourrait se livrer à des excès qu'il serait difficile de corriger et dont les effets paralysent les autorités…" L'orateur a sans doute vu juste. Car cela fait un an que les Sétois doivent se contenter d'une livre de pain par jour et par personne environ 400 grammes) et que, pour le reste, ils devaient se contenter de cette mystérieuse substance que Victor Hugo nomme "la vache enragée".

 

Et le Conseil s'inquiétait d'autant plus que, depuis 4 mois, il négociait à Marseille pour un arrivage important de 8 000 qx. Mais, malgré l'envoi de députations successives, l'affaire traînait. Le pactole marseillais ne semblait prêt à se déverser sur la Commune de Cette. Mais c'est une autre histoire.

Hervé Le Blanche