Sette, début 1795 : résistance passive ?
La chute de Robespierre, le 9 thermidor an II (27 juillet 1794), ouvrit une période de réaction. Pour les vainqueurs de l'Incorruptible, la Révolution était achevée et il convenait de "réagir" après la dictature montagnarde. A Sette, des épisodes où apparaissent des notables peuvent laisser penser que la Commune n'adhérait pas au nouveau cours des choses.
En France, après thermidor, le système terroriste fut abandonné : l'action du Comité de Salut Public fut limitée. Le Tribunal révolutionnaire cessa de fonctionner et l'accusateur Fouquier Tinville fut guillotiné. Le Club des Jacobins fut fermé sans que, note Jean Tulard (Histoire générale de la France, T4 Les Révolutions, Fayard), cela provoque des réactions populaires. Les anciens membres les plus avancés du Comité de Salut Public, Barère, Billaud-Varenne, Collot d'Herbois, sont inquiétés, de même que Vadier très actif au Comité de Sûreté générale. En février 1795 est rétablie la liberté des cultes.
La religion catholique prit un nouvel essor qui ne contribuait pas à l'affermissement du régime républicain. Mais étaient tournées les pages de la déesse Raison et de l'Etre suprême. Modérés politiques, nouveaux riches, "muscadins" et autres "incroyables" de la jeunesse dorée menaient la chasse aux Jacobins. A Sette, le Club des Jacobins local cessa de se réunir après le 4 mars 1795. Les républicains les plus avancés, Saint Ferréol, Bouillon, Arlès, Rodier, sont arrêtés. On s'invectivera entre Jacobins et modérés qualifiés de "cheveux à peigne".
Et l'offensive anti-jacobine prit un tour plus institutionnel. Fin novembre 1794 (23 frimaire an III), une délibération municipale nous apprend qu'une "Commission de l'épurement" œuvre au niveau du district. Et cette commission nomme une nouvelle municipalité. Tout le corps de ville est renouvelé. Maire et officiers municipaux "décorés de l'écharpe" apparaissent au balcon de la maison commune au son de la trompette du précon public. Mais, alors que l'opération de substitution paraît réussie, un incident va tout remettre en cause. Louis Bousquet, notaire, le maire désigné présent à la séance du Conseil général de la commune dix jours plus tard, refuse de prêter le serment d'usage et refuse la place de maire. On le presse d'accepter. Il est "vivement sollicité". Il persiste dans son refus qu'il explique par de "puissants motifs" qu'il n'évoque pas et quitte la séance. Le Conseil délibère et décide de la faire rappeler par trois officiers municipaux. Or, Goudard père, Julien Dussol et Péridier reviendront bredouilles. Le citoyen Bousquet n'est pas à son domicile. Bousquet n'a pas été le seul notable à refuser une place sous le régime thermidorien. Ainsi, Julien Dussol refusa, lui aussi pour de "puissants motifs", de siéger comme officier municipal.
On peut penser à des refus de se mettre en avant dans une période troublée. On peut aussi penser que, face à la réaction anti-jacobine, nombre de personnalités s'abstenaient de collaborer avec le nouveau régime et pratiquaient une forme de résistance passive.
Hervé Le Blanche
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