Les bijus de la Marine.
Le terme « marine » peut avoir des sens divers selon que l’on parle d’une peinture de genre, des bureaux de la Marine ou de la Marine française qui parlait, dans Marius, par la voix d’Escartefigue, le capitaine du « ferry boite ». A Sète, jusqu’aux années 80, on était fier de « notre marine » qui était un marché aux poissons, en contrebas de l’actuel office du tourisme, proche des quais , donc du rivage marin.
Le bâtiment était strictement utilitaire : deux voûtes de béton gris reposant sur des piliers garantissaient les étals des intempéries. Entre l’actuel escalier de la macaronade et la route, se vendaient là, tous les jours, les produits de la mer, poissons divers et coquillages. Ce qui faisait l’attrait de la marine, c’était la fraîcheur des produits de la pêche, vendus sur les lieux de leur débarquement. Pour une part, les femmes de marins y vendaient la part du matelot. Alors, on vantait les poissons que « la glace n’avait pas touché », l’arrivage du jour, les maquereaux « de la ligne ».
Et les coquillages, surtout les moules et les bijus. Ces bijus à l’aspect de patates de mer, à l’épaisse peau brune qui les fait classer par les savants chez les « tuniciers », car ils seraient revêtus d’une tunique. Certains ont gardé de leurs souvenirs d’enfance le goût âpre et quelque peu amer des bijus, « pleins d’iode » et qui « fortifiaient » les moins costauds. On mâchait un peu la chair et puis, on avalait ; on finissait par en aimer l’amertume.
Sollicitées, les archives nous apprennent que c’est en 1934, sous la municipalité d’Escarguel que l’on se soucia d’un abri pour les produits de la pêche, afin de les garantir de la pluie et surtout du soleil. En mai de la même année, une lettre du syndicat des patrons et matelots pêcheurs attira l’attention du maire sur le fait que « la saison des grandes chaleurs approche » et de ne pas laisser « notre produit de pêche reposer à la rage du soleil ». La municipalité délibère, consulte et vote un crédit de 44 000F. En outre, les pêcheurs étaient exemptés des droits habituels perçus sur les marchés. C’est la société « Roussillonnaise d’entreprises » qui se charge des travaux après que le comité consultatif du port, le service maritime et les Ponts et Chaussées eurent approuvé le dossier, sans oublier l’administration des Domaines qui concéda le terrain. L’emplacement était bien choisi, à la fin du quai, là où, à cette époque, la circulation était nulle.
Cette première marine à toit plat fut-elle reconstruite après 1945 ? Toujours est-il que chalands et poissonniers firent de la « Marine » un lieu actif, vivant. Quand il disparut, la dernière marchande que tout le monde appelait « Caroline » résista longtemps. Elle ne devait pas venir là seulement pour l’argent.