Le Pavillon Populaire de Montpellier est un espace d'art photographique ouvert gratuitement au public. Il affiche une programmation de haut niveau, en présentant les œuvres d’artistes de notoriété nationale et internationale. Trois expositions en moyenne s'y déroulent chaque année.
Antoni Campañà - Icônes cachées, 29 juin-24 septembre 2023
Les images méconnues de la guerre d’Espagne (1936 – 1939)
Quel impact peuvent avoir des photographies que leur auteur a choisi de garder secrètes ?
Il y a quatre ans, dans une maison près de Barcelone qui allait être démolie, deux boîtes rouges ont été retrouvées contenant 5 000 photographies sur la guerre d’Espagne (1936-1939) prises par Antoni Campañà i Bandranas (Arbúcies,1906 - St. Cugat del Vallès, 1989), l’un des plus grands photographes catalans du 20e siècle.
Pour quelles raisons a-t-il choisi de cacher son regard sur la guerre ? Il était catholique et pourtant il photographia la révolution anarchiste qui embrasa les églises de la capitale catalane. Il était libéral et nationaliste catalan, et pourtant il photographia la montée du fascisme espagnol dans les rues de Barcelone. Antoni Campañà n’était pas un héros. Il n’a pas choisi la guerre, mais elle l’a rattrapé. Et il n’a pas fui, il a continué à photographier, cherchant inlassablement la beauté à travers son objectif, car depuis son adolescence c’était sa passion. Jusqu’au coup d’État fasciste de l’été 1936.
Son appareil photo est synonyme de complexité. Il n’a pas photographié une ville en guerre, il a photographié sa ville en guerre, comme un pays se photographiant lui-même.
Contrairement aux grands photographes étrangers qui ont débarqué dans une Espagne déchirée, Campañà connaissait intimement la réalité du terrain. A la différence d’autres grands photographes de son pays, il n’a pas mis son appareil photo au service d’une cause idéologique. Il s’en est servi uniquement pour exprimer sa propre douleur.
Il ne prenait pas des photos dans un but politique, mais toutes les parties en conflit ont tiré parti de son extraordinaire capacité d’évocation, plus qu’elles ne le firent avec d’autres photographes. En écrivant des légendes radicalement différentes, les républicains et les fascistes ont manipulé les mêmes photographies de Campañà à des fins propagandistes antagonistes, démontrant que celui qui écrit la légende s’approprie toujours l’image.
Après la fin de la guerre, en 1939, il conserva ses cinq mille photographies - presque toutes inédites - dans deux boîtes rouges qu’il refusa d’ouvrir et ce, même à la mort de Franco, quarante ans plus tard : il ne voulait pas que la dictature utilise ses photos pour identifier et punir les combattants républicains. Comme tant et tant d’Espagnols, il souhaitait avant tout oublier. Ainsi il a caché ses icônes de douleur dans les deux boîtes que nous ouvrons à présent.
Légende photo : Milicienne anarchiste de la colonne Aguiluchos de la FAI-CNT dans la caserne du Bruc, dite caserne Bakounine, en août 1936 ©Arxiu Campañà
Vernissage mercredi 28 juin 2023 à 18h30
Texte d’intention par les commissaires de l’exposition
Le Pavillon Populaire de Montpellier présente la première grande exposition en France sur l’oeuvre du photographe catalan Antoni Campañà i Bandranas (Arbúcies, 1906 - Sant Cugat del Vallès, 1989) consacrée à la guerre d’Espagne.
Caché et inédit pendant quatre-vingts ans – jusqu’à la découverte, il y a cinq ans, de sa fameuse « boîte rouge », contenant cinq mille photographies prises durant les trois années de la guerre civile espagnole –, son travail déroule la complexité du conflit et des tensions croisées qui éclateront à l’été 1936 et finiront par entraîner l’Europe dans la seconde guerre mondiale.
Partant du principe que la guerre est l’expérience la plus absolue, à travers des milliers d’images, Campañà en relève les contradictions, sans concession à la propagande d’aucune partie, avec la recherche de la beauté totale comme prémisse. Là où il y a destruction, il cherche la vie ; là où il y a l’euphorie des uns il nous montre la terreur des autres ; parmi les ruines de Barcelone bombardée, se dessine le portrait de l’âme humaine.
Lui qui n’est ni un opérateur politiquement engagé ni un photographe de guerre, décide de ne pas détourner son regard du conflit total qui se présente à lui. Utilisant l’appareil photo comme thérapie personnelle, ce catholique et photographe artistique enregistre les églises détruites par l’euphorie iconoclaste des miliciens anarchistes qu’il dépeint avec empathie, créant de magnifiques icônes révolutionnaires d’impact mondial. Lui, qui n’est pas franquiste, présente les troupes fascistes italiennes, maures et nazies allemandes victorieuses défilant à Barcelone en 1939 en usant d’une approche esthétique comparable.
Campañà photographie le début et la fin du conflit dans sa ville avec le même malaise. Au fil des images – staliniens catalans, réfugiés, barcelonais tentant de poursuivre leur vie quotidienne – c’est une immense tapisserie des multiples facettes d’un conflit total qui se déroule, laquelle impactera l’opinion publique française et occidentale et d’où, finalement, naîtra la photographie de guerre moderne.
Campañà connaissant les décors et personnes qu’il met en scène, son regard manifeste une complexité qui nous oblige à réfléchir et nous positionner à travers une oeuvre beaucoup plus nuancée que celle d’autres grands noms de la photographie, présents dans les mêmes rues et fronts de bataille. Utilisés par toutes les parties en guerre, manipulés et décontextualisés, les instantanés de Campañà offrent un point de vue jusqu’ici inexploré sur cette période encore à découvrir.
Sous le commissariat d’Arnau Gonzàlez i Vilalta, professeur d’histoire moderne et contemporaine à l’Université autonome de Barcelone, de Plàcid Garcia- Planas Marcet, journaliste et correspondant de guerre à La Vanguardia, et Toni Monné Campañà, petit-fils du photographe et représentant du Fonds Campañà,l’exposition du Pavillon Populaire explore un ensemble de près de deux-cents images, dont beaucoup d’inédites, accompagnées d’un matériau historique (documents iconographiques, objets) venant constituer un contexte explicatif nécessaire à la compréhension globale de cette période dramatique de l’histoire de l’Espagne et de l’ensemble de l’Europe.
Légendes photos :
Véhicule abandonné dans un ravin à Portbou après la “retirada” des républicains (mars 1939) ©Arxiu Campañà
Le dessinateur Francesc Nel·lo, avec la faucille et le marteau sur le dos, peignant de la propagande antifasciste sur les trains de la gare de Sant Andreu durant l'été 1936 ©Arxiu Campañà
Présentation du Pavillon Populaire
Vue d'exposition © NFLe Pavillon Populaire est un équipement municipal d'expositions photographiques de la Ville de Montpellier, ouvert gratuitement au public. Il affiche une programmation de haut niveau en exposant des artistes de renom tels que Brassaï, Bernard Plossu, Patrick Tosani ou encore Tuggener.
Sous la direction artistique de Gilles Mora, avec pour principe l’invitation de commissaires et d’artistes nationaux et internationaux autour de thématiques établies, Montpellier se positionne ainsi parmi les tous premiers lieux d’exposition photographique contemporaine, en proposant des expositions entièrement créées pour le Pavillon Populaire. Ces rencontres sont pour la plupart des premières nationales voire internationales.
Depuis, avec trois expositions par an, le Pavillon Populaire a réussi à fidéliser un public nombreux, créant une forte attente.
Coordonnées
Esplanade Charles de Gaulle — 34000 Montpellier
T +33 (0)4 67 66 13 46
Horaires d'ouverture
Du mardi au dimanche (sauf 25 décembre, 1er janvier et 1er mai) :
- Hiver : 10h - 13h et de 14h - 18h
- Eté : 11h - 13h et de 14h - 19h
Visites hebdomadaires
- Visite « Grand Angle » (une visite pour les adultes. Durée : 1h15 environ) :
Le mardi et le vendredi à 16h
Le samedi et le dimanche à 11h et 16h
- Visite « Macro » (une visite pour les enfants de 3 à 6 ans et de 7 à 11 ans conçue pour eux et leur famille. Durée : 45mn environ).
Visite famille pour les enfants de 3 ans à 6 ans le mercredi et le dimanche à 11h
Visite famille pour les enfants de 7 ans à 11 ans le mercredi et le dimanche à 16h
- Visites de groupes (tout public y compris public empêché) sur réservation uniquement :
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