Derrière les termes parfois techniques et les procédures juridiques complexes, la Chambre régionale des comptes (CRC) d’Occitanie joue un rôle de garant, de médiateur... et parfois de fusible. Retour sur un sujet aussi discret que fondamental : les avis budgétaires.
Une « haute saison » du budget local
« C’est un moment important de l’année pour nous », prévient Valérie Renet, présidente de la CRC Occitanie. Entre mi-avril et fin juin, la Chambre entre dans une période intense : celle des saisines budgétaires. En 2024, elle en a traité 44, et déjà 17 depuis le début du printemps 2025. Ces saisines interviennent lorsqu’une collectivité locale (commune, communauté de communes, collège, EHPAD public…) rencontre des blocages dans l’adoption ou l’exécution de son budget. Le préfet peut alors solliciter l’avis de la Chambre.
Mais attention, insiste Hervé Bournoville, président de section : « Il ne s’agit pas d’une mise sous tutelle. Cette procédure n’existe pas. La CRC ne valide pas un budget, elle ne juge pas non plus les choix politiques. Elle analyse la régularité budgétaire. »
Quatre types de saisines, quatre signaux d’alerte
Sébastien Clos, vérificateur, résume les quatre grands cas de figure :
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Budget non voté : les élus ne parviennent pas à s’accorder. C’est souvent le symptôme de dissensions politiques internes.
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Budget voté en déséquilibre : les dépenses prévues excèdent les recettes. La Chambre est alors saisie pour restaurer l’équilibre, obligation légale pour toutes les collectivités.
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Compte administratif rejeté : en fin d’exercice, les élus refusent d’approuver les comptes de l’année écoulée.
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Dépenses obligatoires non inscrites : un tiers (comme une entreprise impayée) peut alerter la Chambre si une collectivité omet de budgétiser une dépense légale. Ces saisines ont explosé ces dernières années.
Un rôle d’expert, pas d’arbitre politique
Si l’exercice est technique, il reste très politique : « Le vote du budget, c’est le cœur du pouvoir local », rappelle Jérôme Bacqué. Le maire propose, mais c’est le conseil municipal qui dispose. Quand l’équilibre se rompt, la Chambre analyse, éclaire, mais ne décide pas. Elle n’intervient jamais sur l’opportunité d’un projet, mais uniquement sur sa viabilité.
Le travail de la Chambre, mené dans le cadre d’une procédure contradictoire, repose sur l’instruction rigoureuse des dossiers : collecte de pièces, échanges avec les services, parfois déplacements sur le terrain. À l’issue, un avis motivé est rendu, soumis à une délibération collégiale interne.
Un accompagnement utile, surtout pour les petites communes
Les saisines émanent majoritairement de petites collectivités, parfois dépourvues des compétences juridiques ou comptables suffisantes. Le travail de la CRC se veut aussi pédagogique. « Aller sur place permet souvent de clarifier les choses, de restaurer la confiance et de rendre le droit budgétaire accessible », souligne Sébastien Clos.
En conclusion : pas de tutelle, mais un garde-fou essentiel
Face à la complexité croissante de la gestion locale, la CRC joue un rôle central mais mal connu : celui d’un expert impartial, garant de l’équilibre budgétaire et de la légalité des actes. Sans jamais se substituer aux élus, elle accompagne, éclaire et alerte lorsque les équilibres démocratiques ou financiers sont menacés.
Juliette Amey