Elle n’avait jamais rêvé de cinéma. Et pourtant, c’est sur les plateaux qu’elle a trouvé sa place. À 31 ans, Mélanie Fernandez est régisseuse d’extérieur sur Demain nous appartient. Celle qui participe à transformer un scénario en décor crédible, qui trouve un cœur de porc dans l’heure ou recrée une chambre d’hôtel dans un bureau vide. Bienvenue dans les coulisses d’un métier aussi discret qu’indispensable.
Un détour par hasard, une vocation par évidence
Pour Mélanie Fernandez, travailler dans le monde du cinéma n’était pas une évidence. « Au départ, j’ai fait un master en sciences pour être ingénieure en recherche clinique. Puis, il y a eu cette pause de deux mois après mes études… et un copain caméraman avec le numéro du réalisateur général », raconte-t-elle. « Je l’ai appelé, il m’a dit : “Si tu me plais, tu commences demain.” J’ai commencé le lendemain. » Depuis, elle n’a plus quitté les plateaux.
Son métier ? Régisseuse d’extérieur. Un poste aussi central que méconnu. « C’est encore moins connu que les autres postes techniques, alors qu'on est les petites fourmis qui font que les choses existent », sourit-elle. En effet, son travail permet de rendre les histoires crédibles : une chambre d’hôtel à créer dans une pièce vide ou encore un hôpital avec du vrai matériel. « Tout doit sembler naturel à l’écran. Derrière chaque détail, il y a eu réflexion, négociation, recherche, parfois même de la débrouille. » Une fois, elle a appelé un hôpital pour emprunter une machine de dialyse. Une autre, elle a loué un vieil électrocardiogramme à une ONG, juste avant son départ pour l’Afrique.
Rien n’est laissé au hasard. « Pour une demande en mariage, on peut débattre pendant des heures de la couleur de l’écrin : rouge, trop classique ? Rose poudré, trop doux ? »
Entre boules à facettes et faux cœur : l’art de l’imprévu
Ce qu’elle aime, c’est l’adrénaline. « Quand tu passes des jours à chercher un échographe introuvable et que tu finis par l’avoir… c’est la victoire. » Et les galères ne manquent pas : une boule à facettes coincée sur un cargo entre la Chine et Sète, remplacée en urgence par une trouvée dans un cabaret parisien. Ou ce cœur de porc, censé être faux, mais remplacé au dernier moment par un vrai, après accord de la comédienne... végétarienne.
Il faut aussi gérer les imprévus du quotidien. Une scène de crime à rejouer dans un décor de fête ? Entre-temps, les femmes de ménage avaient tout nettoyé. « On a dû tout recréer à l’identique avec les photos : les chips, les gobelets, les gâteaux… sauf qu’on ne les avait plus. La panique. »
Le métier de Mélanie se confond souvent avec l'ensemblier, la personne chargée d'habiller et de donner vie à un décor en choisissant les bons objets : photos de famille, bibelots, jouets, boîtes d’épices. « Si c’est un chirurgien passionné de cuisine, je vais mettre plein d’épices. Si c’est une maison de famille, il y aura des magnets sur le frigo. On donne une âme au décor. »
Un monde de détails
Sur Demain nous appartient, trois équipes tournent simultanément chaque jour. « Le studio est en face de la clinique Saint-Thérèse. À l’intérieur, on a un hôpital, un bar, un hôtel, un commissariat, des appartements… » Mélanie coordonne, anticipe, trouve des solutions. « Une journée type ? Il n’y en a pas. » Entre les jours de préparation et les urgences de tournage, son emploi du temps est un puzzle permanent.
Et parfois, il faut encaisser les frustrations. Comme sur Le Dernier Duel de Ridley Scott, où Mélanie a passé une semaine à creuser une tombe devant laquelle Matt Damon devait se recueillir...avant que la scène ne soit coupée au montage. « Quand tu vois que la scène n'y est pas, c'est toujours très frustrant !” » Mais il y a aussi des récompenses plus discrètes, comme cette chambre d’hôtel aux tons vert d’eau qu’elle avait entièrement pensée pour une scène intime. « La comédienne m’a dit qu’elle s’y sentait bien. » Un geste simple, mais qui suffit à rappeler pourquoi elle fait ce métier.
Aujourd’hui, après sept ans dans les décors de fiction, Mélanie pense à l’avenir. « J’ai un bébé, donc je reste sur la série pour l’instant. Mais j’aimerais faire plus de films. Et à terme, peut-être travailler au pôle artistique. C’est moi qui propose aujourd’hui, ce serait bien un jour d’être celle qui valide. » Mais une chose est sûre : « Je m’épanouis. Et je ne suis pas prête de dire stop. Le cinéma, c’est un monde de fou… mais qu’est-ce que c’est beau quand tout fonctionne. »
Le cinéma, ce n’est pas que des stars et des scripts…
…C’est aussi des femmes et hommes de l’ombre, qui trouvent des pivoines en hiver, font parler un répondeur inquiétant, ou recréent l’odeur d’un bar fictif. Des femmes comme Mélanie Fernandez, qui donnent à l’image sa crédibilité silencieuse. Celle qu’on oublie parfois, mais sans laquelle rien n’existerait vraiment.
Juliette Amey