Stéphanie Fuster n’est pas née en Andalousie, mais c’est à Séville qu’elle a trouvé sa terre artistique. Flamenca de cœur et d’âme, cette danseuse singulière, installée à Toulouse, a parcouru un chemin atypique qui fait d’elle aujourd’hui une voix inspirante du flamenco contemporain.
Stéphanie Fuster n’est pas née en Andalousie, mais c’est bien là, à Séville, qu’elle s’est formée et révélée. Pourtant, tout commence à Toulouse, sa ville de cœur, où elle découvre le flamenco grâce à Isabel Soler, une figure pionnière dans la transmission de cet art en France. C’est là que la graine est plantée. Une bourse du ministère de la Culture lui permet ensuite de partir à Séville, où elle s’immerge totalement.
Elle y suit un apprentissage rigoureux à l’Académie Manolo Marín, dans le quartier de Triana, et se forme auprès de figures majeures comme Juana Amaya, Andrés Marín ou Belén Maya. Elle raconte avoir passé huit années à étudier intensément, tout en tournant dans le monde entier avec des compagnies espagnoles. Elle s’imprègne alors profondément de « l’école Sévillane », un style qu’elle décrit comme exigeant, qui valorise à la fois la pureté du geste, l’esprit, la grâce, mais aussi l’humour.
Trouver sa propre voie
Mais après huit ans en Espagne, Stéphanie ressent le besoin de prendre du recul. Elle évoque une nécessité intime : comprendre ce que ce langage dit d’elle, en tant que femme née en France, fille d’exilé espagnol. Elle explique avoir eu envie de rassembler tous les fragments de son identité à travers sa danse. « J’ai voulu créer des pièces à partir de ma langue, le flamenco. Inviter d’autres artistes, travailler en solo, raconter des histoires. »
Elle voit dans le flamenco une matière ouverte, un art du contraste où coexistent force et subtilité, tragédie et légèreté. « C’est ça qui m'a tant attirée », confie-t-elle, avant d’ajouter que le flamenco, aussi codifié soit-il, laisse toujours une part d’improvisation, de présence à l’instant.
Le flamenco comme langage scénique
De retour en France, elle amorce une transformation de son rapport à la scène. Elle collabore avec Israël Galván, puis avec Aurélien Bory, qui lui consacre un spectacle-portrait : Qu’estcequetudeviens?. Dans cette pièce, qui mêle danse et scénographie, Stéphanie interroge sa relation au flamenco et sa propre construction artistique. Elle confie que ce spectacle a été un tournant : « Pendant longtemps, je me suis demandé ce que j’allais faire du flamenco. Je me sentais enfermée dans les formes traditionnelles. Il m’a fallu des années pour déconstruire cette matière que j’aime profondément. »
Formée au droit public, elle évoque avec sincérité combien le flamenco a bouleversé son destin. « Ça a rebattu toutes les cartes, ça m’a surprise moi-même. »
Une artiste engagée dans la transmission
En parallèle de sa carrière scénique, Stéphanie fonde en 2006 à Toulouse une école de flamenco (La Fabrica Flamenca) dans un ancien bal où les toulousains venaient danser pendant la Seconde Guerre mondiale. « Je suis tombée amoureuse d’un lieu », dit-elle. Ce lieu devient le cœur battant de sa compagnie, Rediviva — un mot latin qui signifie "faire du neuf avec de l’ancien".
Elle y enseigne avec une équipe fidèle depuis près de 20 ans, transmettant une pratique rigoureuse et complète, du geste à la connaissance des styles, du chant à l’improvisation. Des enfants de 5 ans jusqu’aux adultes passionnés y apprennent le flamenco comme on entre dans une culture, un monde.
La conférence dansée : partager autrement
Présente ce week-end au Kilomètre de Danse à Sète, Stéphanie Fuster y présente un extrait de sa conférence dansée, Parler Flamenco. Elle y mêle parole, geste, humour et pédagogie pour proposer une autre histoire du flamenco. Elle précise : « C’est une fenêtre ouverte, une porte d’entrée. Je voulais que les gens aient envie de découvrir, pas seulement d’être fascinés. J’y rends aussi hommage aux grandes figures qui m’ont inspirée. » Dans ce format original et vivant, elle incarne les personnages de ce qu’elle appelle son "Panthéon", tout en retraçant son propre parcours de femme et d’artiste à travers cet art exigeant.
Créer à partir du vivant
Dans ses créations récentes, comme Gradiva, celle qui marche (avec Fanny de Chaillé), elle introduit la parole comme moteur du mouvement. Ce travail sur le désir, le texte et le corps marque une nouvelle étape. Elle dit y explorer « comment la rencontre avec une œuvre d’art peut nous mettre en mouvement ».
Prochainement, elle présentera Don Quichotte, l’homme à la tache, en novembre 2025 au Parvis à Tarbes, puis en mai 2026 au Théâtre Molière de Sète.
Enfin quand on lui demande de résumer son flamenco, elle emprunte les mots du guitariste Pedro Bacán : « C’est l’art de la tension dominée. Donner une forme à la pulsion, être toujours sur la brèche. » Une définition qui lui va comme un gant.
Juliette Amey