Octo, sculpture envoûtante de Johan Creten : un hommage au mystère marin

Le 11 juin 2025, au Jardin du Sémaphore, surplombant la Méditerranée, a été inaugurée Octo, une œuvre monumentale du sculpteur flamand Johan Creten, dans le cadre du projet Balades Artistiques en Méditerranée porté par Sète Agglopôle Méditerranée. Cette sculpture, aussi troublante que poétique, incarne un lien profond entre l’homme, la mer, et les récits fantastiques qui peuplent leurs histoires communes.

                                                                     

Le territoire de Sète Agglopôle Méditerranée, riche d’un patrimoine naturel et historique remarquable, affirme son engagement en faveur de l’art et de la culture à travers ce projet d’envergure. Comme l’a souligné Loïc Linares, président de SAM : « C’est pour célébrer cette créativité que Sète Agglopôle Méditerranée a choisi, à l’occasion de son anniversaire, d’associer vingt artistes aux quatorze communes qui la composent. [...] Ces projets de création d’artistes vont s’échelonner jusqu’en 2026. C’est un investissement qui éclaire fortement et pointe l’essentiel des fondements même de l’action de SAM : la célébration de l’humain et de son inventivité. »

Ce programme artistique transforme l’espace public en un musée à ciel ouvert, créant une nouvelle lecture du paysage et du patrimoine local. Christophe Durand, vice-président de SAM, délégué au rayonnement culturel, ajoute : « Ces œuvres présentées dans l’espace public seront librement accessibles à chacun comme une exposition permanente à ciel ouvert. »

Johan Creten : une œuvre, une histoire

Artiste belge formé aux Beaux-Arts de Paris, Johan Creten est une figure majeure de la sculpture contemporaine. Précurseur du renouveau de la céramique, il détourne les matériaux – argile, bronze – pour en extraire des formes puissantes, symboliques, parfois inquiétantes.

Octo, sa sculpture installée à Sète, est le fruit de plus de dix ans de travail et de maturation artistique. Présentée initialement au Grand Palais en 2012, puis au CRAC à Sète en 2017, elle a connu de multiples évolutions avant de trouver sa forme finale, pensée spécifiquement pour le Jardin du Sémaphore.

Lors de l’inauguration ce mercredi 11 juin, Johan Creten a livré un discours profondément personnel : « Qui aurait cru il y a 37 ans qu’un jeune flamant arrivait à Sète. [...] Je suis tombé amoureux de cette ville. Quand on m’a proposé ce projet, je me suis dit : Octo, ce sera pour Sète. [...] C’est vraiment le meilleur endroit. Quand vous vous asseyez sur le banc en face, la structure devient comme un mât. Cela vous laisse la possibilité d’observer aussi le paysage et cette ville que j’adore et que j’appelle ma maison. »

(Photo de gauche à droite : Christophe Durand (vice-président SAM), Hervé Marquès (maire de Sète), l'artiste Johan Creten et Loïc Linares (président SAM))

Octo : entre mythologie marine et mémoire sétoise

Inspirée du Jenny Haniver, nom donné au XVIIe siècle à des raies séchées, vendues comme créatures mythiques dans les cabinets de curiosités, la sculpture de Creten explore les limites du réel et de l’imaginaire. Dans les mots de l’artiste : « L’idée, c’est : la mer, elle est magnifique pour un marin, mais elle fait aussi un peu peur. [...] J’ai choisi cet animal parce que justement, c’est un animal qui parle du mystérieux de la mer, du secret, de l’inconnu. »

Octo ne se contente pas d’impressionner par sa forme : elle dialogue avec l’histoire de Sète. Des détails gravés sur son corps évoquent Louis XIV et le plan du canal de Sète vu du ciel. L’œuvre évolue au fil de la journée : « C’est une sculpture qui change d’aspect en fonction de l’heure. »

Elle s’inscrit aussi dans une longue tradition artistique, évoquant les œuvres de Chardin, Ensor ou Soutine, fascinés eux aussi par les raies, créatures ambiguës à « double visage ». La critique d’art Emmanuelle Héran note : « Ce bronze à l’aspect d’un grand monstre fantasmagorique fait penser à un diable, un dragon ou un ange [...] Il renvoie au Jenny Haniver. [...] Johan Creten a travaillé chaque face pour lui conférer un aspect ambigu et énigmatique. »

Un hommage à la mer, à la ville, à la transformation

Installée face à la mer, Octo devient une passerelle entre les mondes : celui des hommes, et celui des abysses. Patinée par le temps, elle s’ancrera peu à peu dans le paysage comme un repère poétique et organique. D'après le sculpteur : « La symbolique de l’œuvre, c’est le mystère de la mer. »

Ce mystère, Octo le révèle par sa forme mouvante, ses reflets changeants, et les secrets qu’elle contient. Véritable emblème d’un port façonné par les rêves de conquête de Louis XIV, et d’une ville ouverte sur l’inconnu, elle offre un regard neuf sur Sète, entre histoire, nature et imagination.

Juliette Amey