Valérie Igounet est historienne et journaliste, spécialiste du négationnisme, du complotisme et de l’extrême droite en France depuis 1945. À l’occasion de la prochaine sortie de son roman graphique « Crayon noir - Samuel Paty, histoire d’un prof » aux éditions StudioFact, elle revient sur la symbolique du crayon dans la lutte pour la liberté d’expression.
Quelques jours après l’assassinat de Samuel Paty [1], j’ai vu passer un post complotiste plus insensé que tous les autres disant que Samuel Paty était toujours vivant. J’ai eu le sentiment qu’on tuait cet homme une nouvelle fois. L’idée du livre s’est imposée avec l’ambition de raconter les faits et l’histoire tragique de ce prof, devenu héros malgré lui. L’idée était aussi de montrer à quel point les réseaux sociaux avaient eu un rôle central dans l’accélération dramatique de cette histoire. J’ai pris contact avec Christophe Capuano, l’ami de Samuel Paty qui a participé à l’hommage national à la Sorbonne le 21 octobre 2020. La Maison d’éditions StudioFact a immédiatement suivi. Le choix du dessinateur a été une évidence. Guy Le Besnerais était sensible à cette histoire avec une intelligence et un talent adaptés à celle-ci. La collaboration avec Mathilda pour la mise en couleurs a été également très naturelle.
Pourquoi le titre « Crayon noir » ?
Le crayon est un symbole fort de la lutte pour la liberté d’expression. On se souvient de cette photo prise Place de la Nation à Paris après l’attentat de Charlie Hebdo lors de la grande manifestation à laquelle Samuel Paty a participé d’ailleurs. Baptisé Le crayon guidant le peuple en référence à La liberté guidant le peuple du peintre Delacroix, ce cliché a fait le tour du monde. On y voit un jeune homme campé sur le monument central tenant un crayon de carton géant sur lequel est inscrit d’innombrables fois le mot Liberté. Et puis il y a l’ambivalence du crayon à papier qu’on peut gommer. Le roman est un hommage durable à Samuel Paty, un homme dont ses amis disent de lui qu’il était intelligent, droit et cultivé. Ce roman graphique à vocation à inscrire son assassinat dans un combat pour la liberté. « Crayon noir » est une référence également aux hussards noirs de la République, à l’importance de la laïcité. Le noir est aussi symbole d’obscurantisme et de souffrance. C’est par ailleurs la couleur qui fascinait Samuel Paty au point d’en faire le sujet de son mémoire de maîtrise.
La Région Occitanie a soutenu votre projet et accompagne la sortie de « Crayon noir ». Comment cette collaboration s’est montée ?
C’est moi qui ai pris contact avec la Région. J’avais remarqué que, très vite après l’assassinat de Samuel Paty, la Région lui avait rendu hommage. L’engagement de Carole Delga à défendre la laïcité et la liberté d’expression est très fort. La proposition d’une collaboration m’est apparue comme une évidence. La construction de ce roman graphique a été faite avec en tête l’absolue nécessité que cet ouvrage soit compréhensif par le jeune public. Le fait que la Région finance sa diffusion dans tous les lycées d’Occitanie est une opportunité supplémentaire de sensibiliser les jeunes générations à cette histoire dramatique et hélas bien réelle, fidèle à la vérité.
[1] Le 16 octobre 2020, Samuel Paty, professeur d’histoire-géographie dans un collège de Conflans-Sainte-Honorine, est violemment assassiné. Il a été décapité pour avoir montré à ses élèves des caricatures du prophète Mahomet, provenant du journal Charlie Hebdo, dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression.