Un projet expérimental de restauration des fonds dégradés de la lagune de Thau par enlèvement d’épaves et déchets sous-marins sur le site du Ponton de la Bordelaise

Le ponton de la Bordelaise, sur la commune de Frontignan, représente le site de plongée emblématique de notre territoire. Véritable vitrine sur la lagune de Thau, il accueille de très nombreux plongeurs à la recherche d’un paysage sous-marin atypique et d’une biodiversité exceptionnelle, telle que la Grande Nacre, l’Hippocampe moucheté et de nombreuses limaces de mer. La lagune de Thau a intégré le réseau de Natura 2000 en 2012 et a été classée en Aire Marine Protégée (AMP) en 2023 pour son incroyable réservoir de biodiversité.


Situé à l’embouchure du canal du Rhône à Sète, le ponton de la Bordelaise est menacé par des dégradations historiques (ancienne décharge) et récurrentes (macro déchets et échouages de navires).


Aujourd’hui, ce sont plus d’une trentaine d’épaves, de plus ou moins grande dimension, qui ont été recensées sur ce site ; ainsi que de très nombreux macro-déchets.


Sète agglopôle méditerranée et le Syndicat Mixte du bassin de Thau, appuyés par le bureau d’étude Biotope, ont souhaité engagé un projet a vocation expérimentale de restauration et de dépollution du site qui repose sur la réalisation d’une méthodologie d’aide à la décision sous la forme d’une grille d’analyse, qui permettra d’identifier les épaves à extraire en fonction de la sensibilité environnementale du lieu. 

 Ce projet est réalisé avec l’appui financier de l’Office Français de la Biodiversité (OFB), dans le cadre du Life MarHa (LIFE 16 IPE FR001) pour la restauration et le maintien du bon état de conservation des habitats naturels marins et lagunaires en France.

Gestion intégrée des épaves en aire marine protégée : un projet de restauration écologique pilote en France

Le projet porte sur le nettoyage sous-marin et la restauration du site emblématique de la Bordelaise.

Il a une vocation expérimentale puisque qu’il repose sur la conception d’une méthodologie d’aide à la décision sous la forme d’une grille d’analyse, qui permettra d’identifier les épaves à extraire en fonction de la sensibilité environnementale du site.

Un document pionnier qui pourrait être traduit en guide national pour la gestion intégrée des bateaux de plaisance hors d’usage en aires marines protégées.

La force du projet se situe dans son encadrement écologique renforcé (suivi écologique fin avant, pendant et après travaux), ainsi que dans sa construction collective par de nombreux acteurs impliqués.

L’application de la grille d’évaluation de la plus ou moins-value environnementale au retrait de ces bateaux de plaisance hors d’usage (BPHU), veillera à analyser au cas par cas chaque épave avant intervention, afin de redonner au site de la Bordelaise, sa naturalité.

 

En réponse à l’application de la grille, 15 épaves seront retirées du site en 2024. Elles sont principalement situées en bord de berge et le long du ponton de la Bordelaise.

Déroulement d’un chantier exemplaire

Le chantier a démarré le vendredi 9 février et durera une dizaine de jours, en fonction des aléas du chantier et des conditions météorologiques. Il s’achèvera au plus tard à la fin du mois de février.

La période du chantier a été spécifiquement choisie pour limiter la perturbation de la biodiversité sous-marine ou des métiers de pêche et de conchyliculture.

Les épaves seront sorties de l’eau par extraction à l’aide d’une grue, puis posées au sol afin de permettre à l’eau de s’écouler et aux écologues de s’assurer de l’absence de tout animal dans l’épave (hippocampes notamment) avant évacuation des épaves par voie terrestre. Les épaves seront démantelées et traitées selon les normes et réglementations en vigueur.

Toutes les précautions environnementales sont prises par l’entreprise de travaux maritime (Ulysse 34) au moment des extractions tels que des barrages anti-pollution ou des filets anti matières en suspension afin d’éviter tout effet néfaste sur la qualité de l’eau.

Un arrêté du Préfet maritime interdit le mouillage et l’accostage des bateaux sur le site de la Bordelaise pour toute la durée du chantier. L’accès au site par voie terrestre est également interdit jusqu’à la fin des travaux.

Un projet pilote et concerté issu d’une dynamique citoyenne

Alertés par les plongeurs de la Bordelaise sur l’accélération de la dégradation du site, (appuyés par l’association Rescue Ocean), les services de l’Etat avaient enclenchés une première réflexion de projet de nettoyage d’envergure avec les partenaires en 2020. Freiné par le contexte Covid et l’ampleur des enjeux à traiter, le projet a muri et profité d’un appui de l’OFB au travers de l’appui technique et financier du Life Marha pour sa concrétisation.

Ce projet innovant a nécessité 2 années de construction collective avec l’appui de nombreux partenaires institutionnels et techniques : Préfecture maritime de la Méditerranée, Direction Départementale des Territoire et de la Mer (DDTM), Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement Région Occitanie (DREAL), Ville de Frontignan, Voies Navigables de France et en concertation avec les clubs de plongée locaux très actifs et attachés à ce site.

Les acteurs de la pêche et de la conchyliculture ont également été associés au projet.

 Après les travaux d’extraction d’une partie des BPHU,  les plongeurs du site de la Bordelaise, attachés à contribuer aux efforts de restauration du site prévoient de mobiliser des plongeurs bénévoles pour poursuivre le nettoyage des macro-déchets sous-marins et terrestres et participer aux suivis écologiques de restauration du milieu et des espèces. Des initiatives qui seront accompagnées par le Syndicat Mixte du Bassin de Thau et ses différents programmes en faveur de la connaissance et la préservation de la lagune de Thau (gestionnaire du site Natura 2000 et porteur du Réseau d’Observation Lagunaire (ROL)).

Site expérimental dans la gestion des BPHU, suivi écologique renforcé et mobilisation citoyenne telles sont les clés de ce projet qui fera date dans la gestion du site Natura 2000 de la lagune de Thau.

 Coût de l’opération

 Ce projet est porté financièrement par le service Déchets (Brigade bleue) et le service Espaces naturels et agricoles de Sète agglopôle méditerranée.

Le coût total s’élève à 58 300 € HT (69 960 € TTC) financé à 80 % par l’Office Français de la Biodiversité et une participation financière de l’État par l'intermédiaire du FIM (Fonds d'Intervention Maritime) à hauteur de 8 000 €.

Suite du projet 

La réussite de ce projet pilote et les résultats des suivis écologiques sur la lagune après le nettoyage permettront d’évaluer l’intérêt de la poursuite des opérations de dépollution sur le site de la Bordelaise et plus généralement d’établir une nouvelle stratégie de traiter la gestion des BPHU sur des secteurs sensibles tels que la lagune de Thau. La grille d’aide à la décision réalisée par le bureau d’études Biotope sera déployée sur des sites Natura 2000 de la façade Atlantique courant 2024 afin de tester sa réplicabilité. Cela permettra d’engager des réflexions quant à la nationalisation de cette méthode.

Une trajectoire de restauration qui se poursuit et s’enrichie pour la lagune de Thau

Depuis environ quinze ans, les efforts déployés pour réhabiliter la lagune de Thau ont donné lieu à des résultats qui peuvent être qualifiés de spectaculaires. Ces succès sont le fruit d'une politique volontariste visant à réduire les sources de pollution et à accompagner les projets de conservation des habitats naturels de la lagune. Grâce à une approche globale et intégrée, la restauration écologique de la lagune de Thau a emprunté une trajectoire inédite, marquant un tournant décisif dans la préservation des milieux aquatiques.

Les scientifiques de l'Ifremer, dans le cadre du projet Retroscope, ont étudié plusieurs sites en France pour évaluer leur résilience. La lagune de Thau se distingue parmi ces sites, en affichant des améliorations significatives tant sur les paramètres physico-chimiques que sur les aspects biologiques et de biodiversité. Ces progrès témoignent de l'avancement considérable réalisé en matière de restauration écologique et de préservation de la biodiversité.

Les rapports scientifiques issus de ces travaux de recherche soulignent le caractère rapide et souvent spontané de la restauration écologique de la lagune de Thau. Ces résultats positifs sont à lier aux politiques publiques mises en œuvre, notamment à travers les Contrats de milieu coordonnés par le Syndicat mixte du bassin de Thau. Ces initiatives ont permis de fédérer les acteurs locaux autour d'objectifs communs, favorisant ainsi une gestion durable et respectueuse de l'environnement.

Le Life MarHa, un programme ambitieux de préservation et restauration des habitats marins en France

Lancé en 2017, ce projet Life intégré d’une durée de 8 ans a pour ambition de répondre aux mauvais état de conservation des habitats marins en France. Piloté par l’OFB, il implique 14 partenaires directs sur toutes les facades maritimes françaises métropolitaines. Il poursuit l’objectif de rétablir et maintenir le bon état de conservation des habitats naturels marins en appuyant l’ensemble des acteurs impliqués dans la gestion des 162 sites Natura 2000 habitats en mer et en lagunes méditerranéennes.

Marha intervient en évaluant le fonctionnement et la mise en œuvre de Natura 2000 en mer afin de proposer des adaptations lorsque cela s’avère nécessaire, en apportant des connaissances sur les habitats, leurs services écosystémiques et les pressions qui s’y exercent, en améliorant et complétant les outils à disposition des gestionnaires de sites Natura 2000 en mer et en appuyant ces gestionnaires dans la mise en place d’actions concrètes en faveur de la préservation des habitats. Dans ce cadre, le site Natura 2000 lagune de Thau a été soutenu à deux occasions par ce programme : pour la mise en place d’un balisage de plage écologique sur la commune de Meze et pour la restauration du site de la Bordelaise par retrait des épaves et macrodéchets. Des projets accompagnés de prés par le Syndicat mixte du bassin de Thau.

 

 

Le saviez-vous ?

Natura 2000 est le réseau des sites naturels les plus remarquables de l’Union Européenne, identifiés pour la rareté ou la fragilité des espèces qu’ils rassemblent et leurs habitats. Entre mer et lagunes, vignobles, garrigue, bois et plaines agricoles, le bassin de Thau est un incroyable réservoir de biodivesrsité. Le SMBT assure le suivi et l’animation de deux de ces sites, celui de l’étang de Thau et celui de la Plaine de Villeveyrac-Montagnac. Désigné par le Préfet, un comité de pilotage (COPIL) définit pour chaque site des objectifs de conservation et des mesures de gestion qui sont ensuite mis en œuvre sous forme de chartes et de contrats co-financés par la Région, l’Etat et l’Union européenne.

Le site Natura 2000 de Thau a rejoint en 2023 le réseau des « Aires Marines Protégées » françaises. D’une superficie d’environ 7 500 hectares et d’une profondeur moyenne de 5 mètres, c’est la plus importante lagune d’Occitanie. Elle abrite une biodiversité exceptionnelle et accueille de nombreuses activités : pêche, conchyliculture, thermalisme, nautisme… Le Syndicat mixte du bassin de Thau, en tant que gestionnaire du site Natura 2000, est gestionnaire de l’Aire Marine Protégée.

En bref, les Aires Marines Protégées (AMP) sont des espaces qui préservent l’étonnante vie marine, garantissent la subsistance de la pêche et des cultures marines, participent à l’économie locale et permettent à toutes et à tous de découvrir une biodiversité préservée. Une exposition participative itinérante a d’ailleurs été lancée afin de valoriser ce espace remarquable. Cliquez ici pour en savoir plus !

 

Crédit photos : ©BIOTOPE, ©L’œil du Plongeur, ©Syndicat Mixte du Bassin de Thau, ©DR