Alexandre Laissac (1834-1913), le radical bâtisseur.

Il est dommage que le souvenir d'Alexandre Laissac soit quelque peu oublié de nos jours. Car celui qui fut maire de Montpellier de 1878 à 1892 a contribué fortement à modeler le centre de la capitale languedocienne.

 

Ce radical socialiste, plutôt modéré, a mené une politique édilitaire vaste et variée. Comme son rival Vernière, Laissac s'est fait connaître aux dernières élections du second Empire, en 1869. Après la chute du régime impérial, il est nommé membre de la Commission provisoire de Montpellier. Notons que si les républicains avancés montrent de la sympathie pour la Commune, ils ne vont pas jusqu'à soutenir les communards. L'extrême gauche républicaine n'en sera pas moins active à Montpellier comme le montrent l'action de Laissac et des maires qui soutinrent la politique anticléricale du Bloc des gauches (1899-1902) et du ministère Combes (1902-1905).

Porté par ce courant laïque, Alexandre Laissac sera élu conseiller municipal en 1871, puis deuxième adjoint au maire. Il est nommé maire le 5 février 1878 et élu maire en mai 1884 et 1888. A la tête de la mairie, il va s'efforcer de réduire l'influence de l’Église dans la société : interdiction des processions religieuses dans les rues, laïcisation du personnel des écoles primaires, baptême des noms des rues et boulevards. Libre penseur affilié au groupe Libre pensée Victor Hugo, il a néanmoins évité les conflits avec l'évêque de Montpellier, le très ultramontain et monarchiste Mgr de Cabrières.

 Laissac mena une politique active pour l'enseignement, malgré les urgences : ainsi, c'est en 1881 que brûla l'ancien théâtre ; il fallait achever la construction des halles du boulevard Jeu de Paume ( "halles Laissac"), du nouvel hôpital Saint Eloi, reprendre le percement de la rue Foch.

Cela n'empêcha pas l'énergique édile d’œuvrer pour la rétablissement de l'école de Droit, de faire reconnaître comme régionale l'école des Beaux Arts. Puis, dans la ligne de la laïcisation de l'enseignement, il fit ouvrir à Montpellier le premier lycée de Jeunes filles de France, en octobre 1881. Jusque là, l'enseignement secondaire féminin était dispensé par des pensions libres ou des établissements religieux (Providence, Merci, Sacré Cœur, Assomption).

Leur but était de former des femmes chrétiennes propres, par leurs actes et leurs vertus, "à prendre et conserver de l'influence". Et, comme l'affirmera Mgr de Cabrières, "reconstituer le tissu social selon les valeurs chrétiennes". Pour les républicains : "C'est la page sur laquelle il convient d'écrire le plus si l'on veut que l'unité politique et sociale réalisée par la Révolution de 1789 soit complétée par l'unité de la famille ; cette unité n'existera que le jour où un même esprit présidera à l'éducation et à l'instruction de l'homme et de la femme." (doyen Castets 1889)

 L'enseignement des filles ne fut pas l'équivalent de celui des garçons avant 1924. Le lycée (aujourd'hui "Clemenceau") ne préparait pas au baccalauréat. Mais Montpellier honorait la tradition de savoir de la ville et son maire contribuait à la laïcisation de la société.

Hervé Le Blanche