111è Musc'art: rencontre avec Daniel Mourre, avant son exposition à la salle Izzo

Daniel Mourre, l’artiste frontignanais, nous arrive ou plutôt, nous revient, à la salle Izzo, à partir du 25 mai, jusqu’au 26 juin, où il expose ses toutes dernières œuvres sur le thème « Traces ». Il se fera un plaisir de commenter son travail aux visiteurs qui voudraient éventuellement de plus amples précisions après la lecture de l’interview qu’il nous a accordée pour le 111è Musc’art, qui le « reçoit » donc en virtuel pour la première fois, pour annoncer son exposition.
Comme on peut le voir, Daniel Mourre a eu un parcours de vie professionnelle puis artistique aussi singulier qu’intéressant. Et puis, après ses miroirs, « l’œuf » a éclos, c’est le cas de le dire. Il s’en explique, mais cette première étape est tout à fait caractéristique d’un artiste créateur dans l’âme qui s’est construit une ligne de conduite très cohérente dans le travail acharné et incessant de son atelier de l’avenue du Muscat. Il est mu par une pensée clairement animée par la prise en compte des traces laissées par l’Homme et de leur devenir dans un lointain futur. Un peu comme les impressionnistes il capte ses visions d’empreintes de ce monde moderne pour les fixer et les projeter vers l’éternité. Sacré parti-pris quand même ! Et pour que les impacts de ces traces soient bien perçus, ils sont traduits par ces taches immenses imprimées sur ses grands formats de tôles, de tissus ou de cartons récupérés, cohérence oblige, pour la sauvegarde cette planète en danger qu’il aime tant.
Il n’est pas alors étonnant que les plus grands critiques d’art actuels aient été interpellés par les recherches de jugements auxquels l’artiste, sûr de ses convictions, est très attaché. Et les retours de ces professionnels de l’art pictural sont alors favorables, positifs et laudateurs, qui renforcent Daniel dans ses choix, dans ce qu’il fait et dans ce qu’il est : un artiste sur le chemin d’une consécration qui va aller bien au-delà des murs de la salle Izzo, il n’y a qu’à déjà regarder l’agenda de Daniel d’ici la fin de l’année. Suivons donc ses traces, déjà grandes, vers l’avenir qu’il mérite.
 

Cliquez sur l'image pour agrandir

[widgetkit id=2108]

P.M - Bonjour Daniel
 
1) Pour avoir assisté à vos débuts d'artiste à Frontignan, pourriez-vous donner à ceux qui ne vous connaissant pas du tout, quelques éléments de vie professionnelle et artistique qui ont balisé le chemin de l'artiste consacré que vous êtes aujourd'hui ?
1999, je crée mon entreprise artisanale de miroirs d’art en tant qu’autodidacte. 2004, 1er Prix d’excellence de la Chambre des Métiers de l’Hérault catégorie métiers d’art.
2007 je suis le fournisseur officiel des boutiques du château de Versailles et du musée d’Orsay. Mes miroirs sont vendus dans le monde entier (Russie, Japon, USA, Espagne, Italie, Australie). 2009 cessation d’activité de mes miroirs.
En 2005, en même temps que ma production de miroirs, je crée en tant qu’autodidacte des œuvres uniques (œufs) qui seront exposées pendant le mois de juillet 2006 sur la place de la Comédie, à Montpellier, dite "place de l’Oeuf". Dossier soutenu par Jack Lang et la Région. 2007,2008 je présente et vends mes œufs chez Drouot à Paris à la « jeune création contemporaine » où j’obtiens une cote officielle. En 2007, je découvre, lors d’un salon professionnel pour mes miroirs, les empreintes de bouches d’égout qui me mènent au travail d’aujourd’hui.
L’empreinte jalonne ma vie personnelle depuis mon enfant et a impacté ma vie professionnelle.
Ma première empreinte, je l’ai faite à l’âge de 5 ans avec un cadeau reçu à Noël de mes parents. C’était une boîte de Mako moulage et les sujets de Bambi en étaient le thème. Le principe de mes miroirs en était la création à partir d’un moule en silicone. Quelques années plus tard ce fut les œufs qui, eux aussi étaient créés à partir d’un moule. Donc d’empreintes. Pour moi, la coquille n’est que l’empreinte laissée par l’oisillon dans son nid. En 2009 l’empreinte de bouche d’égout s’est imposée à moi. Elle n’est que le résultat d’un long chemin semé de belles rencontres. C’est une évidence pour moi. L’empreinte est le dernier acte ou passage de quelque chose laissé à un endroit. Je les ai découvertes sous la moquette installée juste devant chaque entrée de salons professionnels. C’est le passage répété des visiteurs du salon qui les a fait apparaître. Si les bouches d’égout n’avaient pas été là, elles ne se seraient jamais révélées à moi, ni à personne d’autre. C’est pour cela que je parle de révélation.
 
2) Avant la "période des oeufs", aviez-vous eu déjà d'autres thèmes d'inspiration
 
Non. J’ai d’abord pensé à avoir un métier en utilisant mes dons manuels. L’artisanat m’est apparu évident pour subvenir à mes besoins. Les miroirs étaient très bien pour cela. J’en ai bien vécu, mais malheureusement les différentes crises financières ont fini par mettre à mal mon activité et à décimer les boutiques de mes clients professionnels.
Plus tard, les œufs s’apparentaient plus à un métier artistique et personnel, car chaque pièce était unique comme le sont mes empreintes maintenant.
 
3) Ces oeufs, justement, pourriez-vous nous justifier le pourquoi de ce thème et ce qui en a caractérisé la réussite, en particulier sur la Comédie, à Montpellier ?
Pourquoi les œufs ? Il fallait que j’éclose artistiquement et personnellement. Comme je l’explique maintenant dans ma démarche artistique sur l’empreinte et sur mon travail de l’extrême dans l’art, il faut un début et une fin. L’œuf me paraissait le plus approprié.
Chaque être vivant, sur notre planète, naît soit d’un œuf soit du ventre de sa génitrice. Étant déjà né du ventre de ma mère, il était normal que mon bébé (talent ou don) naisse de moi. Comme je ne suis pas une femme et que je ne peux pas enfanter (rire) je ne pouvais le faire que par un acte artistique.
 
4) Et après alors, qu'y a-t-il eu ? De l'inspiration, du travail ?
Après mon exposition d’ovoïdes sur la Comédie, j’ai été très fatigué. Cette performance m’a tellement demandé d’efforts pour créer, soutenir, présenter seul un tel projet, que j’ai eu un retour de bâton physiquement. Être artiste est difficile surtout quand on part sans bagages et sans avoir suivi de cursus artistique. Il faut se battre 10 fois plus, enfoncer des portes ouvertes et essayer, réessayer. Puis la fermeture de mon entreprise de miroir à la même époque, à cause des crises financières, a fini par m’achever. J’ai eu une longue période de mal être et de déprime jusqu’au jour ou j’ai eu une révélation avec la bouche d’égout.
 
5) Resté fidèle à Frontignan, quelles activités artistiques avez-vous alors eues, seul ou avec d'autres artistes ?
J’ai toujours été seul car quand on est artiste, on est seul dans sa tête. Mon art m’est personnel, singulier et unique. Je ne peux le partager car personne ne fait la même chose que moi. Est-ce que Soulages a partagé son art sur le noir ? Il est unique. Après les œufs j’ai découvert en 2008 les empreintes de bouche d’égout sur moquette.
 
6) Le milieu artistique local et ses soutiens municipaux ou autres, vous paraissent-ils favoriser le travail et l'épanouissement des artistes ?
Oui. La preuve en est que depuis plus d’un an, Estelle Giraud , directrice de la culture, essaie de me faire exposer à la salle Izzo mais la covid a reporté deux fois l’expo. J'espère un jour exposer au Musée de Frontignan. Ça serait une belle carte de visite à mettre sur mon CV.
J’avais déjà exposé mes œufs dans la salle Izzo en 2005. L’espace n’était pas aussi beau que celui d’aujourd’hui. La mairie a transformé la salle Izzo en une réelle galerie d’art digne de ce nom.
N’oubliez pas que c’est depuis janvier 2019 que j’ai décidé de réaliser mon rêve, entrepris depuis des années, avec les empreintes. En deux ans, j’ai réalisé plus de 550 œuvres dont la plupart sont des grands formats. Le don artistique représente 10% et 90% du reste n’est que du travail. A la salle Izzo, je présenterai une trentaine d’œuvres de 2019 à 2021.
 
7) Votre travail et vos expositions sur les "Traces", correspondent-ils à l'évolution d'une réflexion philosophique chez vous ?
Évidemment ma démarche est intellectuelle et surtout philosophique ou plutôt elle l’est devenue. Je suis plutôt un manuel et jusqu’à présent, je n’ai jamais pensé que ma démarche artistique m’emmènerait vers ses directions intellectuelles et philosophiques. Travailler par l’art une bouche d’égout pour montrer artistiquement l’Apocalypse et la fin de l’humanité par son empreinte carbone est compliqué à expliquer, à réaliser et à décrire.
Ce qui me rassure à présent ce sont les critiques d’art reçues, début 2021, de grands philosophes et critiques qui soutiennent et démontrent ma démarche.