Il y a 350 ans à Sète : "Ce que le roi fait"

Il y a 350 ans à Sète : "Ce que le roi fait…"

Il ne fallut pas moins de 4 édits pour que Sète s'organise en communauté politique. Malgré l'arrêt de 1673, ce n'est qu'en 1685 qu'est établie la direction politique de la communauté : l'institution, appuyée par un consul politique élu, permettait à Sète de vivre en autonomie. Mais, la volonté royale, de faire de la nouvelle agglomération une terre immune, a-t-elle été respectée au fil du temps ?

Des éléments de réponse sont fournis par le rapport de Jean Mathieu Grangent, subdélégué à Sette de 1768 à 1780, à l'Intendant Ballainvilliers en 1786. Les subdélégués étaient des notables volontaires et non rémunérés, chargés de soutenir la politique royale, mais surtout fournissant au représentant du pouvoir exécutif (l'Intendant) des renseignements sur la vie politique et économique locale. Grangent n'est plus subdélégué, mais il cumule dans la ville les fonctions de direction et, juriste de formation, peut donner un avis éclairé sur le statut de Sette. Or, selon Grangent, le statut suivant l'arrêt de 1677 a été sérieusement modifié. Subsistent l'immunité des tailles, "la faculté qu'elle a d'avoir pour la salaison des poissons du sel à diminution de prix et la liberté qu'y trouvent des personnes de tout état […] de s'y établir sans être tenus à des droits d'aggrégation de corps, vu qu'il n'y a point à Sette de communauté d'arts et métiers." Mais les privilèges de la ville, souligne le subdélégué, étaient "plus étendus et plus intéressans" : exemption d'impôt sur les maisons, sur les transactions commerciales. "Mais ces faveurs ont été anéanties presque dans leur principe", se plaint l'auteur du rapport qui ajoute que, selon l'arrêt du 29 mars 1677, la communauté était exempte du droit de l'équivalent, exemption supprimée en 1769.

Catherine Lopez-Dréau (Bulletin de la Société historique de Sète, XII-XIII, 1983) précise que l'équivalent est propre à la province du Languedoc dont il est la principale source de budget levé sur la viande, le poisson frais et salé, le vin. Impôt affermé tous les 6 ans. Il faut sans doute croire à ce qu'écrivait l'historien Jean Meyer sur la crise du milieu du XVIIIè siècle (Histoire de France, Fayard, T 3, 1985) :

" Sous l'écume des remous politiques, un immense travail intellectuel s'opère ; peu à peu, le personnel politique impose l'uniformisation". Ainsi, en 1768, écrit C. Lopez-Dréau, à l'ouverture de la séance des états du Languedoc, les commissaires du roi font la demande d'un nouvel abonnement des dons gratuits des villes, abondé par la ferme de l'équivalent et "d'en augmenter même une partie des droits pour être perçus de la même manière sans aucune exception dans tous les pays, villes et communautés de la province".

Les Settois plaideront devant les états du Languedoc, à Paris même : l'arrêt de 1677 est "une décharge absolue, générale qui comprend tous les temps et tous les objets relatifs au droit", affirme leur avocat.

Plaidoirie vaine : "Sa Majesté a suspendu et suspend l'effet pour le temps que durera la levée et la perception des dits dons gratuits : privilèges et immunité". Ce que le roi a fait, le roi le défait.

HERVE LE BLANCHE