Il y a 350 ans, déjà des salaisons à Sette.

L'arrêt du Conseil du roi autorisant la levée de l'impôt de l'équivalent à Sette eut des effets négatifs sur la vie de la communauté. Cette taxe alourdissait les prix des produits de consommation courante et entravait l'activité d'un des secteurs les plus actifs du port, le commerce du poisson salé.

Dans le mémoire adressé par la ville aux états du Languedoc, les défenseurs des immunités de la ville-port s'interrogent : "Serait-il de la dignité d'un monarque de tromper la confiance de ses sujets par l'appas d'un privilège captieux [trompeur] ? D'ailleurs, quand il serait vrai que Sette fut déjà une ville formée, est-il sage de l'étouffer au berceau ?…"Et, insistent-ils, "Quant au commerce, quelle contrainte, quel préjudice ne lui porteroit point la levée du droit de l'équivalent ?…

Quelles entraves ne mettroient-on pas au commerce des vins et salaisons ?" Le commerce du poisson salé est signalé à Sette (A. Degage, Histoire de Sète, Privat, 1987) dès 1673 quand le montpelliérain Boursonel avait entrepris un "négoce de sardines en société avec quelques Messieurs de Montpellier". En 1719, trois "estimeurs" (experts jurés) sont chargés de l'application des ordonnances réglementant le commerce. Il faut veiller à le fraîcheur des prises, à la rapidité de la manutention, moins de 24 h et saler le poisson huit jours avant la commercialisation "pour que le poisson se puisse confir". Les sardines sont livrées en barils (jauge de Nice). Les fraudes sont fréquentes et les produits "infects et corrompus", si l'on en croit les nombreuses contraventions frappant les marchands de Sette et des villes voisines.

Mais après les années 1740-1750, seuls les Catalans vont suffisamment au large pour traquer anchois et sardines. Les prises sont revendues en ville et dans les agglomérations de la province (de Pézenas à Lunel) et elles sont inférieures aux besoins du salage. Produit de consommation courante et dans un pays de religion catholique avec ses jours maigres et le carême, le poisson salé doit être importé. Il vient à grands frais de Bretagne, de Catalogne. Le sel, avant 1779, venait de Peccais au grau d'Orgon en Camargue par la "route du sel" que sont les étangs. Il fallait aussi en faire venir d'Espagne, Sardaigne, Italie. Puis, les salines sont créées à l'ouest de Sette et le sel blanc méditerranéen s'exporte bien, en France comme à l'étranger.

Selon J-M Grangent en 1786, les salines pouvaient fournir plus de vingt chargements de navires et elles peuvent "devenir un objet d'utilité pour l’État, la province et particulièrement pour le port de Sette", en attirant beaucoup d'autres vaisseaux qui […], "assurés d'une manière ou d'une autre d'un frêt en marchandises ou en sel, s'y rendront avec confiance"…

Et le notable de Sette voit dans ce trafic de quoi favoriser l'expansion du port et le développement de la ville.

Dans son mémoire à l'Intendant, il tempère toutefois son optimisme. La levée de l'impôt de l'équivalent est un "coup funeste" pouvant causer "le trouble et le découragement". Il est vrai que l'arrêt taxant les salaisons n'était pas le meilleur encouragement pour le port de Sette.

Hervé Le Blanche