Emile Doumet ou le parti de l'"Ordre".

Emile Doumet ou le parti de l'"Ordre".

Le personnage d'Emile Doumet domine la vie sétoise sous le Second Empire. Le pouvoir du deuxième empereur Bonaparte lui permettra d'assouvir son ambition, de laisser libre cours à ses penchants autoritaires et d'incarner le parti de l'"Ordre".

Les circonstances conduisent à évoquer cette période de l'Histoire en Décembre, mois glorifié par les Bonaparte après le sacre, le 2 de ce mois (1804), de Napoléon Ier. Or, c'est par un sanglant coup de force que son neveu, Louis Napoléon, établit le 2 décembre 1851 un pouvoir autoritaire, avant de rétablir l'Empire le 8 décembre 1852. Sète est une ville républicaine, à majorité prolétaire. Selon les chiffres fournis par L'Histoire de l'Hérault (éd. Bourdessoules, 1993), elle compte, en 1848, 3 261 travailleurs (marins, pêcheurs, tonneliers, portefaix…) pour une population de 17 259 habitants. D'ailleurs, aux élections de 1848, elle a voté "montagnard" à 54 %… Et Louis Napoléon a été élu président de la République. Tandis qu'à Paris le prince-président manœuvre pour faire réviser la Constitution et rester au pouvoir après 4 ans de mandat, à Sète, Emile Doumet commence à faire son chemin. Le 27 février 1849, il est nommé maire par le préfet à la suite de la violente émeute qui a suivi l'abattage de l'arbre de la Liberté, le 7 février. Il s'agitait depuis lors, demandant l'arrestation et le transfert à Montpellier de 22 participants à l'émeute qui vit le sac du Cercle du Commerce.

Et il s'acharne à déconsidérer l'ancien maire, le négociant Mercier, et ses amis. Son autoritarisme l'isole dans la vie politique. Mais, outre son ambition et son goût de "l'ordre", il a d'autres atouts et va bénéficier des circonstances. L'Histoire de Sète (Privat, 1987) nous apprend que, bien que né à Paris (1796) et éloigné par sa carrière militaire (qu'il termine en 1848), il est bien connu à Sète. Car, précise l'ouvrage, "sa famille est solidement implantée sur les hauteurs de la ville". "Elle est présente dans le négoce et l'armement". Et Emile Doumet est "un franc-maçon assidu de la loge sétoise...et y trouvera de solides appuis". Or, le 5 décembre 1851, on apprend à Sète le coup de force du 2 décembre. Le capitaine Samary met la ville en état de siège. Point n'est besoin d'une garde civique armée, comme le souhaite Doumet. Car les réactions au coup d'état ne sont pas violentes à Sète. On est loin de l'insurrection du biterrois où les colonnes du général Rostolan mirent dix jours à rétablir l'ordre, au prix de 70 morts. A Sète, il y eut en tout 10 arrestations. La rumeur la plus inquiétante était le projet, d'un certain Valette, de donner assaut à la ville à la tête de 20 Mézois ! Or, Louis Napoléon veut faire légitimer son pouvoir. Le 20 décembre 1851, un plébiscite sollicite l'avis des Français.

En France, on approuve à 91,50 %. Dans l'arrondissement de Montpellier, le "oui" rassemble 67,04 %. A Sète, le "non" l'emporte avec 59 %. C'est une des cinq villes de France à affirmer son refus. Doumet va concentrer son action contre la ville "rouge".

Hervé Le Blanche