Valentine Schlegel : une reconnaissance globale.

Aujourd'hui, c'est tout l'univers globalisé de l'Art, des professionnels aux particuliers, qui rend hommage à celle qui fut, pourrait-on dire, "ouvrière d'art". Cette pionnière entre dans l'esprit de notre époque. Et sa démarche a été célébrée, en novembre 2020, galerie Obadia à Paris (rue du Cloître Saint Merri dans le IVe).

 

La personnalité de Valentine Schlegel est appréciée à présent. Voici, dès les années 40, une femme "affranchie et douée" ! (1) Homosexuelle, fumant des P4 (les cigarettes les moins chères), elle gagne la capitale pour vivre comme bon lui semble. Et puis, elle a l'instinct. Elle écrira en 1978 : "Je n'ai jamais essayé de faire une œuvre. Il fallait vivre et survivre avec ce que j'avais...un corps solide". (2) Nombre de femmes céramistes sont allées vivre dans des villages historiques de potiers (La Borne, Vallauris) et sont restées dans l'ombre. Ni les objets quotidiens, ni les vases ne font vivre Valentine Schlegel. Elle donne alors des cours de modelage aux jeunes du lycée de Sèvres, puis aux Arts Décoratifs. Et puis, elle va travailler un nouveau matériau pour décliner un nouveau concept : elle va mettre au point le "staff", une sorte de plâtre armé pour construire des cheminées dans les living-rooms. Un vrai travail de maçon qui demande une assistance.

Elle œuvra jusqu'en 1977 avec comme assistant son neveu Blaise Fournier (fils de sa sœur cadette Suzanne) qui soulignera qu'il fallait, pour venir à bout d'une cheminée, trois semaines et "une sacrée énergie". Valentine Schlegel en construira pour Gérard Philippe et Jeanne Moreau… Est-ce que ce sont les artistes qui, les premiers, ont voulu apporter de l'extravagance dans l'espace bourgeois ?

D'autant que ces cheminées-là possèdent caches et banquettes. Et, au cœur des grandes cités, Sète n'est pas oubliée. Les cheminées sont toutes en courbes, rappelant les voiles méditerranéennes. De 1959 à 2002, elle en construira une centaine. Certaines seront exposées en 1965. Mais c'est des années 2000 que date la pleine reconnaissance. En 2004, elle est signalée dans l'anthologie de la céramique d'après guerre du galeriste Pierre Standenmayer. En 2013, la plasticienne Hélène Bertin livre le résultat de ses longues recherches sur l'art de Schlegel. Et ses œuvres sont exposées dans les Centres d'Art Contemporains. En 2017, à Brétigny sur Orge. En 2019, à Sète.

 

Que ce soit "une fille de Sète qui a fabriqué des objets sans se poser de questions", une artiste instinctive peut-être. Mais Hélène Bertin évoque la création de formes intemporelles…" Originales,...singulières ?

 

1) "M", Le Monde magazine, 11-19 novembre 2020

2) id.