L’œuvre en devenir d'Anne-Marie Jaumaud.

Ce travail en cours non terminé, ce qui est le sens premier de "work in progress", on peut s'en faire une idée en allant voir l'exposition de ces œuvres, visibles jusqu'au 18 juillet, 4 et 5 quai d'Alger. Elles annoncent une entreprise très ambitieuse où l'artiste s'est investie depuis novembre 2020. Elles sont un témoignage, par aquarelle, des différents états du Nouveau bassin selon les jours. Complicité avec un vaste processus ? Travail de mémoire ?

 

jummmP1100543On peut s'interroger quand on visite l'artiste dans son atelier, 4 quai d'Alger. Oui, précise-t-elle, c'est un projet qui s'est imposé après le confinement pour "reprendre consistance", alors que d'autres possibilités étaient ajournées. Et dans cette démarche, il y a un aspect concret. Tous les jours, à 8 heures, on prend en photo l'aspect du bassin, selon le même cadrage et l'on peint la vue en aquarelle, sans ou avec très peu d'eau pour éviter le caractère un peu mièvre de l'aquarelle. L'artiste rend compte des ciels, de la lumière, des couleurs et des courants de l'eau.

Et "la palette maritime change", les vues ne montrent jamais la même chose ! C'est ce dont témoignent les petits tableaux (format A4) exposés aux éditions L'An Demain, 5 quai d'Alger.

Voici une vue tout en gris sombre du mois de juin 2021. Voici, les 13 et 14 de ce mois, les nuances de bleus des eaux du bassin où, sur le clair, se développent les mâts des navires à quai.

Le 23 mai, la mer est sombre, ridée et le jour suivant, d'un bleu très clair comme du métal poli. Voici donc les états des lieux à 8 h par 43° 40' de latitude nord et 3° 70' de longitude ouest. Et un ouvrage reproduisant les vues est en vente à L'An Demain.

 Mais, ainsi présenté, le projet est "au milieu du gué". Au total, ce sont 4 volumes de 96 pages qui présenteront au public les 365 peintures lors d'une grande exposition (en un lieu encore à définir), au printemps 2022. D'ici là, Anne-Marie Jaumaud s'investit dans une démarche aux impressions plus vives même que celles d'un voyage. Voyage spirituel au cours duquel l'artiste est aux prises avec un processus qui a sa propre existence.

Car, ainsi que l'évoque le catalogue, "comme les respirations ou les marées ou les petits matins ou des éclairages infiniment variés...la mer travaille". L'artiste peintre s'insère dans ce processus dont elle témoigne et qu'elle accompagne en bonne complice. Ainsi prennent corps des "mémoires du temps qui passe" grâce au répertoire d'indications observées jour après jour.

 

On peut alors se demander si, à sa façon, A.M. Jaumaud ne cherche pas à conjurer la fuite du temps, à fixer pour le futur ce qui a été pour pouvoir un jour le retrouver. Et pour cela, l'artiste use de ses armes avec "son regard, la main exécutante et les yeux en alerte".

 

Alors, que l'on soit adepte d'une forme de recherche du temps perdu ou tout simplement soucieux de se plonger dans le diversité picturale du monde maritime, on peut se déplacer aux 4 et 5 quai d'Alger. Et là, être en proie aux tentations...

Hervé Le Blanche