Un amour de Kessel.

Tel est le titre de l'ouvrage de Dominique Missika qui décrit la liaison exceptionnelle que connurent Germaine Sablon et Joseph Kessel. D. Missika, historienne, spécialiste de l'Occupation, replace la passion qui lie le couple de 1935 à 1945 dans le contexte particulièrement dramatique de l'époque et nous livre un beau portrait de femme.

 

kesselP1090723Le livre, publié peu après la sortie des romans de Kessel dans La Pléiade, a intéressé des lecteurs sétois comme en témoigne le niveau des ventes que l'on juge bon à La Nouvelle Librairie Sétoise. Et une lectrice exigeante et avisée, Marie-Ange Hoffmann, nous a fait part de quelques remarques. Germaine Sablon, en 1935, était une vedette de music-hall. Elle s'est taillée un beau succès avec "Mon légionnaire", en dépit de la concurrence des chanteuses "réalistes" Marie Dubas et Edith Piaf.

"C'est une habituée des salles de concert et surtout des cabarets les plus connus de l'époque". Elle a quitté Valence et son mari, soucieuse de réussir dans la voie qu'elle s'est tracée. Et puis un soir, Kessel grand reporter, romancier à succès, le tumultueux Kessel venu en familier dans un cabaret huppé de Montmartre est ému. Il est frappé par son côté volontaire, presque "viril", un corps puissant, un air de "je n'ai peur de personne et surtout pas des hommes". Après une cour hésitante de Kessel dont l'ancienne maîtresse Katia se mêla, Jeff et Germaine deviennent amants. Et tous les deux croqueront la vie à belles dents. Ils sont les rois du Paris nocturne, terminant leurs nuits quand le soleil se lève…

 

Pour M.A. Hoffmann, D. Missika ne va pas assez loin dans la description de la passion qui soude le couple. Fallait-il brosser les aléas et les triomphes de leurs sentiments ? Ce serait romancer l'ouvrage historique. Les situations telles qu'elles sont décrites, outre l'évocation réussie du milieu du music-hall, suffisent à mettre en valeur la personnalité de Germaine Sablon. Lorsque éclate le second conflit mondial, elle se fait conductrice d'ambulance, récompensée de la Croix de Guerre. Après l'armistice, repliée sur la Côte d'Azur, elle entre dans le réseau de résistance "Carte". Elle y introduit Joseph Kessel.

Sa villa à Agay non loin de Monaco sert de lieu de passage. Et quand ils sont suspectés par l'occupant, les deux agents de liaison de "Carte" gagnent Perpignan, l'Espagne et passent au Portugal en plein hiver par les sentiers muletiers.

Puis Lisbonne et l'Angleterre. Tandis que Kessel écrit L'Armée des ombres et intrigue pour voler à nouveau, Germaine Sablon chante. Elle livrera la première version du Chant des partisans. Elle chantait pour réconforter les soldats, portée par la passion patriotique. La même qui la poussera, ayant gagné Alger au chevet de son fils blessé, à s'engager à nouveau comme ambulancière ?

 

Campagne d'Italie. Débarquement de Provence, la Bourgogne. Patriote passionnée ? Soif d'action ou d'aventure ? Kessel ne lui pardonnera pas son départ de Londres. Lui qui ne rompait pas vraiment avec ses maîtresses ne la revit plus. Peut-être parce que c'est vraiment à elle qu'il tenait.

Hervé Le Blanche