Sette, 1790 : la fin des privilèges.

Après la nuit du 4 août 1789 et les décrets pris les jours suivants par l'Assemblée nationale, l'Ancien Régime socio-politique s'est écroulé. De nouvelles institutions administratives ont été mises en place en mai-juin 1790. Elles ont veillé à l'abolition des privilèges fiscaux, ce qui a causé quelques embarras à la communauté sétoise.

 rochIMG_1506 (2)

De l'été 1789 à celui de 1790, se met en place un nouvel ordre politique en Languedoc comme dans toute la France. Le plus remarquable, c'est que cette mise en place du corps politique s'est effectué dans "une espèce de tranquillité", sans émotions populaires dans les villes, sans troubles dans les campagnes. Selon R. Laurent et G. Cavignaud (La Révolution dans le Languedoc méditerranéen, Privat 1987), s'est produit dans le calme un phénomène majeur, la révolution municipale, installant la main mise de la bourgeoisie sur la vie locale.

Sète avait connu l'émeute d'avril 1789, comme Agde peu de temps après. Et il fallut chasser l'évêque-comte, seigneur de Sette, de sa demeure pour qu'il résigne son pouvoir temporel. Alors, en 1790, à Sette, c'est une municipalité élue qui administre la communauté avec de larges pouvoirs, y compris des pouvoirs fiscaux. Elle va en user pour tenter de faire rentrer les impôts qui n'ont plus été payés pour les 6 derniers mois de l'année 1789. Mais, déclare le maire Castilhon le 20 avril 1790, il n'y aura pas d'exemptions au paiement de ces sommes. Et les "détempteurs [sic] de biens privilégiés" devront les faire connaître. Comme personne ne le fait, le corps de ville affirme sa volonté d'évaluer (grâce au cadastre) et de taxer ces biens.

 Simple et logique, peut-on dire. Mais lorsque la taille fut supprimée le 20 avril 1790, la municipalité de Sette s'émut : la communauté en était exempte, ce qu'avait confirmé Louis XIV "par décrets du conseil d'Etat de 1673, 1675" et autres. Sette, en vertu de cette antique exemption, n'aurait-elle pas droit à un allègement de sa contribution ? D'autant que, selon le consul, l'activité de Sette est bénéfique pour tout le Languedoc et que, pour établir une communauté sur "ce rocher stérile", il faut bien concéder quelques avantages pour y attirer les populations. Tout au long de près de deux pages, le registre municipal égrène les abjections. Les biens de la communauté ne sont ni des fiefs nobles, ni des bénéfices ecclésiastiques. La commune ne peut en disposer. Bien sûr, il serait louable de faire des sacrifices au nom de "l'intérêt général de la France", mais on n'en appelle pas moins "aux principes d'humanité et de justice" de l'Assemblée nationale. Ainsi, des députés vont se rendre à Montpellier et le département sollicitera l'Assemblée.

 Par ailleurs, il faut actualiser le cadastre afin d'évaluer la valeur des biens. Et le Conseil émet le souhait d'une imposition "sans inexactitude, sans omissions et sans inégalité". Le tout après examen et "discussion préalable". A Sette, l'impôt doit-il être payé comme ailleurs ?

Hervé Le Blanche

Photo HLB