Vitalité protestante au milieu du XIXè siècle, à Sète

Dans les années 1860-1880, la communauté protestante à Sète connaît un apogée. Un groupe de 480 familles, 6 % de la population de la ville. Active, dynamique, elle est même agitée de querelles doctrinales, parfois à l'arrière plan de ses œuvres comme l'établissement de bains de mer pour les malades indigents.

 

abcopCaptureJ.C. Gaussent (BSESS XIX-X 1986) situe l'apogée de la communauté protestante pour le XIXè siècle de 1866 à 1885. En nombre, elle est passée depuis 1802 de 780 à 2 300 personnes. Outre le groupe des marchands-négociants, elle recrute dans les milieux populaires (tonneliers) et, le port diversifiant ses activités, "vers 1870, les employés du gaz ou du chemin de fer comptent autant que les tonneliers". G. Frisch est courtier maritime, Julien père et fils raffinent le soufre et "le fils du pasteur Cazelles fait le commerce du bois". Mais le domaine de la pêche et de l'armement restent étrangers à la communauté réformée. Il fallut subventions et souscriptions pour reconstruire le temple qui datait de 1832. Quand tous les comptes furent apurés, lors de l'inauguration du 1er août 1878, une douzaine de pasteurs refusent de se joindre à leurs collègues, arguant du devoir de leur charge ou de la chaleur estivale. Ces refus sont le fait de divergences théologiques. Face aux Evangéliques dogmatiques, diffuse, depuis Sète, une doctrine plus "libérale" qui touche Nîmes, Montpellier, Le Vigan. Au total, 400 personnes, dont une centaine à Sète.

 

L'idéologie de ce groupe est impulsée par la fille d'un négociant allemand Hinsch qui épouse M. Armengaud, négociant. Les adeptes prônent une forme de mysticisme où la foi inspirée par l'esprit saint doit l'emporter sur tout autre valeur. Et la doctrine diffuse dans le groupe négociant, appuyée sur une œuvre ancienne (1847) : l'Etablissement des Bains de mer pour les Malades indigents à Sète.

 

Dans l'opuscule publié par les éditions Lacour en 2013 (malheureusement sans nom d'auteur), est présenté le rapport d'activité pour l'année 1861. Le bilan chiffré est précédé d'une déclaration d'intention du secrétaire trésorier Edouard Krüger, pasteur évangélique. Et dans cette homélie, on retrouve l'écho des thèses "hinschistes" : l'importance de la foi sans laquelle les auteurs de bonnes actions ne sont "qu'un airain qui résonne, une cymbale qui retentit".

La foi inspirant la charité qui "espère tout, supporte tout". Et, comme les corps, on soigne les âmes : assistance au culte, prières, diffusion du Nouveau Testament. A l’œuvre des bains de mer pour indigents, on poursuit des buts humanitaires et religieux.

 

Et le groupe prospère. En 1861, il peut investir dans l'achat de 100 lits de fer. Les résultats des cures, comme du prosélytisme, ne sont pas spectaculaires. Mais le pasteur Krüger pense qu'avec le temps s'effectue, "dans l'ombre", le travail de l'âme.

Hervé Le Blanche