1804-1814 : l’Empire est contre Sète.

1804-1814 : l’Empire contre Sète.

Napoléon Bonaparte, La France, Empereur

Le 2 décembre 1804, Napoléon Bonaparte se couronnait empereur des Français. Il n’est pas nécessaire d’être "bonapartolâtre" pour s’en souvenir et évoquer cette époque où notre ville connut bien des déboires au point d’être entravée dans son développement.

La population de la ville baisse entre 1805 et 1811 alors que la conjoncture économique est bonne et que Montpellier voit sa population légèrement croître. À Sète, le nombre d’habitants passe de 9 329 à 8 327. La ville connaît des crises démographiques avec de fortes mortalités entre 1804 et 1807 et des chutes de natalité entra 1800 et 1813. Sète, dans la main de l’autocratie parisienne et de l’autoritarisme local de Mathieu Grangent, ne vit pas paisiblement. Le peuple sétois se distingue par son « immoralité ». Dans et hors la ville sévit le brigandage. Sont dénoncés vols et viols. Officiellement interdits, les jeux de hasard sont partout. Parfois, la foule s’en prend aux soldats pour protéger déserteurs et réfractaires. Car la paix d’Amiens, en 1802, ne fut qu’une parenthèse dans la vie agitée de l’Empire.

La guerre reprit avec l’Angleterre dès 1803, puis Napoléon dut faire face à trois coalitions européennes successives (1805, 1806 et 1809) et allait embourber ses troupes en Espagne. La conscription est de plus en plus mal supportée, surtout après 1808 quand Napoléon fait appel aux hommes des contingents antérieurs. À Sète, les déserteurs se réfugient souvent aux Salins où la maréchaussée ne peut entrer et ils y subsistent modestement.

La ville s’oppose d’autant plus à l’ordre impérial que sévissent chômage et pauvreté. La survie du port semble remise en question. Depuis 1792, le port s’est ensablé. Le canal n’offre plus que 50cm de tirant d’eau et la passe n’atteint pas 3 mètres. Les jetées, ruinées, ne protègent guère de la forte mer. Des dragages ramèneront la passe à 6 mètres mais engloutiront le produit des taxes portuaires sur le vin, l’alcool ou le blé. Sous l’Empire, le port périclite : on ne peut plus importer de Xérès et de Porto depuis que la marine anglaise règne sur la Méditerranée (Trafalgar, 1805).

Le port d’Agde devient un concurrent sérieux, abrité par l’Hérault, avec de bonnes communications avec l’intérieur. Même la pêche est incertaine du fait des corsaires qui attaquent à proximité de la côte et interdisent la très lucrative pêche au thon. Les Anglais s’efforcent de couper toute communication avec l’Espagne et d’incendier les bateaux dans le port. Sète recueillera les restes de l’escorte d’un convoi après la bataille navale des Aresquiers (octobre 1809) entre les forces du contre-amiral Baudin et celles de l’amiral lord Collingwood.

En septembre 1808, puis en juin 1809, Sète et son port sont bombardés de fusées incendiaires. Allait-on revoir les tuniques rouges à Saint Clair comme en 1710 ? Face à cette menace, les Sétois réagiront en armant des navires pour la guerre de course. Armés par la compagnie Ratyé-Bresson, quatre corsaires sétois, Comtesse Émeriau, Général Cosmas, Comtesse Montebello, naufragé en 1812 et Décidé se distingueront.

Leurs prises offriront à la ville de bons dédommagements. Ce bref coup d’œil sur les misères du temps peut nous faire comprendre pourquoi les Sétois restèrent indifférents à la « gloire » napoléonienne. Ils souhaitaient d’abord du travail, vivre en paix. Aussi, en 1816, Sète passait pour royaliste et le maire Ratyé fut bombardé « chevalier de La Peyrade » tandis que le roi lui-même octroyait un blason à sa « bonne ville ».

Les Sétois qui n’avaient pas accepté le régime napoléonien allaient-ils se laisser séduire par le repos de la monarchie ? C’est une autre histoire…

Hervé Le Blanche