Noël Guignon, le républicain exemplaire.

Noël Guignon, le républicain exemplaire.

A Sète, le quai Noël Guignon participe de la perspective du canal, mais il est mal connu et le nom du personnage auquel il est dédié tombe peu à peu dans l’oubli. Et pourtant, celui qui fut le premier maire de Sète sous la République a tutoyé la grande Histoire et en a été un des acteurs.

Le quai Noël Guignon se situe de l’entrée de la rue Honoré Euzet au coude du canal marqué par une grosse maison bourgeoise à laquelle fait face un palmier. Au delà, c’est la darse où se reflètent la chambre de commerce et le Grand Hôtel. Si l’on tourne à droite, c’est le quai Rhin et Danube. Le personnage dont on a voulu perpétuer la mémoire n’avait rien d’un notable, même s’il a marqué une époque agitée, en France et à Sète. Il est un des sept enfants d’un menuisier habitant rue du Palais qui, venu de Rouen, avait épousé une « Cettoise » Françoise Cayrol.

Né en 1839, Noël Guignon fit son chemin dans la vie et devint maître tailleur de pierre. Dès sa jeunesse, c’est un républicain convaincu et il va se mettre au service des principes de la Grande Révolution. A 41 ans, il commence sa carrière politique en battant, pour le siège de conseiller d’arrondissement, un monsieur Domeyrou, docteur en médecine. En août 1870, il devient membre du conseil municipal. Or, en 1870, « l’année terrible », c’est la guerre avec la Prusse et les Etats allemands, la défaite, l’invasion. Le 3 septembre, la France apprend la capitulation de Sedan, la captivité de Napoléon III. La route de Paris est ouverte.

Le 4 septembre, à Paris, la foule envahit le Palais Bourbon où siège le pouvoir législatif. Face à l’émeute, les députés de Paris (républicains) vont à l’Hôtel de ville proclamer la République et se constituent en gouvernement provisoire. Le 5 septembre, à Sète, la foule chasse le conseil municipal, installe une commission municipale ; Noël Guignon est acclamé comme maire.

Un vent nouveau se lève sur la ville. Guignon lance un emprunt pour financer la Défense Nationale pour participer, avec des centaines de Sétois, à l’effort de guerre. Capitaine de la Garde Nationale, il rejoint une armée républicaine qui lutte contre les Prussiens : celle du Nord. Elle est battue et bat en retraite. Guignon rentre à Sète après l’armistice. Il devient membre de la nouvelle municipalité et redevient maire après les élections d’avril 1871. Et puis, un évènement va l’écarter du pouvoir.

En novembre 1872 lors du désarmement de la Garde civique, des citoyens crient « A bas Badinguet (surnom de Napoléon III) ! Vive la République ! » Une échauffourée s’en suit avec la troupe. Guignon s’interpose, proteste contre les arrestations arbitraires. Il est arrêté, révoqué, condamné à 3 ans de prison et 5 années de privation de droits civiques. La République faisait peur. Elle ne sera établie qu’en 1875 et consolidée dans les années 1880.

Noël Guignon peut le voir de son vivant. Il fut à nouveau conseiller municipal de 1878 à 1881, mais ne revint plus au premier plan. Il mourut en 1910 et, en 1912, la municipalité donna à un des quais de la ville le nom de celui qui avait su incarner un grand mouvement populaire.

HERVE LE BLANCHE