Sète avant 1914 : les limites de l'expansion.

Sète avant 1914 : les limites de l'expansion.

Alors que Paris célébrait les réalisations du nouveau siècle lors de l'exposition universelle de 1900, Sète restait à l'écart de l'aventure des temps nouveaux. Commandées par des intérêts lointains, ses activités industrielles restèrent de taille modeste (la chimie) ou échouèrent (la sidérurgie). Et l'activité de la ville-port restera stagnante.

Endroits Perdus, Lieux Abandonnés

Activité nouvelle, l'industrie chimique est en grande partie liée aux besoins de la viticulture. Pour lutter contre une des maladies de la vigne (l'oïdium), il faut pulvériser des produits soufrés. Et le port importe annuellement 15 à 30 000 tonnes de soufre d'abord de Sicile, puis de Louisiane (L. Dermigny, Esquisse de l'Histoire d'un port). Après la crise du phylloxéra, la reconstitution du vignoble fut soutenue par la production de raffineries à Frontignan, puis à Sète même (1890-1900). Simultanément (1872) sont fondées des usines d'engrais chimiques (superphosphates) à Balaruc par la Compagnie Saint-Gobain et la Compagnie bordelaise.

Et le port voit passer les phosphates d'Algérie et de Tunisie, le sulfate d'ammoniaque d'Angleterre et d'Allemagne, les nitrates du Chili en partie réexportés vers l'Afrique du nord, l'Espagne, l'Italie. Autre trafic prometteur, celui du pétrole, importé des Etats-Unis, puis de Russie. Il est raffiné d'abord à Balaruc (1884), puis à Frontignan par le Compagnie industrielle des pétroles (1904). L'importation de brut atteint 73 000 tonnes en 1913. Un bassin nouveau favorisera cette activité qui déclinera néanmoins après cette date (politique fiscale?).

Mais le développement des industries nouvelles à Sète restait limité. Si les usines chimiques de "La Bordelaise" et de Saint-Gobain ont pu grouper chacune 800 ouvriers, les autres réalisations de l'industrie chimique demeurent de taille modeste. Le professeur Louis Dermigny soulignait que les besoins en soufre variaient d'une année sur l'autre, que les pays importateurs s'équipaient à leur tour. Surtout, il mettait en avant le fait que l'économie sétoise est commandée à distance.

Pour lui, Sète n'est "qu'une pièce sur l'échiquier"… pour "des intérêts lointains qui songent uniquement à tirer parti de sa position"..."et peuvent le délaisser au moindre changement de conjoncture". L'échec de la sidérurgie à Balaruc illustre bien le propos. Après un premier échec de la Société des Hauts fourneaux de Balaruc, se déploie le grand projet Schneider. Pour pallier l'épuisement des mines voisines du Creusot, on veut faire venir par Sète des minerais d'Algérie, du charbon d'Angleterre et, en comblant une partie de l'étang des Eaux blanches, on installera usines et chantier naval. Le port se développerait et déjà certains voyaient une nouvelle ville s'installer grâce à la métallurgie.

Un haut fourneau fut inauguré en grande pompe par Mme Schneider elle-même en mai 1902...et s'éteignit en mars 1904. Une longue grève fut le prétexte à la fermeture, en fait liée à la stratégie tarifaire du Creusot. Sète n'a pas épousé son siècle.

HERVE LE BLANCHE