La République nous appelle ! A Sète...

La République nous appelle !

PAR HERVE LE BLANCHE

De 1852 à 1870, une majorité de Sétois resta irréconciliable par rapport au Second Empire. L'évolution du régime sur le plan politique et sur le plan social ne rapprocha pas les Sétois de l'Empire. Grèves, manifestations d'opposition politique se succèdent, jusqu'à la proclamation de la République, à Sète.

Foule, Manifestation, Drapeau, Homme

Au milieu du XIXè siècle, l'agglomération sétoise est un organisme vivant. Sociétés artistiques, musicales (Harmonie et Orphéon), Alcazar et théâtres animent la vie de la cité. En dehors des cérémonies officielles célébrant les victoires impériales, huit grandes fêtes annuelles marquent le calendrier, profanes ou religieuses. Du "Grand 19" (septembre) de Notre Dame de la Salette au lundi des tonneliers et le dimanche de la Saint Louis (fin août), entre autres réjouissances. Avec cela , joutes et bains de mer participent de la "civilisation sétoise".

Et si le sort de la classe ouvrière reste dur, les "sociétés de secours mutuel fleurissent sous le Second Empire" (J.J. Vidal, Histoire de Sète, Privat 1988). Elles doivent rester "apolitiques", sinon elles sont dissoutes. En fait, elles ne doivent ni appeler à la grève, ni la soutenir. Pour le pouvoir, elles doivent rester caritatives. On remarque la Société de bienfaisance dirigée par 4 religieuses de Saint Vincent de Paul, la Société des charpentiers (de marine), celles des vignerons, des marins, des calfats. En 1864, prend corps la Société Sainte Eugénie, à l'initiative du conseil municipal, bénéficiant d'une subvention gouvernementale. Ce fait caractérise bien le visage social du régime, marqué par le loi du 25 mai 1864 qui fait que la grève n'est plus un délit.

Parallèlement, l'Empire entame son évolution libérale.

Sète, ville ouvrière avec 5 600 "prolétaires et domestiques" pour une population active de 8 500 personnes, va-t-elle se laisser séduire par les grâces impériales ? Selon certains (F. Caron, La France des patriotes, Histoire de France, Fayard, T3), Napoléon III, en visionnaire, aurait posé les bases de la démocratie politique et sociale. A Sète, en 1866, sa politique extérieure "inquiète toute l'opinion". La police note que la Saint Napoléon est mal fêtée. Dès 1868, tout un bouillonnement démocratique inspire manifestations et violences pouvant aller jusqu'à l'émeute. Les grèves dures se multiplient même chez les tonneliers. Ceux-ci sont importants en nombre.

Ouvriers libres travaillant chez eux à façon ou ouvriers des grands ateliers, ils sont plus d'un millier. Le transport des vins et alcools se fait à futaille perdue et tout mouvement social prend de l'importance. Aux élections de 1869, contre le candidat officiel (Coste-Fleuret) se présente une étoile montante du parti républicain (et par ailleurs philosophe spiritualiste) Jules Simon. Il triomphe sur la scène du théâtre de Sète, plein à craquer. Il ne remporte pas la circonscription, mais réunit 4 033 voix à Sète pour 881 à Coste-Fleuret !

Et lorsque, voulant couronner l'édifice libéral, Napoléon III demande d'approuver par référendum ses réformes, Sète répond : non. Les Sétois avaient refusé la réconciliation avec l'Empire.