Histoire de Sète

Sète, port du vin dans le dernier quart du XIXè siècle

Sète, port du vin.

Dans le dernier quart du XIXè siècle, le dynamisme de l'agglomération sétoise ralentit. Certes, sa population a augmenté de 15 % entre 1876 et 1911, mais entre 1891 et 1896 la population a régressé. Car la ville-port a connu un évènement majeur dans les années 1880 : elle est devenue importatrice de vin.

Vin, Barils, Tonneaux De Vin, Vin Rouge

Les conséquences de la crise du phylloxéra ont fait de Sète le port du vin, évolution spectaculaire, mais débouchant sur d'importantes fragilités. Jean Sagnes (Histoire de Sète, Privat, 1987) souligne que "le phylloxéra détruit le vignoble et provoque la chute de production de vin français tandis que les besoins au niveau de la consommation demeurent". Sète ne peut plus exporter, mais a les moyens d'acheter du vin à l'étranger afin de le revendre sur le marché français. A partir de 1878, les "exportations se réduisent et les importations s'envolent". La baisse des exportations est due à des causes multiples.

La crise de production a renchéri le produit, de surcroît frappé de lourds droits de douane (plus de 100 % en Russie, 50 % en Allemagne). A l'étranger, on développe des vignobles, comme en Argentine. Et en Algérie, la production quadruple de 1878 à 1889. On acheta, pour alimenter le marché, des vins grecs, portugais, algériens et même, paraît-il, turcs (Bessière, BSH, 1991). Mais dans un premier temps, on eu recourt surtout à des vins espagnols.

Sète devint une des portes d'entrée des vins espagnols à destination de la région parisienne et du nord-est de la France. Ce trafic est facilité par le tarif consenti par la compagnie PLM : 28,50 F la tonne, contre 39,70 aux vins français. On fait valoir à Sète la concurrence de la ligne maritime Espagne-Gibraltar-Rouen (25 F la tonne). Mais le négoce sétois est impuissant face à l'adoption de tarifs douaniers protectionnistes réclamés par les députés des régions viticoles. Pourtant, en se tournant de plus en plus vers les vins d'Algérie, on peut tourner la loi protectionniste de 1895. Et les importations algériennes prennent un essor sans précédent quand, en 1899, est adopté un tarif douanier encore plus protectionniste.

De 65 000 hl de moyenne annuelle de 1873 à 1888, on passe à 649 000 hl de moyenne annuelle de 1899 à 1914. Et la compagnie du PLM accompagne le mouvement en accordant aux vins d'Algérie un tarif préférentiel. Les ventes de vin dans le nord-est de la France se stabilisent à un niveau élevé, conclut Jean Sagnes. Mais, souligne-t-il, c'est au détriment de la production languedocienne. Avant 1914, s'installe donc une situation qui durera jusqu'au début des années soixante : l'activité de Sète s'opposait à celle du Languedoc.

Cela ne favorisait pas le développement de la ville-port. Et puis, comme le soulignait le professeur Dermigny (Esquisse de l'histoire d'un port), le choix d'une quasi mono-activité n'était pas raisonnable. Mais Sète eut-elle vraiment le choix ?

Hervé Le Blanche

Aspirant Herber : la mort à Pékin.

Aspirant Herber : la mort à Pékin.

Pékin, Fleuve, Village, Palais D'Eté

De juin à août 1900, le siège du quartier des légations occidentales à Pékin est un épisode marquant de la révolte des Boxers prélude, malgré son échec, à d’immenses bouleversements dans la Chine d’avant 1914. L’aspirant Herber, comme les Français de Pékin, étaient les acteurs d’un des grands drames de l’Histoire.

Dans la capitale chinoise, après les massacres du mois de mai, les Européens se sont réfugiés dans les légations, vastes enclos ceints de murailles abritant hôtels, magasins, banques. 900 Européens et 3 000 chrétiens chinois sont défendus par 405 fusiliers alliés et 89 volontaires civils. À la légation de France, 45 marins sous le commandement du lieutenant de vaisseau d’Arcy et de l’aspirant Herber soutiennent le siège. Herber est un chef courageux, débrouillard qui mène à bien les brefs combats qui se succèdent : raid en ville pour sauver des chrétiens menacés, assaut des barricades des rues voisines, défense du mur d’enceinte. Le 27 juin 1900, la barricade de la rue de la douane, au sud de la représentation, doit être évacuée. Les Français refluent, menacés d’être enveloppés.

Herber monte sur le toit d’un pavillon pour diriger la manœuvre. Il est frappé d’une balle dans la tête. Quatre coolies et un prêtre l’enterrent provisoirement. Il n’entendra pas les canons des Japonais qui, après 55 jours de siège, délivrent les résidences. Ses funérailles officielles en Chine auront lieu le 22 juin 1902 en présence de sa famille, de M. Pichon ministre de France et de M. Rimbaud-Baille président de la Société de défense des intérêts de Cette.

Plus tard, il sera transféré à Sète, au cimetière marin, en présence de la famille, des camarades de promotion, d’amiraux et du représentant de l’Union coloniale française. On exalta son sacrifice. C’était alors « l’âge des empires ». La violence des Boxers était mise sur le compte de la nature particulière des « fils du ciel ». N’étaient-ils pas travaillés par une secte, « Le poing de la Concorde et de la Justice », qui, dans les transes et les cris, les persuadait de chasser les « diables d’Occident » et qu’ils étaient invulnérables ?

Arriération, superstition, bien sûr. Les étrangers, coupables de vie scandaleuse, étaient responsables des sécheresses, inondations, mortalités de l’année 1898. Télégraphe, chemin de fer, mines troublaient dragons et esprits. Mais le choc du monde moderne était difficile à supporter pour des Chinois subissant la domination des puissances. Les évêques en Chine avaient rang de hauts fonctionnaires et n’étaient pas justiciables des lois du pays. Les convertis étaient rétribués en riz. Les Européens et les Japonais abusaient de la Chine. Après les violences des Boxers, une expédition internationale rétablit l’ordre et imposa, par le Protocole de 1901, une indemnité de 450 millions de dollars (2 fois le revenu annuel de l’Etat chinois). La France en eut 16%, soit 256 millions de francs-or.

Alors, certes, l’aspirant Herber fait partie de l’histoire de Sète. Mais l’Histoire, c’est souvent « l’or et le sang », particulièrement Outre-mer.

Emile Doumet, le Sétois indépendant.

Hervé Le Blanche

"𝑳’𝑯𝑰𝑷𝑷𝑶𝑫𝑹𝑶𝑴𝑬 𝑹𝑨𝑽𝑨𝑮𝑬́ 𝑷𝑨𝑹 𝑳𝑬𝑺 𝑭𝑳𝑨𝑴𝑴𝑬𝑺" avec Faits Divers à Cette

"𝑳’𝑯𝑰𝑷𝑷𝑶𝑫𝑹𝑶𝑴𝑬 𝑹𝑨𝑽𝑨𝑮𝑬́ 𝑷𝑨𝑹 𝑳𝑬𝑺 𝑭𝑳𝑨𝑴𝑴𝑬𝑺" avec Faits Divers à Cette

Septembre 1883

"Un immense incendie éclata le 15 septembre 1883, à cinq heures et demie du matin, dans l'hippodrome de l'avenue de la gare.
Avant qu'on ait eu seulement le temps d'accourir, les flammes enveloppaient tout l'édifice. En moins d'une demi-heure, tout était réduit en cendres.
On se perdait en conjectures sur les causes de cet incendie...
C'était même franchement incompréhensible. En effet, à cinq heures, les employés du chemin de fer qui se rendaient à la gare n'avaient rien remarqué d'anormal. À cinq heures et demie, tout avait brûlé.
Les premières personnes qui s’étaient approchées du foyer de l'incendie prétendirent qu'il s'en dégageait une forte odeur de pétrole. Ce qui laissait supposer que le feu était dû à la malveillance puisqu'il n'y avait pas de stockage de pétrole dans l'hippodrome................................"

FIGURES DE SETE : LE 1ER EPISODE AVEC LA VILLE DE SETE

Pour le premier épisode de la nouvelle web série hebdomadaire de la ville qui met en lumière les Sétoises et les Sétois qui rendent la ville si unique, rencontre avec Ginette Perez, vendeuse de tielles….
Des portraits à retrouver également chaque semaine sur la chaîne youtube de la ville de Sète : https://cutt.ly/GwCS1jKC

Noël Guignon, le républicain exemplaire.

Noël Guignon, le républicain exemplaire.

A Sète, le quai Noël Guignon participe de la perspective du canal, mais il est mal connu et le nom du personnage auquel il est dédié tombe peu à peu dans l’oubli. Et pourtant, celui qui fut le premier maire de Sète sous la République a tutoyé la grande Histoire et en a été un des acteurs.

Le quai Noël Guignon se situe de l’entrée de la rue Honoré Euzet au coude du canal marqué par une grosse maison bourgeoise à laquelle fait face un palmier. Au delà, c’est la darse où se reflètent la chambre de commerce et le Grand Hôtel. Si l’on tourne à droite, c’est le quai Rhin et Danube. Le personnage dont on a voulu perpétuer la mémoire n’avait rien d’un notable, même s’il a marqué une époque agitée, en France et à Sète. Il est un des sept enfants d’un menuisier habitant rue du Palais qui, venu de Rouen, avait épousé une « Cettoise » Françoise Cayrol.

Né en 1839, Noël Guignon fit son chemin dans la vie et devint maître tailleur de pierre. Dès sa jeunesse, c’est un républicain convaincu et il va se mettre au service des principes de la Grande Révolution. A 41 ans, il commence sa carrière politique en battant, pour le siège de conseiller d’arrondissement, un monsieur Domeyrou, docteur en médecine. En août 1870, il devient membre du conseil municipal. Or, en 1870, « l’année terrible », c’est la guerre avec la Prusse et les Etats allemands, la défaite, l’invasion. Le 3 septembre, la France apprend la capitulation de Sedan, la captivité de Napoléon III. La route de Paris est ouverte.

Le 4 septembre, à Paris, la foule envahit le Palais Bourbon où siège le pouvoir législatif. Face à l’émeute, les députés de Paris (républicains) vont à l’Hôtel de ville proclamer la République et se constituent en gouvernement provisoire. Le 5 septembre, à Sète, la foule chasse le conseil municipal, installe une commission municipale ; Noël Guignon est acclamé comme maire.

Un vent nouveau se lève sur la ville. Guignon lance un emprunt pour financer la Défense Nationale pour participer, avec des centaines de Sétois, à l’effort de guerre. Capitaine de la Garde Nationale, il rejoint une armée républicaine qui lutte contre les Prussiens : celle du Nord. Elle est battue et bat en retraite. Guignon rentre à Sète après l’armistice. Il devient membre de la nouvelle municipalité et redevient maire après les élections d’avril 1871. Et puis, un évènement va l’écarter du pouvoir.

En novembre 1872 lors du désarmement de la Garde civique, des citoyens crient « A bas Badinguet (surnom de Napoléon III) ! Vive la République ! » Une échauffourée s’en suit avec la troupe. Guignon s’interpose, proteste contre les arrestations arbitraires. Il est arrêté, révoqué, condamné à 3 ans de prison et 5 années de privation de droits civiques. La République faisait peur. Elle ne sera établie qu’en 1875 et consolidée dans les années 1880.

Noël Guignon peut le voir de son vivant. Il fut à nouveau conseiller municipal de 1878 à 1881, mais ne revint plus au premier plan. Il mourut en 1910 et, en 1912, la municipalité donna à un des quais de la ville le nom de celui qui avait su incarner un grand mouvement populaire.

HERVE LE BLANCHE

Emile Doumet, le proconsul.

Emile Doumet, le proconsul.

Magistrats sortis de charge, dans la Rome antique, les proconsuls administraient certaines provinces avec de larges pouvoirs. A Sète, après le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte, Emile Doumet fut les yeux et les oreilles du pouvoir jusqu'aux années 1860. Mais sachant ménager certaines forces sociales, il reste maire jusqu'en 1865, bien qu'ayant perdu l'appui du pouvoir.

Après le coup d’État du 2 décembre 1851, déferle sur la France la vague autoritaire et populiste. Côté autorité, dans les départements, siègent des commissions mixtes (préfet, procureur général, un représentant de l'armée) traquent même les éventuels opposants. L'Hérault sera un des cinq départements les plus frappés par la répression. L'état de tension sociale durera jusqu'aux années 1850, tandis que Louis Napoléon joue, parallèlement, la carte du populisme.

Il harangue les foules lors de voyages en province, promet, comme à Bordeaux, la paix et la prospérité. Après la revue des troupes à Bourges, les militaires crient "Vive l'Empereur". La légende napoléonienne est encore présente dans beaucoup d'esprits, naturellement dans celui du prince-président qui instaure une constitution imitée de celle du Consulat (15 janvier 1852). Après des élections visant à conforter le régime, l'Empire est rétabli le 2 décembre 1852. Les Sétois restent indifférents aux pompes impériales. Les légitimistes (partisans de l'ancienne monarchie) sont une forte minorité (15 % des votants). La majorité des Sétois est républicaine. Doumet, pendant 10 ans (1852-1863), réprime.

Et son action se durcit après les mauvais résultats des législatives de 1852. Il épure le conseil municipal des élus qui refusent de prêter serment. Charles Mercier est interné à Dunkerque. Peut-être son nom est-il lié à la rue Mercier, non loin de "l'esplanade neuve" (place de la République). Martial Peyret s'est réfugié en Espagne.

La police poursuit les présumés chefs du parti socialiste. Au total, sur 97 Sétois poursuivis, 47 seront condamnés. Plusieurs dizaines de Sétois seront déportés en Algérie. Doumet est confirmé dans sa fonction de maire. Quand le député impérialiste en place, Parmentier, décède, a lieu une élection partielle. Candidat, Doumet l'emporte et devient député. Il est dit, dans l'Histoire de Sète (Privat 1987), "l'homme fort du bonapartisme dans l'Hérault". Or, l'ex officier de cavalerie ne fut pas un de ces "ratapoils" croqués par Daumier, rêvant de régenter la société comme une unité militaire. Imitation ou aspiration sincère, il s'entremit dans les conflits sociaux. En 1857, le préfet imposera le "tarif Doumet". La prudhommie industrielle avait été mise en œuvre en 1852 : 332 voix patronales font face à 1288 voix ouvrières. C'était au moins un organe de négociation et cela manifeste bien les préoccupations sociales de Napoléon III et de Doumet.

Autoritaire, partisan des solutions de force, Emile Doumet savait aussi s'attacher des fidélités, négocier. Ménageant l'important groupe des tonneliers, il sut fidéliser le vote des Sétois.X ? Il est vrai que son action n'avait pas été que politique.

HERVE LE BLANCHE

Avec Faits Divers à Sète : "Un monte en l'air audacieux"

Avec Faits Divers à Sète : "Un monte en l'air audacieux"

Décembre 1912
Dans la nuit du 25 au 26 décembre 1912, Mme Veuve Roustan, âgée d'une soixantaine d'années, qui tenait à la Corniche un tout petit débit de liqueur avec l'aide d'une jeune bonne de vingt ans, fut victime d'un vol selon des circonstances rocambolesques et très romanesques.
Dans le courant de l…

Pourquoi une rue Montmorency à Sète ?

amontP1100972C'est la question que l'on peut se poser en lisant le nom de la longue voie descendante qui relie le boulevard Chevalier de Clerville à la rue Rouget de l'Isle , non loin du plan Joseph Soulet où siègent les Archives municipales. Pourtant, deux représentants d'une des plus puissantes familles du royaume de France aux XVIè et XVIIè siècles jouèrent un rôle dans l'histoire de Sète. Et l'action d'Henri Ier de Montmorency (1534-1614) aurait pu être décisive.

 

En effet, celui qui, à l'exemple de ses ancêtres, cumulait charges et fonctions fut gouverneur du Languedoc (chargé des affaires militaires) sous le règne d'Henri IV. Et il apparut au gouverneur et au monarque que la frontière maritime de la province n'était pas sûre et qu'elle était plutôt un obstacle au commerce qu'un facteur favorable. Du Rhône à Leucate, pas de rade commode et assurée. Les atterrissements comblent étangs et passes. Ainsi des graus desservant Montpellier et Narbonne. Celui de Frontignan est de fonds réduits. Agde, port traditionnel de la province, doit compter avec la barre au débouché de l'Hérault et des bancs de sable dans l'estuaire. Dans l'Histoire de Sète (Privat 1988, p. 42), il est souligné que "seuls, de petits bateaux de pêche ou de négoce au cabotage peuvent s'accommoder d'une telle situation". En plus, selon la même source, "la veille continue de corsaires et de pirates sur le golfe ne peut assurer une paisible navigation". De l'îlot de Brescou au cap d'Agde, le pirate Barberoussette mène ses expéditions.

 

C'est là qu'intervint le gouverneur du Languedoc Henri Ier qui délogea Barberoussette de Brescou en 1586 et éloigna le danger du mont Saint Clair. Et Henri IV et le gouverneur conçurent un projet plus ambitieux en vue de sécuriser la province : créer un port.

C'est ce qu'ordonnait l'arrêt du 23 juillet 1596, demandant – sur rapport de Montmorency – que soit créé "un port au cap de Cette". Cet abri serait protégé par une forteresse afin de parer à tout acte hostile.

Henri de Montmorency confia l'exécution du projet à Pierre d'Augier, gouverneur de Bagnols, prévôt général du Languedoc, qui reçoit le titre de "gouverneur et capitaine des ville, château, port et anse de Cette".

Les Etats du Languedoc, jaloux de leur autonomie, refusent tout financement. Celui-ci doit être assuré par "la crue (prélèvement) de 10 sols par minot de sel (39,36 litres) perçue dans les 17 greniers à sel languedociens et l'impôt de 2 % sur les marchandises empruntant les graus de Frontignan et Maguelonne". Et à Saint Clair, il est bâti le fort de Montmorencette, tandis qu'au lieu dit aujourd'hui le Lazaret, surgissent môles et jetées. En 1601 selon d'Augier, "le port se porte bien". En 1605, il peut abriter douze vaisseaux et une galère du duc de Savoie. Mais les dépenses ont, de loin, dépassé les prévisions. Le financement prévu s'avère très insuffisant pour y faire face.

 

D'Augier mourra ruiné après avoir engagé sa fortune personnelle. Peu à peu, l'abri est délaissé. De tout cela ne restera-t-il que le fort de Montmorencette ?

 

Hervé Le Blanche



Emile Doumet ou le parti de l'"Ordre".

Emile Doumet ou le parti de l'"Ordre".

Le personnage d'Emile Doumet domine la vie sétoise sous le Second Empire. Le pouvoir du deuxième empereur Bonaparte lui permettra d'assouvir son ambition, de laisser libre cours à ses penchants autoritaires et d'incarner le parti de l'"Ordre".

Les circonstances conduisent à évoquer cette période de l'Histoire en Décembre, mois glorifié par les Bonaparte après le sacre, le 2 de ce mois (1804), de Napoléon Ier. Or, c'est par un sanglant coup de force que son neveu, Louis Napoléon, établit le 2 décembre 1851 un pouvoir autoritaire, avant de rétablir l'Empire le 8 décembre 1852. Sète est une ville républicaine, à majorité prolétaire. Selon les chiffres fournis par L'Histoire de l'Hérault (éd. Bourdessoules, 1993), elle compte, en 1848, 3 261 travailleurs (marins, pêcheurs, tonneliers, portefaix…) pour une population de 17 259 habitants. D'ailleurs, aux élections de 1848, elle a voté "montagnard" à 54 %… Et Louis Napoléon a été élu président de la République. Tandis qu'à Paris le prince-président manœuvre pour faire réviser la Constitution et rester au pouvoir après 4 ans de mandat, à Sète, Emile Doumet commence à faire son chemin. Le 27 février 1849, il est nommé maire par le préfet à la suite de la violente émeute qui a suivi l'abattage de l'arbre de la Liberté, le 7 février. Il s'agitait depuis lors, demandant l'arrestation et le transfert à Montpellier de 22 participants à l'émeute qui vit le sac du Cercle du Commerce.

Et il s'acharne à déconsidérer l'ancien maire, le négociant Mercier, et ses amis. Son autoritarisme l'isole dans la vie politique. Mais, outre son ambition et son goût de "l'ordre", il a d'autres atouts et va bénéficier des circonstances. L'Histoire de Sète (Privat, 1987) nous apprend que, bien que né à Paris (1796) et éloigné par sa carrière militaire (qu'il termine en 1848), il est bien connu à Sète. Car, précise l'ouvrage, "sa famille est solidement implantée sur les hauteurs de la ville". "Elle est présente dans le négoce et l'armement". Et Emile Doumet est "un franc-maçon assidu de la loge sétoise...et y trouvera de solides appuis". Or, le 5 décembre 1851, on apprend à Sète le coup de force du 2 décembre. Le capitaine Samary met la ville en état de siège. Point n'est besoin d'une garde civique armée, comme le souhaite Doumet. Car les réactions au coup d'état ne sont pas violentes à Sète. On est loin de l'insurrection du biterrois où les colonnes du général Rostolan mirent dix jours à rétablir l'ordre, au prix de 70 morts. A Sète, il y eut en tout 10 arrestations. La rumeur la plus inquiétante était le projet, d'un certain Valette, de donner assaut à la ville à la tête de 20 Mézois ! Or, Louis Napoléon veut faire légitimer son pouvoir. Le 20 décembre 1851, un plébiscite sollicite l'avis des Français.

En France, on approuve à 91,50 %. Dans l'arrondissement de Montpellier, le "oui" rassemble 67,04 %. A Sète, le "non" l'emporte avec 59 %. C'est une des cinq villes de France à affirmer son refus. Doumet va concentrer son action contre la ville "rouge".

Hervé Le Blanche

Un échec à Sète.

Il est toujours difficile, notait l'historien J. Meyer (Histoire de France, Hachette 1985, T.3), pour les créations urbanistiques, de s'insérer dans le cadre existant. Ainsi Sète, création artificielle, s'est heurtée à la concurrence de deux métropoles existantes, Bordeaux et Marseille, en cherchant à diversifier ses activités. Et, en tentant de développer une manufacture de tabac après le milieu du XVIIIè siècle, des négociants sétois échouèrent.

Les tentatives languedociennes pour diversifier et développer l'activité de Sète forment, depuis sa création (1666) jusqu'à la fin du XVIIIè siècle, une liste de déconvenues. Le regretté professeur Dermigny, sur la foi des rapports officiels, incriminait le manque d'esprit d'entreprise des Languedociens (Esquisse de l'histoire d'un port). Selon lui, "Les Languedociens entreprenants sur le plan maritime, c'est de préférence hors du Languedoc qu'on les rencontre", à Bordeaux et surtout à Marseille. La cité phocéenne veille jalousement sur le respect de son monopole du commerce avec le Levant et, par Agde, concurrence directement la création de Louis XIV. Quant à la concurrence de Bordeaux, elle fit échouer les tentatives d'établissement de lignes vers l'Amérique et les Antilles. Le milieu du XVIIIè siècle vit l'échec du raffinage du sucre. Or, l'entreprise Tinel à peine liquidée en 1750, quatre négociants sétois (Bresson, Ratyé, Mercier et Coulet frères) s'associent pour installer une manufacture de tabac dans les locaux de l'ancienne raffinerie (à peu près sur l'emplacement des halles actuelles).

Après tant d'échecs, ils manifestaient un bel esprit d'entreprise.

Le Tabac, Feuilles De Tabac

En 1751, le tabac arrive de Virginie par le relais de la métropole britannique, principalement par les ports de Whitehaven, Ayr et Glasgow. Et Sète va nouer des liens spirituels avec l'Amérique. Les autorités languedociennes sont en contact avec Benjamin Franklin. Les idéaux proclamés par les révoltés contre la couronne anglaise diffusent dans la bourgeoisie. A tel point qu'en 1782 est créée la loge maçonnique des Amis fidèles des Treize Etats Unis. A Sète, on avait fêté la victoire de Yorktown (1781) avec Te Deum et feu d'artifice. Victoire morale qui se doublait de l'ouverture d'un marché à l'échelle continentale.

La manufacture semble prendre son essor. Elle "occupe 300 ouvriers et fournit les bureaux de Lyon et les provinces voisines du Rhône". L'entreprise résiste à un incendie et aux plaintes des Sétois relatives aux fumées et odeurs provoquées par le brûlage des rebuts. Les lettres de protestation s'accumulent sur le bureau du maire. Par ailleurs, les ouvriers à la manufacture sont mal payés : un ouvrier ne gagne que 18 sous (une bonne journée de travail est payée 1 livre, soit 20 sous). Les autres employés (femmes, enfants) encore moins. Mais des difficultés apparaissent dans l'écoulement des produits. L'entreprise a 100 000 tonnes en stock.

Et, à Marseille, on sature le marché, on casse les prix. La ligue du tabac décline, de même que l'activité de la manufacture. Peu à peu, elle cesse ses activités. Ses locaux ont été transformés en caserne en 1795.

Hervé Le Blanche

Les conditions de l'essor de Sète (1839-1878)

Les conditions de l'essor de Sète (1839-1878).

C'est sur le temps long qu'il faut évaluer l'essor de l'agglomération sétoise. Il s'étale sur près d'un demi siècle quand se combinent croissance économique, montée en puissance du port, développement de la ville. Transports, main d’œuvre, capitaux font de Sète le 4è port de France.

Le développement de la ville-port est attesté par la croissance de sa population qui passe de 9 000 habitants en 1821 à 25 000 en 1878. Dans le même temps, Agde, la vieille rivale, n'en gagne qu'environ un millier. Mais Sète n'égale pas Béziers (31 000 habitants en 1878), devenue entre temps carrefour ferroviaire vers le Massif Central. Pourtant, c'est bien Sète qui accueillit la troisième ligne de voyageurs française avec, en juillet 1839, l'inauguration du tronçon Montpellier-Sète. Puis, la ville fut au débouché du réseau Talabot (Paris-Lyon-Marseille-Sète) dont la gare se situait aux environs de l'actuelle place Delille. Cette ligne était concurrencée par le Chemin de fer du Midi (des frères Pereire) vers Bordeaux à partir de la gare actuelle qui deviendra gare commune en 1858. Grâce aux frais de transport moindre, Sète peut rayonner sur tout le marché français. Et l'essor économique attire une main d’œuvre abondante : peu d'étrangers (3 % de la population), mais des gens de Provence, des pays rhodaniens, du Tarn, de l'Aveyron et même des côtes de la Manche et bien sûr, du Languedoc. Les immigrés deviennent cheminots, terrassiers, maçons et alimentent le groupe important des tonneliers. Sète deviendra le plus grand atelier de tonnellerie au monde. Le nombre des grands ateliers passe de 9 à 50 sous le Second Empire.

Autre facteur de croissance, les capitaux ne manquent pas. Le crédit est devenu plus large, dès avant 1848 où s'ouvre le Comptoir d'escompte de Sète. Et voient le jour les banques A. Martin, Catrix et Coste, Stanislas François, Bellotini. Viendront ensuite les banques Vieu-Fondère et Cie et le Crédit sétois. Notons que les grands établissements opérant à l'échelle nationale ne sont implantés que tardivement à Sète, comme la Société Générale, puis la Banque de France en 1880.Mais, si Sète gagnait en autonomie par rapport à Montpellier, elle semble à l'écart des grands maniements de capitaux qui sont la marque du Second Empire (1852-1870). Sète n'épousera pas tout à fait son siècle comme le montre ce retard et également l'échec de la métallurgie et de la construction des navires à vapeur. La ville royale a manqué là une possibilité de large expansion. Néanmoins, le mouvement des affaires nécessite la transformation du port. Tout un peuple de travailleurs s'occupe à draguer le port, ouvrir le chenal maritime (1864) bordé aujourd'hui par le quai Maillol, tenter de fortifier le brise-lame endommagé par trois fois au cours du demi siècle (1860,1861, 1863 quand la digue fut sérieusement endommagée). Le phare Saint Louis a été terminé en 1862.

Nouveaux canaux, nouveaux quais, une véritable mutation accompagne l'essor du trafic du port qui égale celui de Barcelone en 1863. Si ce n'est la "prospérité impériale", quelles activités nécessitaient de tels efforts ?

HERVE LE BLANCHE

Etienne Ratyé, 1774-1846 fut maire de Sète : le bourgeois gentilhomme

Etienne Ratyé, 1774-1846 fut maire de Sète : le bourgeois gentilhomme.

Une plaque apposée sur une maison du début de la promenade Marty nous rappelle qu’en 1823 Etienne Ratyé, maire de Sète, offrit à la duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI, épouse du dauphin de France, le spectacle de joutes somptueuses, les plus belles peut-être que Sète connut. A la différence de Grangent (autoritaire maire sous le Ier Empire) ou de Doumet une génération plus tard, la personnalité de Ratyé est quelque peu obscurcie dans la mémoire sétoise. Pourtant, outre le fait d’avoir contribué à armer des navires corsaires, il joua un certain rôle dans la cité, au début du XIXè siècle.

Etienne Ratyé naquit à Sète en 1774 quand Louis XVI arriva au pouvoir. Son père, prénommé également Etienne, était un négociant aisé (il s’occupa même de commerce du tabac avec l’Amérique), de ces notables qui semblent incontournables dans leur cité quel que soit le régime politique. Etienne Ratyé père est deuxième consul de la ville, lieutenant du maire choisi par l’évêque d’Agde en 1783. Il sera maire en 1791, sous la monarchie constitutionnelle. L’Histoire de Sète nous précise qu’il fut membre du conseil des notables de la commune montagnarde, ce qui ne l’empêcha pas d’être conseiller municipal sous la monarchie restaurée de Louis XVIII.

Ce qui semble vérifier l’assertion quelque peu sarcastique de l’historien du port de Sète, Louis Dermigny : « Sète semble, bien détachée du passé révolutionnaire, évoluer vers un royalisme fort peu doctrinal d’une monarchie centrée sur la liberté des mers et les traités de commerce. » En effet, sous le Ier Empire, de quoi les bourgeois de Sète avaient-ils souffert ? Peut-être d’un manque de liberté vis-à-vis d’un gouvernement réduisant le nombre des imprimeurs et de journaux du département. Peut-être de la menace de la conscription, encore que l’on puisse toujours acheter un remplaçant. Mais, surtout, du marasme du port. Avec la guerre sur mer, le commerce des vins et alcools périclite. Le port s’ensable. La ville ne compte plus que 50 tonneliers ; 600 chômeurs fréquentent la soupe populaire (Sète n’a pas 10 000 hab.).

Alors, entre l’abeille impériale et les lys de la monarchie, Etienne Ratyé choisit les lys, la paix et la reprise du commerce. En mars 1815 quand l’empereur revient, il est élu maire et il rend un grand service aux Bourbons. Le duc d’Angoulême (l’héritier) avait voulu arrêter la marche de l’usurpateur à Pont-Saint-Esprit. Trahi, battu, il se replie sur l’Hérault royaliste et Ratyé organise son embarquement à Sète. Son altesse royale ne sera pas prisonnière de l’ogre de Corse et Ratyé sera fait chevalier de La Peyrade. N’avait-il pas une propriété près de ce hameau ?

A lui les hochets du pouvoir : maire de la « bonne ville de Sète », il sera chevalier de Saint-Louis, officier de la légion d’honneur. Il s’invente des armoiries qu’il placarde sur les panneaux de sa chaise à porteur. Il peut jouer au propriétaire terrien soit dans son domaine de La Caze (près de La Peyrade), soit dans celui de sa femme, à Saint-Martin, à Agde. Le duc d’Angoulême puis sa femme honorent Sète de leur venue. Ratyé obtient une subvention pour creuser le port et mieux le protéger et semble se rallier aux flambeaux du trône et de la religion : n’installe-t-il pas, dans une ville déchristianisée, les frères des écoles chrétiennes (1826) ? Ce dévouement au trône et à l’autel ne l’empêchera pas de siéger (lui, le maire écarté en 1830) au conseil municipal jusqu’en 1840.

Il finira par se retirer à Agde, ayant servi quatre régimes politiques. Il fit souvent la part belle aux apparences, mais, sous quelque pavillon que ce soit, les affaires ne restent-elles pas les affaires ?

Hervé Le Blanche            

LOUIS XVI      Louis Xvi, Roi, Royalties, La France