Histoire de Sète

Un échec à Sète.

Il est toujours difficile, notait l'historien J. Meyer (Histoire de France, Hachette 1985, T.3), pour les créations urbanistiques, de s'insérer dans le cadre existant. Ainsi Sète, création artificielle, s'est heurtée à la concurrence de deux métropoles existantes, Bordeaux et Marseille, en cherchant à diversifier ses activités. Et, en tentant de développer une manufacture de tabac après le milieu du XVIIIè siècle, des négociants sétois échouèrent.

Les tentatives languedociennes pour diversifier et développer l'activité de Sète forment, depuis sa création (1666) jusqu'à la fin du XVIIIè siècle, une liste de déconvenues. Le regretté professeur Dermigny, sur la foi des rapports officiels, incriminait le manque d'esprit d'entreprise des Languedociens (Esquisse de l'histoire d'un port). Selon lui, "Les Languedociens entreprenants sur le plan maritime, c'est de préférence hors du Languedoc qu'on les rencontre", à Bordeaux et surtout à Marseille. La cité phocéenne veille jalousement sur le respect de son monopole du commerce avec le Levant et, par Agde, concurrence directement la création de Louis XIV. Quant à la concurrence de Bordeaux, elle fit échouer les tentatives d'établissement de lignes vers l'Amérique et les Antilles. Le milieu du XVIIIè siècle vit l'échec du raffinage du sucre. Or, l'entreprise Tinel à peine liquidée en 1750, quatre négociants sétois (Bresson, Ratyé, Mercier et Coulet frères) s'associent pour installer une manufacture de tabac dans les locaux de l'ancienne raffinerie (à peu près sur l'emplacement des halles actuelles).

Après tant d'échecs, ils manifestaient un bel esprit d'entreprise.

Le Tabac, Feuilles De Tabac

En 1751, le tabac arrive de Virginie par le relais de la métropole britannique, principalement par les ports de Whitehaven, Ayr et Glasgow. Et Sète va nouer des liens spirituels avec l'Amérique. Les autorités languedociennes sont en contact avec Benjamin Franklin. Les idéaux proclamés par les révoltés contre la couronne anglaise diffusent dans la bourgeoisie. A tel point qu'en 1782 est créée la loge maçonnique des Amis fidèles des Treize Etats Unis. A Sète, on avait fêté la victoire de Yorktown (1781) avec Te Deum et feu d'artifice. Victoire morale qui se doublait de l'ouverture d'un marché à l'échelle continentale.

La manufacture semble prendre son essor. Elle "occupe 300 ouvriers et fournit les bureaux de Lyon et les provinces voisines du Rhône". L'entreprise résiste à un incendie et aux plaintes des Sétois relatives aux fumées et odeurs provoquées par le brûlage des rebuts. Les lettres de protestation s'accumulent sur le bureau du maire. Par ailleurs, les ouvriers à la manufacture sont mal payés : un ouvrier ne gagne que 18 sous (une bonne journée de travail est payée 1 livre, soit 20 sous). Les autres employés (femmes, enfants) encore moins. Mais des difficultés apparaissent dans l'écoulement des produits. L'entreprise a 100 000 tonnes en stock.

Et, à Marseille, on sature le marché, on casse les prix. La ligue du tabac décline, de même que l'activité de la manufacture. Peu à peu, elle cesse ses activités. Ses locaux ont été transformés en caserne en 1795.

Hervé Le Blanche

Les conditions de l'essor de Sète (1839-1878)

Les conditions de l'essor de Sète (1839-1878).

C'est sur le temps long qu'il faut évaluer l'essor de l'agglomération sétoise. Il s'étale sur près d'un demi siècle quand se combinent croissance économique, montée en puissance du port, développement de la ville. Transports, main d’œuvre, capitaux font de Sète le 4è port de France.

Le développement de la ville-port est attesté par la croissance de sa population qui passe de 9 000 habitants en 1821 à 25 000 en 1878. Dans le même temps, Agde, la vieille rivale, n'en gagne qu'environ un millier. Mais Sète n'égale pas Béziers (31 000 habitants en 1878), devenue entre temps carrefour ferroviaire vers le Massif Central. Pourtant, c'est bien Sète qui accueillit la troisième ligne de voyageurs française avec, en juillet 1839, l'inauguration du tronçon Montpellier-Sète. Puis, la ville fut au débouché du réseau Talabot (Paris-Lyon-Marseille-Sète) dont la gare se situait aux environs de l'actuelle place Delille. Cette ligne était concurrencée par le Chemin de fer du Midi (des frères Pereire) vers Bordeaux à partir de la gare actuelle qui deviendra gare commune en 1858. Grâce aux frais de transport moindre, Sète peut rayonner sur tout le marché français. Et l'essor économique attire une main d’œuvre abondante : peu d'étrangers (3 % de la population), mais des gens de Provence, des pays rhodaniens, du Tarn, de l'Aveyron et même des côtes de la Manche et bien sûr, du Languedoc. Les immigrés deviennent cheminots, terrassiers, maçons et alimentent le groupe important des tonneliers. Sète deviendra le plus grand atelier de tonnellerie au monde. Le nombre des grands ateliers passe de 9 à 50 sous le Second Empire.

Autre facteur de croissance, les capitaux ne manquent pas. Le crédit est devenu plus large, dès avant 1848 où s'ouvre le Comptoir d'escompte de Sète. Et voient le jour les banques A. Martin, Catrix et Coste, Stanislas François, Bellotini. Viendront ensuite les banques Vieu-Fondère et Cie et le Crédit sétois. Notons que les grands établissements opérant à l'échelle nationale ne sont implantés que tardivement à Sète, comme la Société Générale, puis la Banque de France en 1880.Mais, si Sète gagnait en autonomie par rapport à Montpellier, elle semble à l'écart des grands maniements de capitaux qui sont la marque du Second Empire (1852-1870). Sète n'épousera pas tout à fait son siècle comme le montre ce retard et également l'échec de la métallurgie et de la construction des navires à vapeur. La ville royale a manqué là une possibilité de large expansion. Néanmoins, le mouvement des affaires nécessite la transformation du port. Tout un peuple de travailleurs s'occupe à draguer le port, ouvrir le chenal maritime (1864) bordé aujourd'hui par le quai Maillol, tenter de fortifier le brise-lame endommagé par trois fois au cours du demi siècle (1860,1861, 1863 quand la digue fut sérieusement endommagée). Le phare Saint Louis a été terminé en 1862.

Nouveaux canaux, nouveaux quais, une véritable mutation accompagne l'essor du trafic du port qui égale celui de Barcelone en 1863. Si ce n'est la "prospérité impériale", quelles activités nécessitaient de tels efforts ?

HERVE LE BLANCHE

Etienne Ratyé, 1774-1846 fut maire de Sète : le bourgeois gentilhomme

Etienne Ratyé, 1774-1846 fut maire de Sète : le bourgeois gentilhomme.

Une plaque apposée sur une maison du début de la promenade Marty nous rappelle qu’en 1823 Etienne Ratyé, maire de Sète, offrit à la duchesse d’Angoulême, fille de Louis XVI, épouse du dauphin de France, le spectacle de joutes somptueuses, les plus belles peut-être que Sète connut. A la différence de Grangent (autoritaire maire sous le Ier Empire) ou de Doumet une génération plus tard, la personnalité de Ratyé est quelque peu obscurcie dans la mémoire sétoise. Pourtant, outre le fait d’avoir contribué à armer des navires corsaires, il joua un certain rôle dans la cité, au début du XIXè siècle.

Etienne Ratyé naquit à Sète en 1774 quand Louis XVI arriva au pouvoir. Son père, prénommé également Etienne, était un négociant aisé (il s’occupa même de commerce du tabac avec l’Amérique), de ces notables qui semblent incontournables dans leur cité quel que soit le régime politique. Etienne Ratyé père est deuxième consul de la ville, lieutenant du maire choisi par l’évêque d’Agde en 1783. Il sera maire en 1791, sous la monarchie constitutionnelle. L’Histoire de Sète nous précise qu’il fut membre du conseil des notables de la commune montagnarde, ce qui ne l’empêcha pas d’être conseiller municipal sous la monarchie restaurée de Louis XVIII.

Ce qui semble vérifier l’assertion quelque peu sarcastique de l’historien du port de Sète, Louis Dermigny : « Sète semble, bien détachée du passé révolutionnaire, évoluer vers un royalisme fort peu doctrinal d’une monarchie centrée sur la liberté des mers et les traités de commerce. » En effet, sous le Ier Empire, de quoi les bourgeois de Sète avaient-ils souffert ? Peut-être d’un manque de liberté vis-à-vis d’un gouvernement réduisant le nombre des imprimeurs et de journaux du département. Peut-être de la menace de la conscription, encore que l’on puisse toujours acheter un remplaçant. Mais, surtout, du marasme du port. Avec la guerre sur mer, le commerce des vins et alcools périclite. Le port s’ensable. La ville ne compte plus que 50 tonneliers ; 600 chômeurs fréquentent la soupe populaire (Sète n’a pas 10 000 hab.).

Alors, entre l’abeille impériale et les lys de la monarchie, Etienne Ratyé choisit les lys, la paix et la reprise du commerce. En mars 1815 quand l’empereur revient, il est élu maire et il rend un grand service aux Bourbons. Le duc d’Angoulême (l’héritier) avait voulu arrêter la marche de l’usurpateur à Pont-Saint-Esprit. Trahi, battu, il se replie sur l’Hérault royaliste et Ratyé organise son embarquement à Sète. Son altesse royale ne sera pas prisonnière de l’ogre de Corse et Ratyé sera fait chevalier de La Peyrade. N’avait-il pas une propriété près de ce hameau ?

A lui les hochets du pouvoir : maire de la « bonne ville de Sète », il sera chevalier de Saint-Louis, officier de la légion d’honneur. Il s’invente des armoiries qu’il placarde sur les panneaux de sa chaise à porteur. Il peut jouer au propriétaire terrien soit dans son domaine de La Caze (près de La Peyrade), soit dans celui de sa femme, à Saint-Martin, à Agde. Le duc d’Angoulême puis sa femme honorent Sète de leur venue. Ratyé obtient une subvention pour creuser le port et mieux le protéger et semble se rallier aux flambeaux du trône et de la religion : n’installe-t-il pas, dans une ville déchristianisée, les frères des écoles chrétiennes (1826) ? Ce dévouement au trône et à l’autel ne l’empêchera pas de siéger (lui, le maire écarté en 1830) au conseil municipal jusqu’en 1840.

Il finira par se retirer à Agde, ayant servi quatre régimes politiques. Il fit souvent la part belle aux apparences, mais, sous quelque pavillon que ce soit, les affaires ne restent-elles pas les affaires ?

Hervé Le Blanche            

LOUIS XVI      Louis Xvi, Roi, Royalties, La France

1804-1814 : l’Empire est contre Sète.

1804-1814 : l’Empire contre Sète.

Napoléon Bonaparte, La France, Empereur

Le 2 décembre 1804, Napoléon Bonaparte se couronnait empereur des Français. Il n’est pas nécessaire d’être "bonapartolâtre" pour s’en souvenir et évoquer cette époque où notre ville connut bien des déboires au point d’être entravée dans son développement.

La population de la ville baisse entre 1805 et 1811 alors que la conjoncture économique est bonne et que Montpellier voit sa population légèrement croître. À Sète, le nombre d’habitants passe de 9 329 à 8 327. La ville connaît des crises démographiques avec de fortes mortalités entre 1804 et 1807 et des chutes de natalité entra 1800 et 1813. Sète, dans la main de l’autocratie parisienne et de l’autoritarisme local de Mathieu Grangent, ne vit pas paisiblement. Le peuple sétois se distingue par son « immoralité ». Dans et hors la ville sévit le brigandage. Sont dénoncés vols et viols. Officiellement interdits, les jeux de hasard sont partout. Parfois, la foule s’en prend aux soldats pour protéger déserteurs et réfractaires. Car la paix d’Amiens, en 1802, ne fut qu’une parenthèse dans la vie agitée de l’Empire.

La guerre reprit avec l’Angleterre dès 1803, puis Napoléon dut faire face à trois coalitions européennes successives (1805, 1806 et 1809) et allait embourber ses troupes en Espagne. La conscription est de plus en plus mal supportée, surtout après 1808 quand Napoléon fait appel aux hommes des contingents antérieurs. À Sète, les déserteurs se réfugient souvent aux Salins où la maréchaussée ne peut entrer et ils y subsistent modestement.

La ville s’oppose d’autant plus à l’ordre impérial que sévissent chômage et pauvreté. La survie du port semble remise en question. Depuis 1792, le port s’est ensablé. Le canal n’offre plus que 50cm de tirant d’eau et la passe n’atteint pas 3 mètres. Les jetées, ruinées, ne protègent guère de la forte mer. Des dragages ramèneront la passe à 6 mètres mais engloutiront le produit des taxes portuaires sur le vin, l’alcool ou le blé. Sous l’Empire, le port périclite : on ne peut plus importer de Xérès et de Porto depuis que la marine anglaise règne sur la Méditerranée (Trafalgar, 1805).

Le port d’Agde devient un concurrent sérieux, abrité par l’Hérault, avec de bonnes communications avec l’intérieur. Même la pêche est incertaine du fait des corsaires qui attaquent à proximité de la côte et interdisent la très lucrative pêche au thon. Les Anglais s’efforcent de couper toute communication avec l’Espagne et d’incendier les bateaux dans le port. Sète recueillera les restes de l’escorte d’un convoi après la bataille navale des Aresquiers (octobre 1809) entre les forces du contre-amiral Baudin et celles de l’amiral lord Collingwood.

En septembre 1808, puis en juin 1809, Sète et son port sont bombardés de fusées incendiaires. Allait-on revoir les tuniques rouges à Saint Clair comme en 1710 ? Face à cette menace, les Sétois réagiront en armant des navires pour la guerre de course. Armés par la compagnie Ratyé-Bresson, quatre corsaires sétois, Comtesse Émeriau, Général Cosmas, Comtesse Montebello, naufragé en 1812 et Décidé se distingueront.

Leurs prises offriront à la ville de bons dédommagements. Ce bref coup d’œil sur les misères du temps peut nous faire comprendre pourquoi les Sétois restèrent indifférents à la « gloire » napoléonienne. Ils souhaitaient d’abord du travail, vivre en paix. Aussi, en 1816, Sète passait pour royaliste et le maire Ratyé fut bombardé « chevalier de La Peyrade » tandis que le roi lui-même octroyait un blason à sa « bonne ville ».

Les Sétois qui n’avaient pas accepté le régime napoléonien allaient-ils se laisser séduire par le repos de la monarchie ? C’est une autre histoire…

Hervé Le Blanche

Sète avant la Grande Guerre.

Sète avant la Grande Guerre.

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Les faits rapportés dans "Jours de Cette" s'étalent sur 20 ans (1893-1913). L'ouvrage (éd. L'An Demain, 5 quai d'Alger), écrit par François Mottier et illustré par Jean Brunelin, évoque par le biais de la correspondance d'un commis suisse et de sa mère ce qui a fait longtemps l'identité de Sète, ainsi que l'écho des grands évènements.

 

C'était au temps (avril 1897) où, en promenade sur le mont Saint Clair, on pouvait croiser un "M. Valéry", fonctionnaire à Paris, qui faisait paraître des poèmes dans la Revue Maritime Marseillaise. C'était le temps (novembre 1896) où se montait, rue de l'Esplanade (actuelle rue général de Gaulle), le cinématographe Demeny. On s'y divertissait tout en jugeant que "ce procédé d'images animées...n'ait qu'un avenir forain". Car les distractions, à Cette, ce sont des nouveautés, comme la mise en service des lignes de tramways électriques (janvier 1901) qui remportent auprès du public "un colossal succès". Ils émerveillent et flattent la fierté cettoise. On peut se rendre des Halles à La Peyrade et du môle à la Corniche ! Et puis bien sûr, il y a les fêtes : au Carnaval et à la Saint Louis. Celle-ci n'est pas évoquée comme fête votive le 17 août 1898, mais comme l'occasion de la parade de la "très célèbre Société mixte de gymnastique et de tir la Cettoise", pour la fête de la Fédération des Sociétés de Gymnastique. Là, suivant le correspondant, "Cette s'étourdissait de gaieté et de musique". Les joutes et la Saint Louis sont (un peu indirectement) mentionnées lors de l'évocation du personnage du "Mouton", le jouteur légendaire Louis Vaillé.

 

Si la Saint Louis était le moment de la communion des cœurs des Cettois, la ville était aussi remuée par les courants politiques et sociaux de l'époque. En mars 1896, on manifeste contre l'augmentation du prix du pain. En mai 1901, les transporteurs font grève et parcourent la ville en cortège. Mais aussi, grande émotion chez les habitants de la ville-port : en juin 1894, Jeronimo Caserio, un lombard de 21 ans mitron à la boulangerie Viala au quai d'Alger, poignarde à Lyon le président de la République Sadi Carnot. Soupçonnant des complicités à Sète, la police enquête. Viala est inquiété, 21 personnes sont interrogées.

Et dans la presse, on juge bon de désavouer le geste "repoussé avec horreur et indignation". Autre épisode politique marquant, la venue de Jaurès le 3 juillet 1898 pour plaider la cause du capitaine Dreyfus. L'attitude d'un journaliste est telle que le natif de Clarens est prêt de perdre son sang froid. Et puis, c'était au temps où l'escadre de la Méditerranée faisait escale à Sète. La France se voulait grande puissance maritime pour soutenir son effort de rayonnement dans le monde. Ainsi, la France est présente en Extrême-Orient et en août 1900, l'aspirant Herber trouve la mort en défendant les légations occidentales à Pékin.

 C'était au temps où on exaltait la conquête de l'Ouest et où les Anglais guerroyaient au Transvaal. Et, Venisette ou petit Menton, on accueillait des touristes à Cette où la lumière était toujours aussi belle.

Hervé Le Blanche.

Sette 1786, port dans l'enfance ?

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C'est ce qu'affirme le subdélégué Jean Matthieu Grangent dans son rapport à l'Intendant en 1786. Il évoque les causes de l' "engourdissement du commerce de Sette", tout en décrivant le trafic du port. Celui-ci n'est pas dépourvu d'activités, mais plus centrées sur la Méditerranée.

Et le notable de Sette étaye sa démonstration : le port a plus de cent ans d'existence, "il a dans son voisinage les villes de Montpellier et de Nîmes qui sont aussi riches que commerçantes". L'agglomération ne regroupe que 8 000 habitants alors que le port est "pour ainsi dire le seul de la province de Languedoc". JM Grangent force le trait car son évocation du port de Sette passe aussi par le rôle de la ville rivale, Agde. Il déplore que le canal de Riquet se termine à Agde. Il y revient plusieurs fois dans son rapport. Car, pour gagner Sette, il faut affronter l'étang de Thau et ses forts coups de vent. Et la "ville noire" (Agde), malgré les défauts de son site (ensablement de la "rivière", barre à l'estuaire), est une vraie concurrente pour Sette.

C'est en grande partie par ce port que s'exportent les grains du Haut Languedoc (Aude, Tarn, Tarn et Garonne) en direction de la Provence (qui crie souvent famine) ou du Levant. Selon JM Grangent, Sette n'en exporte qu'une partie, ainsi que des grains du Languedoc quand les circonstances s'y prêtent. De plus : "on embarque préférablement au dit Sette, les grains et légumes venant du côté de la Bourgogne, du Lyonnois, du Vivarais et des Cévennes lorsque les récoltes abondantes dans ces cantons permettent qu'il en soit fait alors des envois à l'étranger".

Sette devait être, dans l'esprit de ses créateurs, "l'épanchoir des produits de la province". Et c'est l'échec majeur de la ville-port. Certes, en 1786, elle exporte de la petite lingerie : bonnets, mouchoirs, bas. Au milieu du siècle, l'empire espagnol sembla s'ouvrir aux bas de soie languedociens. On voyait déjà ce produit habillant les classes aisées de Rio à Mexico. Les aléas de la politique en décidèrent autrement. Mais, en ce qui concerne la draperie, jusqu'après la Révolution, Sette se heurtera au monopole de Marseille dans le commerce avec le Levant. Le produit des manufactures languedociennes et du travail paysan d'hiver ne s'exportera pas par Sette.00

Par contre, le port, pour alimenter l'industrie textile, importe de grandes quantités "de laines, coton et teinture", à côté des "drogueries et épiceries" (poivre, cannelle de Hollande), huiles d'Italie avec le tabac de Virginie pour la manufacture de Sette. Le port exporte les produits agricoles de la province : légumes, huile, amandes et même ce qui pose parfois problème, des grains. Tout cela, en plus du commerce du sel et du vin, entretient toute une activité de cabotage de l'Espagne à l'Italie. Selon le subdélégué, 800 petits navires s'activent à ce trafic. Ainsi, compte tenu des ambitions initiales, Sette stagnait.

Pourtant, une certaine expansion était maintenue par des activités plus modestes. Au total, à la fin du XVIIIè siècle, Sette exporte plus qu'elle n'importe et gagne en moyenne plus de 100 habitants par an.

Hervé Le Blanche

.Fin XVIIIè, Sette devient port du vin.

Hervé Le Blanche

Les vaisseaux fantômes de Sette.

En juillet-août 1793, la France révolutionnaire devait faire face à de nombreux périls. L'un d'eux était le manque de grains, pouvant engendrer disette et famine. "Sette" en était menacée, malgré les secours extérieurs et le rôle du port.

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L'examen des délibérations municipales de l'été 1793 nuance fortement les affirmations de l'Histoire de Sète (Privat 1986), selon lesquelles Sète ne manqua jamais de grains pendant la Révolution. Le port permettait sans doute d'approvisionner un "vaste hinterland méridional allant du piémont pyrénéen à l'Auvergne et au Dauphiné" (p.151). L'incontestable sérieux de l'ouvrage ne permet pas de douter de cette affirmation. Mais les Sétois, eux, étaient apparemment très mal servis par ce flux commercial. Le 15 juillet 1793, les documents municipaux notent que "la municipalité a été souvent dans des transes affreuses"..."nous avons été sur le point, la semaine dernière, de manquer totalement de pain" et le 16 juillet, il est noté la difficulté d'approvisionnement en grains dont cette ville est sur le point de manquer. Le 26 juillet, "pas de bleds au marché de Béziers". De même le 5 août, constatent les boulangers qui se sont déplacés en personne.

 Le 9 août, le scribe municipal consigne "le manque total de grains et farines". Pourtant, l'agglomération avait reçu de l'aide du département prise sur le fonds des "bleds nationaux". Mais la ville mettait ses espoirs dans le port qui commerçait avec Gênes. Certes, il fallait "payer les cargaisons des neutres" soit en vins, soit en numéraire. Cela rendait le blé fort cher, mais éloignait le spectre de la famine. Au début d'août 1793, on attendait l'arrivée de deux navires génois chargés de grains.

Or, ces vaisseaux étaient retenus à Marseille depuis plus de deux mois. Et les producteurs du département refusent de livrer leurs récoltes au demeurant fort réduites. L'année avait été mauvaise, la soudure difficile. Les Sétois en appellent au tribunal de commerce de Marseille. Cette instance rend son verdict : les cargaisons sont déclarées libres. Mais, arguent les Marseillais, elles risquent d'être saisies par les navires ennemis. Et puis, on manque aussi de blé à Marseille. La ville veut garder les grains et offre de payer leur valeur.

 Bien embarrassés, les édiles sétois écrivirent au ministre de la guerre. On ne sait ce que celui-ci décida, mais, décidément, face aux difficultés concrètes, ils paraissaient bien irréels ces navires génois.

Hervé Le Blanche.

Il y a 350 ans : Septembre 1673, les privilèges de Cette.

Septembre 1673 : les privilèges de Cette.

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Argent, Pièces De Monnaie, Taxes

L'arrêt du Conseil du roi du 30 septembre 1673 fait pratiquement de Cette une ville franche. Le port et la ville sont exemptés des impôts ordinaires et les futurs habitants pourront "s'assembler et dresser des articles concernant les statuts et privilèges qu'ils désireront leur être accordés", en clair, s'organiser comme ils le voudront. Malgré les oppositions, cette situation perdurera jusqu'à la fin du XVIIIè siècle (1770).

 

Alors que la construction du môle avance péniblement, la monarchie s'efforce d'attirer la main d’œuvre et dans ce but, le roi accorde "à toutes personnes de quelle qualité qu'elle soit de bâtir et de construire des maisons suivant les alignements qui seront marqués par le sieur de la Feuille, commis par sa Majesté à l'inspection des dits ouvrages". Concession importante du pouvoir royal : les futurs Sétois sont exemptés de la taille, impôt royal sur les terrains et les maisons. Et puis, l'on pense à l'avenir en tentant d'attirer une population nouvelle prête à contribuer à l'expansion du commerce. Ainsi, les futurs commerçants pourront "vendre et débiter librement" grains, vins et autres marchandises, "tenir magazins et boutiques sans qu'ils soient tenus de payer...aucun péage, leudes et subsides, ny autres droits que ceux accoutumés d'être payés fait sa Majesté deffences à toutes personnes d'y en établir nouvellement aucuns à peine de concussion". L'autonomie municipale s'établit, semble-t-il, sans difficultés. Aux délégués de l'évêque, comte d'Agde et seigneur de Sète, succèdent, en 1685 à la tête de la communauté, consuls et conseil de ville. Mais l'immunité fiscale de Sète sera contestée.

 

Et d'abord par l'évêque d'Agde, Monseigneur Fouquet. Il veut lever le droit de franc-fief : la perception de droits pour toute mutation sur une terre noble acquise par un roturier. L'Ile de Sète, argue l'évêque, exempte de taille, n'est-elle pas terre noble ? Les Sétois en appellent au Conseil du roi et rappellent que, depuis le Moyen-Age, les habitants de l'Ile ont payé les cens et canons emphytéotiques auprès des évêques d'Agde. Or, qui dit cens, dit terre roturière non soumise au franc-fief. Et l'arrêt du 12 octobre 1675 confirme les Sétois dans leurs droits. Mais, dès l'année suivante, le prélat agathois entend lever le droit de "courretage" appliqué aux marchandises vendues et achetés à Sète, en particuliers les grains et le vin.

Et, après une requête au Conseil du roi, l'arrêt du 21 août 1676 défend à l'évêque d'Agde de réclamer le droit de courretage. En outre, les Sétois avaient dû faire face aux prétentions des états du Languedoc dont l'impôt de l'équivalent (sur la viande, le poisson frais et salé et le vin) est la principale ressource. Cette, communauté de la province de Languedoc, ne doit-elle pas contribuer au bien commun ? Le roi ne l'entend pas de cette

 

oreille : le 29 mars 1671, l'arrêt du Conseil confirme le privilège sétois d'exemption fiscale.

 

Car, dès septembre 1673, songeant au développement du commerce du port, Louis XIV affirmait "vouloir contribuer de tout ce qui dépendra de son autorité" afin d'attirer "un nombre considérable d'habitans et leur en procurer tout ce qui peut rendre le séjour libre et agréable".

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Le dernier volet du "premier port de Cette" : Point d'argent… Courants, vagues et tempêtes ont eu raison des deux môles d'Henri IV

Point d'argent…

 

On ne sait si le prévôt d'Augier fut remboursé des avances qu'il avait faites pour l'avancement des travaux du port commencé près de l'actuelle anse du Lazaret. On connaît l'état du port en 1605, mais il semble bien qu'il soit resté dans cet état faute de travaux postérieurs. Toute l'entreprise a été abandonnée quand les fonds vinrent à manquer.

 

Les Etats du Languedoc restaient insensibles à tous les arguments des représentants de la couronne. Ils refusèrent d'avancer aucune somme, même quand on sollicita d'eux une subvention pour une année. Ils craignaient d'être entraînés dans l'engrenage du renouvellement de cette subvention. Ainsi le gouverneur avait-il procédé pour édifier le port de Brescou et cela avait coûté cher à la province. Afin de faire le point sur le montant des dépenses faites, par lettres patentes données à Paris le 17 janvier 1604, le roi donna mission aux Trésoriers généraux de France en la généralité de Montpellier de procéder à la visite du port de Cette et du fort de Montmorencette. Un des Trésoriers de France, Miles Marion, fut spécialement chargé de ce soin. Il s'entoura de de conseillers et deux catégories d'experts furent choisies. Un premier groupe de 17 personnes comprenait les patrons de navires "les plus entendus" des petits ports voisins, d'Agde à Frontignan. Ils étaient chargés de vérifier et constater l'importance des travaux exécutés. Un second groupe composé de notables était chargé d'estimer la dépense faite.

 

Le 17 février 1605 commença la vérification des travaux. Il fut constaté que, presque parallèle à la plage, le grand môle ne se trouvait "en sa perfection" que sur les deux tiers de sa longueur : sur 25 mètres, la construction n'arrivait qu'à fleur d'eau. L'autre jetée, ou petit môle "qui est joignant le grand mol et assiz du costé du vent droit", mesurait 54 mètres de long et ne s'élevait que de 2,25 m au dessus de l'eau (pour 3,60 m pour la partie achevée du grand môle).

Les deux jetées présentent une largeur considérable (30,35 m pour le grand môle contre 25,15 m pour le petit môle). Les deux jetées auraient-elles pu servir d'entrepôt, s'interroge Emile Bonnet. Quoi qu'il en soit, ce début de port a démontré son utilité. Il est profond (5 mètres) et a pu accueillir une galère du duc de Savoie venu s'abriter de la tempête.

Par mauvais temps, il a pu abriter 10 à 15 gros vaisseaux. Mais il a déjà coûté cher. Les notables calculent que d'après le cubage de pierre extrait, on peut estimer le nombre de charrois, de journées de travail. Le grand môle a coûté, d'après les calculs, 62 937 livres pour la partie achevée, 16 380 livres pour la partie à fleur d'eau. La construction du petit môle a coûté 43 680 livres.

 

Au total, d'Augier et ses équipes ont dépensé 123 997 livres. On est loin, souligne A. Degage, des 30 000 livres sollicitées par Henri IV auprès des Etats en 1602. Et faute d'argent, les travaux restèrent en l'état. Courants, vagues et tempêtes ont eu raison des deux môles d'Henri IV. Point d'argent, point de suisse.

 

 

HERVE LE BLANCHE

.Bateau, Natrure, Voiles, Autumn Nature

Vitalité protestante au milieu du XIXè siècle, à Sète

Dans les années 1860-1880, la communauté protestante à Sète connaît un apogée. Un groupe de 480 familles, 6 % de la population de la ville. Active, dynamique, elle est même agitée de querelles doctrinales, parfois à l'arrière plan de ses œuvres comme l'établissement de bains de mer pour les malades indigents.

 

abcopCaptureJ.C. Gaussent (BSESS XIX-X 1986) situe l'apogée de la communauté protestante pour le XIXè siècle de 1866 à 1885. En nombre, elle est passée depuis 1802 de 780 à 2 300 personnes. Outre le groupe des marchands-négociants, elle recrute dans les milieux populaires (tonneliers) et, le port diversifiant ses activités, "vers 1870, les employés du gaz ou du chemin de fer comptent autant que les tonneliers". G. Frisch est courtier maritime, Julien père et fils raffinent le soufre et "le fils du pasteur Cazelles fait le commerce du bois". Mais le domaine de la pêche et de l'armement restent étrangers à la communauté réformée. Il fallut subventions et souscriptions pour reconstruire le temple qui datait de 1832. Quand tous les comptes furent apurés, lors de l'inauguration du 1er août 1878, une douzaine de pasteurs refusent de se joindre à leurs collègues, arguant du devoir de leur charge ou de la chaleur estivale. Ces refus sont le fait de divergences théologiques. Face aux Evangéliques dogmatiques, diffuse, depuis Sète, une doctrine plus "libérale" qui touche Nîmes, Montpellier, Le Vigan. Au total, 400 personnes, dont une centaine à Sète.

 

L'idéologie de ce groupe est impulsée par la fille d'un négociant allemand Hinsch qui épouse M. Armengaud, négociant. Les adeptes prônent une forme de mysticisme où la foi inspirée par l'esprit saint doit l'emporter sur tout autre valeur. Et la doctrine diffuse dans le groupe négociant, appuyée sur une œuvre ancienne (1847) : l'Etablissement des Bains de mer pour les Malades indigents à Sète.

 

Dans l'opuscule publié par les éditions Lacour en 2013 (malheureusement sans nom d'auteur), est présenté le rapport d'activité pour l'année 1861. Le bilan chiffré est précédé d'une déclaration d'intention du secrétaire trésorier Edouard Krüger, pasteur évangélique. Et dans cette homélie, on retrouve l'écho des thèses "hinschistes" : l'importance de la foi sans laquelle les auteurs de bonnes actions ne sont "qu'un airain qui résonne, une cymbale qui retentit".

La foi inspirant la charité qui "espère tout, supporte tout". Et, comme les corps, on soigne les âmes : assistance au culte, prières, diffusion du Nouveau Testament. A l’œuvre des bains de mer pour indigents, on poursuit des buts humanitaires et religieux.

 

Et le groupe prospère. En 1861, il peut investir dans l'achat de 100 lits de fer. Les résultats des cures, comme du prosélytisme, ne sont pas spectaculaires. Mais le pasteur Krüger pense qu'avec le temps s'effectue, "dans l'ombre", le travail de l'âme.

Hervé Le Blanche